Le droit international face à la guerre cybernétique.

Par Avraham Bessat, Juriste.

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Explorer : # cyber-guerre # droit international # attaques cybernétiques # géopolitique

Personne n’a besoin d’être spécialiste en cybersécurité et/ou en informatique, notamment dans les pays hautement dépendants et tributaires du numérique, pour comprendre que toutes les institutions étatiques ou privées dotées d’interfaces numérisées peuvent être victimes d’une attaque cybernétique, qui peut avoir de lourdes conséquences.

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La menace cyber aujourd’hui dépasse le stéréotype du délinquant numérique ou hacker qui essaye de dérober les informations de ses victimes contre une rançon ; les cyberattaques font aujourd’hui partie intégrante d’une nouvelle méthode de guerre ou outil utilisé par les Etats contre les intérêts d’autres Etats, dans un contexte d’une nouvelle guerre mondiale hybride. De ce fait, le droit international peut-il réguler la cyber guerre ?

Contrairement à la doctrine de défense classique et aux critères de classification des forces armées à travers le monde, la puissance militaire ne se calcul pas uniquement en nombre d’armes létales ou en nombre d’effectifs capables de porter des armes.

En effet ce que les revus militaires spécialisées ne dévoilent pas, c’est que la géopolitique de la guerre à profondément changée. Le temps où la puissance militaire d’un État se mesurer par rapport aux nombres d’engagés actifs et/ou réservistes ou en fonction des quantités d’avions ou de chars de combats, n’est plus un critère suffisamment crédible, car nous sommes dans l’ère des avions autonomes sans pilotes (Drone autonomes), des systèmes d’armes létaux autonomes, des munitions rôdeuses, de l’intelligence artificielle militaire (l’IA militaire) et aussi de la cyber guerre et c’est sur ce dernier point qu’on va mettre la lumière.

La dynamique ainsi que la géopolitique de la guerre sont en constante métamorphose. D’abord, cette métamorphose est visible par l’intégration de l’intelligence artificielle (IA) et la mise en œuvre d’armes létales jouissants d’un grand degré d’autonomie à travers la robotisation progressive de la guerre (voir notre ouvrage sur ce sujet). En parallèle, l’avènement de l’internet à créer un espace virtuel qui échappe à toute notion physique de territorialité et dont les frontières sont facilement franchissables. Le cyber-espace rend en quelque sorte la sécurité des États vulnérables dans la mesure où l’arsenal et les forces mises pour défendre la souveraineté territoriale, ne suffisent plus pour empêcher une attaque cybernétique hybride qui insonore, inodore, invisible et rapide, ciblant directement les infrastructures stratégiques et les intérêts d’un État et dont les conséquences sont parfois plus désastreuses qu’une attaque létale classique [1].

En effet, l’histoire géopolitique de la guerre a totalement changée et les nouvelles technologies de communication, de l’information et du renseignement dont internet est le vecteur d’une confrontation hybrides entre les États, a progressivement délocalisée le champ de batail de l’espace classique qu’on connaît, c’est-à-dire mer, terre et aire à un espace virtuel connue communément sous le nom du cyberespace.

De ce fait, on parle de cyber-combats pour désigner les attaques et les ripostes menées sur le cyber-espace dont l’intensité et la répétition nous conduit à utiliser le terme de « cyber-guerre » ou de « guerre cybernétique ».

Donc, l’ensemble des attaques, des ripostes et contre attaques menées sur le cyber-espace intensément et répétitivement forment ce qu’on peut définir comme étant une « cyber-guerre » ou « une guerre cybernétique ».

En effet, les opérations militaires d’aujourd’hui sont quasiment accompagnées par des attaques de types cybernétique pour collecter de l’information dans le cadre du cyber espionnage. Ainsi, les attaques cybernétiques peuvent avoir pour objectif des systèmes de défense de l’ennemi pour réduire ses capacités de riposte afin de mener des opérations en toute sécurité et avec moins de pertes humaines et matérielles.

On peut donc à travers des attaques cybernétiques, réduire la force militaire d’un pays avant d’engager des opérations classiques. Par exemple, on peut bloquer des avions au sol le temps de les mettre hors d’état de nuire, on peut aussi pirater un système de défense aérien pour le rendre inactif mais aussi de brouiller les radars ou d’induire en erreur l’ennemi en profilant de fausses informations pour désorienter ses systèmes de défense [2].

Les cyber-combats ne connaissent pas de limite, il s’agit d’attaques perpétrées contre des États, des organisations internationales, des entités privées et même contre des personnes. Tous les moyens sont bons pour intimidé l’ennemi et prendre une longueur d’avance en cas de conflits direct ; les cyber-attaques sont aussi utilisées pour collecter des informations sensibles que les États utilisent lors de négociations ou lors de compromis régionaux et/ou internationaux ; parfois les cyberattaques servent à collecter des informations pour préparer un dossier solide qui viendra renforcer une position ou une action diplomatique d’un État au sein des organisations internationales. Bref, la cyber-guerre n’a aucune limite, elle ne reconnaît aucune éthique, ni aucune loi. De ce fait, tous les coût sont permis et tous les moyens sont bons pour atteindre les objectifs escomptés [3].

Le cyber-espace, constitue pour le domaine qui s’intéresse à l’étude des conflits armés, et plus particulièrement le droit international humanitaire (DIH), un défis majeur, notamment en ce qui concerne sa nature hybride et l’absence de règles spécialisés en sa régulation, ce qui interroge sur l’adaptabilité des règles antérieures du droit international dans le contexte de la nouvelle géopolitique de la guerre.

On peut avancer l’idée selon laquelle, la cyber-guerre s’est créer un nouveau territoire, propre à ses besoins, il s’agit d’un espace qui échappe au droit international des conflits armés dont les règles existantes ne sont pas mises en place pour réguler des questions qui relèvent d’un territoire virtuel et hybride et dont l’avènement n’était pas dans les consciences des premiers concepteurs des règles de ce droit. Pourtant, certains rechignent d’accepter les limites du droit international et s’efforcent d’étirer et de transposer ses règles, pourtant spécifiques aux conflits armés classiques, par des interprétations parfois déséquilibrées et discutables, afin d’appréhender coûte que coûte le domaine de la cyber-guerre et lui donner un sens selon les règles antérieures du droit international [4].

Dans le domaine cyber, il existe des pays qui ont eu une longueur d’avance sur le reste du monde et ont donc réussi à mettre la main sur une grande partie du territoire cybernétique en contrôlant les différents flux informatiques. Sans surprise, les deux protagonistes en matière de guerre cybernétique sont les États-Unis et la Chine, ces deux puissances occupent conjointement la première place du top cinq mondial. En revanche, même en étant la plus grande puissance cybernétique du monde, avec une capacité de contrôle sur la quasi-totalité de nos communications dans la sphère privée mais aussi officielle, n’importe où dans le monde, les Etats Unis se présente comme étant la première victime des attaques cybernétique tantôt de la part de la Chine, tantôt de la part de la Russie. Cependant, dans notre analyse des évènements, on peut prétendre que dans le domaine de la cyber-guerre, l’ensembles des puissances et à leurs tête les 5 membres permanent du Conseil de sécurité sont les protagonistes de la cyber-guerre, en étant à la fois déclencheurs d’attaques mais aussi victimes d’attaques émanant de ripostes ou d’attaques délibérés.

Comme dans la guerre classique, dans le domaine de la cyber-guerre, les alliances sont faites et les cartes sont jouées. On se dirige de plus en plus vers un conflit mondial cybernétique dont les alliances et les pactes ne font objet d’aucune surprise, nous avons d’un côté les États-Unis avec ses alliés traditionnels et historiques et de l’autre côté la Russie et la Chine avec leurs alliés historiques et habituels. Les combats et les attaques se comptes par milliers à la seconde et par jours ; quant au dommages même si pour le moment il est difficile de les quantifier, ils peuvent avoir des conséquences lourdes sur le plan économique, militaire et parfois même humain ; par exemple, dans le cas d’une attaque contre des structures médicales en provoquant des pertes humaines. Ce type de conflit constitues une première dans le domaine des conflits armés, la raison pour laquelle on peut définir ce conflit mondial comme étant la première cyber-guerre mondiale.

Mais comment on peut appliquer les règles du droit international sur un espace hybride et une arme existante physiquement ?

Si le territoire de la cyber-guerre est virtuel (cyber-espace), c’est dire que ce dernier ne se crée pas une place et ne se trouve pas physiquement dans l’espace naturel qu’on connaît (terre, mer, air), s’agissant d’un territoire et d’un espace créer par le génie de l’être humain, il s’agit donc d’un espace artificielle qui est le résultat de l’intelligence artificielle basée sur la loi de l’informatique, mais qui à son tour, à besoin d’infrastructures physiques ainsi que de matériels capables de conduire cette intelligence artificielle à travers un élément de base qui est internet [5]. Donc, il s’agit d’un espace ou d’un territoire virtuel qui n’est pas conciliable mais qui animé grâce à un matériel quantifiable et qui existe physiquement, et c’est ce matériel qu’on peut considéré comme étant une arme de guerre par destination si on accepte l’idée d’une possible transposition des règles antérieures du droit international dans le domaine de la cyber-guerre, et plus précisément celles relatives à l’utilisation des armes conventionnelles.

La cyber-guerre est synonyme de confusion, elle suscite des inquiétudes. Aussi, elle justifie les peurs et les frustrations, mais demande un regard objectif et un esprit critique pour comprendre la nature de sa nature et donc identifier le droit applicable en la matière.

Comment on peut définir la cyber-guerre et qu’elle est le droit applicable en la matière ?

Comprendre la cyberguerre :

La cyber guerre consiste à la mise en œuvre d’un ensemble de procédés informatiques via la toile pour perpétrer des attaques virtuelles dans le cyberespace contre un État. La guerre cybernétique constitue un terrain de confrontation de grande envergure entre les armés. Internet est aujourd’hui la route qui facilite l’accès à ce terrain de bataille avec des conséquences considérables sur le plan économique, politique et parfois même humain (comme l’attaque contre des structures médicales ou nucléaires).

La Cyber guerre a comme cibles les organisations gouvernementales, les organisations non gouvernementales, les entreprises et les grandes structures industrielles et parfois même des espaces virtuels privés dans le but de récolter des informations sensibles ou pour l’intimidation, pour des finalités politiques ou à des fins de renseignement. La cyber-guerre n’a donc aucune limite et ne respecte aucune règle d’éthique ni aucune loi ; un État peut être la cible mais aussi ses citoyens [6].

Les attaques cybernétiques :

Contrairement à l’affrontement militaire directe entre deux armées et qui demande un gros budget et des moyens matérielles et l’enroulement de milliers de soldats avec des résultats parfois désastreux ; la guerre cybernétique ne nécessite pas beaucoup de moyens et il suffit parfois d’une personne ou de quelques ingénieurs spécialisés dans la cyber sécurité et la cyber-guerre pour mener une attaque dont l’impact peut être néfastes sur les intérêts d’un pays.

Les attaques peuvent être le fait d’une armée cybernétique d’un État, on parle donc d’une attaque perpétrée par des agents informatiques étatiques. Toutefois, la cyber guerre ne se limite pas aux États, car les auteurs peuvent aussi être des hackers travaillant pour des organisations criminelles ou terroristes ou parfois émanant de personnes agissant de leur propre chef, on parle donc d’attaque perpétrée par des agents informatiques privées [7].

Les méthodes de la guerre cybernétique :

Comme lors d’une guerre sur un vrai champ de bataille, il existe des stratégies et des méthodes d’attaques utilisés lors d’une guerre cybernétique qu’on peut énumérer comme suit :

- La propagande et la désinformation : c’est une attaque qui utilise internet pour atteindre l’opinion public et créer une situation de confusion allant jusqu’à la mobilisation de la population pour préparer un soulèvement interne pour des objectifs à court, moyen ou long terme. Cette méthode est souvent progressive et ciblée.

- La destruction et le vandalisme : il s’agit d’une attaque utilisant un programme informatique définit comme un virus visant à détruire ou modifier un page web ou un système informatique d’une organisation étatique ou privée. Il est généralement facile à combattre en prenant des précautions et si nécessaire engager une contre-attaque cybernétique.

- L’espionnage industriel-politique et économique : il s’agit d’une attaque utilisant un programme espion infectant le réseau cible afin de collecter des informations à l’aide de chevaux de Troie ou de Spywares. Si un pays par exemple ne prend pas des précautions pour correcte pour défendre sa sécurité informatique, ses informations les plus secrètes peuvent être interceptées, volées et même modifier.

Un peu d’histoire :

Concrètement, on peut considérer la Chine comme un pays pionnier en matière de guerre cybernétique. En 1999, un colonel chinois nommé "Wang Xiangsui" avaient mis en place un nouveau type d’arme basé sur l’utilisation d’une armée d’un nouveau genre, il s’agissait d’une armée spéciale de la guerre cybernétique constituée à l’époque de plus de 9 600 hommes et qui était pleinement opérationnel dès le débit de l’année 2000. D’ailleurs, la Chine est souvent accusée d’espionnage ou d’attaques informatiques, notamment contre les intérêts des Etats-Unis et de ses alliés.

Exemples de cyber-guerre.

On ne peut pas mettre la lumière sur la totalité des attaques, car ce n’est pas le but de ce travail, mais nous allons citer quelques exemples comme suit [8] :

Le monde de l’informatique et de la cyber sécurité se rappel du virus STUXNET qui avait infecté les systèmes informatiques de la centrale nucléaire iranienne de Bouchehr ; cette attaque a réussi de détruire plusieurs centrifugeuses iraniennes en permettant de ralentir les travaux au sein de la centrale nucléaire pour une année.

Pour les Russes, ce virus est l’œuvre conjointe d’Israël et des États-Unis. L’opération est un succès, tout en gardant un silence froid sur ses conséquences et les pertes de l’Iran se chiffrer par millions en plus des équipements hors services. Cette attaque a éviter aux deux côtés d’éventuelles pertes humaines mais a atteint ses objectifs.

Un autre exemple concret et qui a connu un succès sur le plan militaire et opérationnel ; c’est quand Israël a réussi de mettre hors d’état de nuire l’ensemble des systèmes de défense sol-air de la Syrie les rendant tous hors service, pour permettre aux avions de chasse de Tsahal d’opérer en toute sécurité et sérénité lors du bombardement du réacteur nucléaire situé à DalKibar.

Il ne s’agit pas ici de mettre la lumière ou de faire la publicité aux conquêtes des uns et des autres ou de glorifier la puissance des uns contre les autres, mais de démontrer comment la maîtrise de l’espace cyber, est importante aujourd’hui lors d’un conflit.

Le droit international face à la cyber-guerre.

Si on cherche une qualification juridique à la cyberguerre en droit international, on va se rendre compte rapidement que cette dernière est introuvable. Le droit international se trouve encore une fois dépassé par le progrès scientifique comme dans le cas des Systèmes d’armes létaux autonomes que nous avons traité dans un autre ouvrage.

Dès lors, l’intégration de la notion de cyberguerre ou de guerre cybernétique en droit international consiste en quelque sorte d’usurper une notion technique au domaine de l’informatique et de la cyber-sécurité pour essayer de mettre le droit international au niveau de cette problématique.

D’autant plus, même si les actes de la guerre cybernétique relèvent techniquement du domaine de la défense, il n’est pas facile de qualifier d’actes de guerre dans le sens étroit de la notion des conflits armés, notamment quand ces dernières sont menées en dehors de toutes confrontation militaire et en toute clandestinité. C’est pour cette raison que l’identification du droit applicable en la matière reste sensiblement difficile [9].

A cet effet, il n’est pas facile de prétendre des règles claires de responsabilité pénale à la suite d’une attaque cybernétique, à moins que l’État responsable déclare sa pleine responsabilité après une attaque perpétrée.

Le droit international atrophié par La guerre cybernétique :

Le droit international dans sa forme actuelle se trouve atrophié par les avancées technologiques et scientifique et notamment dans le domaine de la guerre cybernautique où il est inévitable de penser une règlementation sui generis de la cyber guerre. Cette règlementation sui generis est justifiée comme suit :

La notion de cyberguerre :

D’abord, la notion de cyber-guerre ou de guerre cybernétique se compose de deux termes principaux : le premier est la « guerre » et elle démontre la gravité de la situation et laisse penser à des conséquences désastreuses avec des victimes et des dégâts mais cette gravité est vite rattrapée par le second terme qui est « cyber » et qui laisse penser à une attaque virtuelle avec des cibles matérielles et des programmes informatiques sans avoir un impact direct sur les vies humaines.

Ensuite, il faut prendre en considération qu’une règlementation sui generis viendra combler le vide et l’insécurité juridique existante en la matière, car la guerre cybernétique impose ses règles émanant de la loi des algorithmes et rentre en conflit direct avec les règles du droit international, ce conflit ne date pas d’aujourd’hui, il remonte à l’avènement de l’internet et aux premières cyberattaques. C’est pour cette raison que la matière qui s’intéresse à la guerre cybernétique doit se doter d’une règlementation spécifique et propre à une guerre sans frontière et à un conflit dont le champs de bataille échappent souvent à toute possibilité de localisation.

Le droit international et la guerre sur le cyber-espace :

Le droit international dans sa forme actuel et avec une règlementions préexistante et applicable sur des conflits classiques, se retrouve atrophié et limité par la réalité d’une guerre hybride et sans odeur de poudre ou bruit de bombes, une guerre dématérialiser impliquant une réponse rapide, immédiate et efficace de la part de la partie victime de cyber-attaque pour défendre ses intérêts, le tout passe dans la plupart des cas sous silence [10], car un État comme la France par exemple ou les États Unies subissent des milliers d’attaques cybernétiques par seconde et par jour. De ce fait, la guerre cybernétique échappe au radar du droit international [11].

L’absence d’une règlementation Sui Generis : une aubaine pour tous.

En quelque sorte, l’absence d’une règlementation spéciale en la matière arrange tout le monde, car d’un côté la doctrine considère que les conséquences des cyber-attaques n’atteignent pas le degré des conséquences résultant des guerres classiques ; d’autre part, les commandements militaires adoptent une position discrète pour ne pas dire secrète, face aux attaques cybernétiques, ce qui leur donne une marge de manœuvre pour préparer et mener des contres attaques cyber avancées (légitimés une contre attaque avant même d’être attaqué), échappant ainsi à la matière qui s’intéresse au jus in bello.

De ce fait, en l’absence d’un conflit armé, il est difficile de prétendre que le jus in bello (droit international humanitaire) est capable de prévoir des règles spécifiques à la cyber-guerre, car l’application de ce dernier suppose l’existence d’un conflit d’ores et déjà existant. Au contraire, on peut supposer qu’en l’absence d’un conflit armé, la guerre cybernétique peut être appréhender dans un contexte général par le jus ad bellum qui couvre le volet de la prévention contre la guerre et ses conséquences.

On peut prétendre donc que c’est dans l’ensemble du droit international général qu’on peut prétendre à des solutions, mais qui reste minimes face à l’hybridité et à la dynamique de la cyber-guerre. Toutefois, même en creusant dans les règles du droit international, on se retrouve vite rattraper par ces limites et par son incapacité d’appréhender les fondements et surtout les fondamentaux de la cyber-guerre, de comprendre sa nature et d’anticiper ses conséquences.

A ce propos, on admet que l’unique possibilité à réguler la cyber-guerre est celui de l’application du droit international déjà existant, autrement dit par une interprétation large des règles antérieures. Le seul chemin qui nous reste à suivre, est celui d’une interprétation qui prend pour base, une cyberattaques ayant conduit à un conflit armé par l’utilisation de la force militaire au sens de la Charte des Nations Unies, c’est à dire que la cyber-attaque doit être l’élément déclencheur et la cause du conflit armé. Reste à savoir si la justification d’une attaque ou d’une frappe militaire contre un pays sous le prétexte d’une attaque cybernétique n’est pas en soi une agression vue l’inégalité de la riposte, autrement dit, qu’il faut prendre en considération la question de la proportionnalité, ce qui nous conduit d’admettre qu’une riposte à une attaque cybernétique doit être de nature cybernétique, ce qui rend une fois le droit international inefficace a y faire face.

Dès lors, un droit sui generis en la matière est plus que nécessaire pour appréhender ses situations, mais pour se faire il faut sortir des hypothèses d’écoles et des théories classiques du droit international pour mieux le comprendre, le critiquer et surtout l’adapter à des situations de plus en plus complexes. Mais, en attendant que cela se fasse, on doit essayer de trouver dans le droit actuel des éléments de réponse capables d’englober la cyber-guerre dans le cadre général du droit international humanitaire.

La cyber guerre et le jus in bello :

Le droit international humanitaire (DIH), s’impose aujourd’hui comme l’unique branche du droit international capable d’englober les situations produites par la cyber-guerre ainsi que leurs conséquences, même si dans un premier temps la réalité historique nous interpelle, dans le sens où la mise en œuvre des règles du droit international est antérieur à l’avènement de la cyber-guerre, ils ne sont pas donc contemporains l’un par rapport à l’autre. Cependant, il semble communément admis que le traitement de la question doit être englober, par le droit international humanitaire.

En effet, le droit international humanitaire prévoit que l’application de ses règles et principes s’appliquent aux nouveaux moyens et méthodes de guerre ; l’article 22 de la Convention (II) concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre et son Annexe, prévoit que : « Les belligérants n’ont pas un droit illimité quant au choix des moyens de nuire à l’ennemi » [12].

L’article 36 intitulé armes nouvelles, du Protocole additionnel aux Convention de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux prévoit que :

« Dans l’étude, la mise au point, l’acquisition ou l’adoption d’une nouvelle arme, de nouveaux moyens ou d’une nouvelle méthode de guerre, une Haute Partie contractante a l’obligation de déterminer si l’emploi en serait interdit, dans certaines circonstances ou en toutes circonstances, par les dispositions du présent Protocole ou par toute autre règle du droit international applicable à cette Haute Partie contractante » [13].

Donc afin de dépasser la complexité que suppose la notion de conflit armé limitant ainsi l’application du DIH aux conflits armés déjà existants, nous devons appréhender la cyber-guerre comme étant un moyen ou un outil utilisé par les forces armées dans un contexte général de conflit armé.

La cyber-guerre appréhender comme un moyen de guerre : les cyberattaques.

La cyber-guerre doit être assujettit indépendamment de sa nature aux règles du DIH et de ce fait elle perd de son intensité pour se réduire à un outil ou un moyen de guerre qu’on peut redéfinir par la proposition du terme « attaques cybernétiques » qui nous semble plus adapté et plus adéquat, surtout quand on sait que le terme « attaque » est fondamental en DIH dans le sens où la conduite des hostilités lors des conflits armés est interprétée par le terme « attaque ».

On peut donc supposer que le terme « attaque » est suffisant à lui seul d’intégrer les attaques de nature cybernétique dans le cercle du DIH et est capable de généraliser l’application des règles du droit international humanitaire sur l’ensemble des situations de la guerre cybernétique. D’autre part, le terme « attaque cybernétique » offre une certaine garantit aux populations civiles au sens de l’article 51, paragraphe 2 du Protocole 1 qui stipule que : « Ni la population civile en tant que telle ni les personnes civiles ne doivent être l’objet d’attaques » [14].

Donc en application de l’article 52, le DIH assure une protection aux civiles à l’égard attaques cybernétiques.

Dans ce même sens, l’article 52, paragraphe 1 du Protocole I prévoit que : « les biens de caractère civil ne doivent être l’objet (…)d’attaques ». De plus, il faut prendre en considération que « les attaques sans discrimination sont interdites ». D’autre part, l’article 52, paragraphe 2 limite la portée des attaques et énonce que « les attaques doivent être strictement limitées aux objectifs militaires ».

Le recours à la force entre les États : le cas des attaques cybernétiques.

En application de l’article 2 de la charte des Nations Unies qui dispose que

« les membres de l’Organisation s’abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l’emploi de la force (…) ».

Si on avance l’hypothèse selon laquelle, les attaques cybernétiques perpétrées par un Etat contre les intérêts d’un Etat, constituent une agression, qu’on peut qualifier comme étant un recours à la force prohibé par le droit international ; dans ce cas, l’article 2 cité ci-dessus est applicable dans le cas de ces attaques.

Toutefois, comparé une attaque conduite sur le cyber-espace comme étant un recours à la force revient à lui conféré les mêmes caractéristiques d’une attaque traditionnelle menée par des forces armées sur un champ de bataille réel et cela conduit inévitablement à la confusion entre deux réalités tout à fait différentes.

Dès lors, il est important de chercher une définition capable d’appréhender les attaques cybernétiques et de les inclure dans le champ de compétence du DIH. Dans l’accomplissement et vu la nature technique des attaques menées sur le cyberespace, on va se référer au Manuel De Tallinn qui propose une solution plus objective quant à la transposition des règles du droit international aux attaques cybernétiques.

Conclusion :

Le droit international atrophié par la cyber-guerre.

Si une partie des juristes est convaincue que le droit international dans sa forme actuel est suffisant pour appréhender la cyber-guerre, la réalité technique du domaine qui relève du cyber-espace ainsi que la nature hybride et virtuelle de ce dernier démontre que la transposition des règles du droit international applicable aux conflits armés est sujette à caution.

Entre un conflit armé dans le sens classique du terme et selon le droit international applicable et un conflit dont les faits se déroulent dans le cyber-espace, il existe une réelle démesure et une différence de fond.

De plus, insister sur le fait qu’il n’existe pas de vide juridique en matière de guerre cybernétique est une forme de déni qui conduit au flou juridique et à une grande confusion. Profitant de cette confusion et de ce flou juridique, les États vont recourir à des attaques de type cybernétique pour détourner l’interdiction du recours à la force en utilisant le droit international comme un parapluie à leurs actes.

Dans ce contexte, l’extension des notions d’agression et de légitime défense seront utilisé comme une maquilleuse pour justifier le recours à la force dont le respect de la règle de proportionnalité est parfois relative.

Le fait d’insister sur la transposition des règles du droit international applicable en matière des conflits armés dans le domaine de la guerre cybernétique, consiste à soutenir les démarches étatiques qui s’orientent vers la construction d’un arsenal informatique militaire destiné à la cyber-guerre en profitant du flou que leur offre cette idée de transposition, ou plutôt profitant de l’absence d’un droit sui generis en la matière. Dans les deux cas, le contexte est propice pour le développement d’une politique sécuritaire et de défense qui s’oriente vers les cyberattaques.

Enfin de compte, les voix qui insistes sur la transposition des règles du droit applicable dans le domaine du cyber-espace et de la guerre cybernétique, contribuent à l’affaiblissement du droit international dans le cas où ce dernier se retrouve dans une situation ne lui permettant pas d’appréhender toutes les situations de la cyber-guerre, car la nature de ce droit fait que ce dernier ne prend en compte que les attaques conventionnelles.

L’application de la règlementation internationale relative aux règlements des conflits sur le domaine relavant de la cyber-guerre suppose qu’on est en possession d’une qualification préalable de l’acte en question mais aussi d’être capable d’identifier l’auteur de cet acte, ses motivations, le degré et l’intensité de l’acte ainsi que son impact ou l’étendue des dommages qu’il produit.

Toutefois, dans le contexte actuel, il est difficile ou plutôt presque impossible de détecter la provenance exacte d’une cyber-attaque et donc son auteur pour prétendre l’application des règles du droit international à son égard.

Avraham Ibrahim BESSAT

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Notes de l'article:

[1Barat-GiniesOriane, « Existe-t-il un droit international du cyberespace ? », Hérodote, 2014/1-2 (n° 152-153), p. 201-220. DOI : 10.3917/her.152.0201. URL : https://www.cairn.info/revue-herodote-2014-1-page-201.htm

[2Paul J. Springer, Cyber Warfare : (A Reference Handbook) Contemporary world issues.340p. Illustré 2015.

[3Henri Gautier, « Cyberguerre et guerre de l’information », Terminal [En ligne], 106-107 | 2010, mis en ligne le 28 avril 2018, consulté le 16 octobre 2021. URL : http://journals.openedition.org/terminal/1837 ; DOI : https://doi.org/10.4000/terminal.1837 [1] Madubuike-4-

[4Ekwe, J. (2021) Cyberattack and the Use of Force in International Law. Beijing Law Review, 12, 631-649. doi : 4236/blr.2021.122034.

[5BaudMichel, « La cyberguerre n’aura pas lieu, mais il faut s’y préparer », Politique étrangère, 2012/2 (Eté), p. 305-316. DOI : 10.3917/pe.122.0305. URL : https://www.cairn.info/revue-politique-etrangere-2012-2-page-305.htm Ventre, Cyberattaque et cyberdéfense, Paris, Lavoisier, 2011, p. 294.

[6Nicolas Arpagian, La cyberguerre- La guerre numérique a commencé. 251p. Vuibert édition. 2017 Jaques Benillouche, « Tsahal s’arme pour affronter les défis de la cyberguerre - L’armée israélienne est depuis quelques années à la pointe du combat numérique », janvier 2017. http://www.slate.fr/story/133649/armee-israelienne-defis-cyberguerre

[7Madubuike-Ekwe, J. (2021) Cyberattack and the Use of Force in International Law.Beijing Law Review, 12, 631-649. doi : 4236/blr.2021.122034.“Is It Possible to Wage a Just : https://www.theatlantic.com/technology/archive/2012/06/is-it-possible-to-wage-a-just-

[8Louis-SidneyBarbara, « La dimension juridique du cyberespace », Revue internationale et stratégique, 2012/3 (n° 87), p. 73-82. DOI : 10.3917/ris.087.0073. URL : https://www.cairn.info/revue-internationale-et-strategique-2012-3-page-73.htm

[9Paul Tarvernier : L’évolution du droit international humanitaire au XXIème siècle : une nécessité ? in The International Legal Order : Current Needs and Possible Responses. Pp. 732-745. Publisher : Brill /Nijhoff. 2017.

[10Article 22 de la Convention (II) concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre et son Annexe : Règlement concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre. La Haye, 29 juillet 1899.

[11Article 36 du Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux (Protocole I). Adopté le 8 juin 1977 par la Conférence diplomatique sur la réaffirmation et le développement du droit international humanitaire applicable dans les conflits armés. Entrée en vigueur : le 7 décembre 1978, conformément aux dispositions de l’Article 95.

[12Art.52.par.2, Protocole I.

[13Art.51.par.4, Protocole I.

[14Art.52, par.2, Protocole I.

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