Le Digital Markets Act (DMA), entré en vigueur le 2 mai 2023, vise à encadrer les pratiques de ces géants du numérique, ces "gatekeepers" qui contrôlent nos données et nos interactions en ligne. Pour autant, ceux-ci restent soumis au droit des pratiques concurrentielles. Comment ces textes s’articulent-ils ? Après avoir rappelé les caractéristiques du DMA au regard du droit antitrust, nous verrons que si une application cumulative de ces deux textes est théoriquement possible, dans la pratique cela devrait être peu fréquent. Explications.
Quelles sont les caractéristiques du DMA ?
Le DMA s’inspire du droit antitrust, mais se distingue par sa recherche d’efficacité. Il cible spécifiquement les géants du numérique et vise à réguler leurs pratiques rapidement, contrairement aux procédures antitrust souvent longues et complexes. Parmi les principales obligations imposées aux "gatekeepers" par le DMA, on trouve :
- L’interdiction de favoriser leurs propres services au détriment des concurrents sur leurs plateformes.
- L’obligation de permettre aux utilisateurs de désinstaller les applications préinstallées.
- La nécessité de partager certaines données avec les concurrents et les régulateurs.
Le DMA n’est donc pas une simple extension du droit antitrust, mais une régulation sectorielle distincte, conçue afin de répondre aux défis spécifiques du numérique. Ces défis incluent la rapidité de l’évolution technologique, la concentration du pouvoir de marché, et l’asymétrie d’information entre les plateformes et les utilisateurs.
Objectifs complémentaires, équilibre fragile.
Soulignons que si le DMA et le droit antitrust poursuivent des objectifs différents, ces derniers sont néanmoins complémentaires. En effet, le DMA vise à prévenir les abus de position dominante et à promouvoir une concurrence équitable, alors que le droit antitrust vise à prévenir les pratiques anticoncurrentielles. La coopération entre la Commission européenne et les autorités nationales de concurrence est indispensable pour une application cohérente et efficace.
Si le DMA et le droit antitrust peuvent coexister, leur application cumulative sera probablement rare. Il est impératif que les sanctions respectent le principe de proportionnalité et que les victimes puissent toujours bénéficier de la présomption de faute en cas de violation du DMA. Il est temps de trouver un équilibre délicat entre la régulation nécessaire pour protéger les consommateurs et la liberté d’entreprendre qui a fait le succès des géants du numérique.
Réguler les géants du numérique sans sacrifier l’innovation et la liberté d’entreprendre.
Le DMA pose une grande question : comment réguler les géants du numérique sans sacrifier l’innovation et la liberté d’entreprendre ? La réponse à cette question dépendra de notre capacité à trouver un équilibre entre la régulation et la liberté, entre la protection des consommateurs et la promotion de l’innovation. Le DMA est un premier pas important dans cette direction, mais il est loin d’être le dernier. Pour que cette régulation soit efficace, il faudra également mettre en place des mécanismes de suivi et d’évaluation continue, ainsi que favoriser une coopération internationale pour éviter les disparités réglementaires qui pourraient nuire à l’innovation et à la compétitivité.