Pour rappel, au terme de l’article L 711-2 du Code de la propriété intellectuelle, la distinctivité d’une marque s’apprécie à l’égard des produits ou services désignés, et se caractérise par des signes ou dénominations qui ne reprennent pas exclusivement la désignation nécessaire ou usuelle d’un produit ou service dans le langage courant ou professionnel. De même, le signe choisi ne doit pas être descriptif de la nature, de la qualité ou de destination du produit ou service.
La présence de marques étrangères, la volonté de s’ouvrir sur le marché international ou tout simplement l’habitude de plus en plus grande d’utiliser des termes étrangers, et notamment anglo-saxons, ont permis de se confronter à la question de la distinctivité de termes étrangers comme signes pour des marques françaises ou communautaires.
En France, l’exigence de non descriptivité, décrite précédemment, s’étend aux termes étrangers. Il faut alors rechercher si le vocable est entré dans le langage courant ou professionnel et s’il peut être aisément compris par le consommateur français moyen visé comme public comme étant la désignation du produit ou service en question. Dans ce sens, les juges ont par le passé déjà considéré que le terme « Blind test » pour un jeu à l’aveugle ne peut être distinctif ((TGI Paris, 20 juillet 2006) ; de même pour la marque « Air Sport Gun », dont les produits étaient des armes à air comprimé à utiliser lors d’activités sportives (Cass. Crim., 8 janvier 2008).
En revanche, d’autres marques utilisant des termes étrangers ont été reconnues comme distinctives, et donc moins compréhensibles par le consommateur moyen. C’est le cas de « Fooding » pour des services liés à la restauration (CA Paris, 31 octobre 2007) ou de Kinder (signifiant enfant en allemand) pour des sucreries destinées aux enfants (CA Paris, 30 janvier 2004).
Parfois, les signes composant la marque ne font qu’évoquer, suggérer la nature ou les caractéristiques du produit ou service, sans qu’ils ne constituent une description immédiate dudit produit. Ce sont les marques évocatrices, qui sont, quant à elles, protégeables. La difficulté réside dans la délimitation de la frontière entre ces dernières, et les marques descriptives, non protégeables. Pour cela, le signe doit être observé dans sa globalité, et il peut comporter de expressions étrangères, à prendre en compte comme précédemment.
À titre d’exemple, la marque « Nutri-rich », composée d’un radical raccourci et d’un terme anglais. Même si ces deux termes pris séparément seraient considérés comme descriptifs, assemblées, ils créent une « modification inhabituelle syntaxique et sémantique des termes (…) de sorte que [le signe] conserve, par sa signification de fantaisie, sa distinctivité et reste arbitraire » (cour d’appel de Paris,1er juin 2005).
Plus récemment, le signe « Droneshop » a été considéré par le juge comme non évocateur mais descriptif et donc non distinctif, ne pouvant ainsi constituer une antériorité opposable à la concurrence. Selon l’arrêt du 13 novembre 2015 du TGI de Paris, « bien que n’étant pas un mot usuel ou générique, puisque composé d’un mot français et d’un mot anglais, la juxtaposition de ces deux termes est purement descriptive de l’activité exploitée et ne permet pas une identification de l’entreprise concernée afin de la distinguer des autres entreprises du même secteur ». Cette fois, l’union d’un terme étranger et d’un terme français ne permet pas le caractère évocateur.
Les décisions sur ce point sont évidemment teintées de la subjectivité propre à l’appréciation du juge ou de l’examinateur mais sont surtout liées à l’évolution de la sensibilité du public aux langues étrangères. En effet, il y a quinze ans ou plus, le consommateur moyen n’avait pas la même ouverture sur les idiomes qu’aujourd’hui. Or le caractère distinctif du signe s’apprécie au moment du dépôt de la marque. C’est pourquoi de nombreuses marques à consonance anglo-saxonne ont été considérées comme valides par le juge français en tant que marques évocatrices, et pas descriptives. C’est le cas de « Quick », pour ses services de restauration rapide (CA Paris, 6 mars 2002), déposé il y a de nombreuses années.
Le juge français est désormais plus pointilleux, notamment sur les termes anglais, le public y étant plus sensible.
Concernant les marques communautaires, la question est la même au détail (important) près que les langues à prendre en compte afin de considérer si l’expression est « générique, nécessaire ou usuelle » (et donc descriptive) sont toutes les langues des Etats Membres de l’Union. Il suffit que le signe soit descriptif dans l’une de ses langues pour que l’enregistrement soit rejeté.
Ainsi l’arrêt de la quatrième chambre du tribunal de première instance des communautés européennes du 27 novembre 2003 avait de refuser l’enregistrement de la marque Quick au niveau communautaire, en raison de son caractère descriptif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c) du règlement n°40/94. En effet, selon le TPI, la marque est composée exclusivement d’un terme pouvant servir pour désigner une qualité importante des services concernés, à savoir la rapidité avec laquelle les produits peuvent être servis, « quick » signifiant « rapide » en anglais.
Les jurisprudences internes et communautaires ont donc tendance à se rapprocher et ne laissent le choix aux dépositaires de marque que celui de plus d’imagination, y compris dans l’utilisation de termes étrangers.