Un sujet proposé par la Rédaction du Village de la Justice

A-t-on le droit de réaliser une saisie administrative à tiers détenteur sans prévenir le contribuable ?

Par Arnaud Chapert, Avocat.

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Explorer : # saisie administrative à tiers détenteur # recouvrement fiscal # droit fiscal # procédure de saisie

Ce que vous allez lire ici :

La procédure de saisie administrative à tiers détenteur (SATD) permet aux comptables publics de récupérer des impôts non payés en saisissant des créances détenues par des tiers. Elle s'applique à divers débiteurs et nécessite plusieurs notifications, tout en prévoyant des voies de contestation pour les contribuables.
Description rédigée par l'IA du Village

Certainement l’un des actes de l’administration le plus redouté, par son effet contraignant immédiat, la saisie administrative à tiers détenteur plus connue sous son acronyme « SATD » est l’une des procédures d’exécution à disposition de l’administration lui permettant de recouvrir les dettes fiscales des contribuables.

La mise en œuvre de la SATD est encadrée par une procédure spécifique qui permet d’assurer un juste équilibre entre le droit des contribuables et l’intérêt du Trésor Public. Pour répondre sans détour au sujet traité, il est par exemple indispensable que le contribuable soit notifié de la SATD et ce à peine de nullité de cette dernière.

Nous revenons ci-dessous sur les règles essentielles qui encadrent la mise en œuvre d’une SATD.

-

I. Qu’est-ce que la procédure de saisie administrative à tiers détenteur ?

1. Définition de la saisie administrative à tiers détenteur (SATD).

Cette procédure permet aux comptables publics d’obtenir le paiement des impositions dues par les contribuables défaillants en saisissant les créances que ces derniers détiennent sur des tiers, qu’il s’agisse de dépositaires, détenteurs ou débiteurs.

Initialement instituée par une loi du 12 novembre 1908 pour le recouvrement des impôts directs, elle a été progressivement étendue aux taxes sur le chiffre d’affaires et finalement généralisée à tous les impôts, pénalités et frais accessoires.

Cette procédure prévue par l’article L262 du Livre des procédures fiscales (ci-après « LPF ») est une procédure de recouvrement forcé qui permet au comptable, sur simple demande, d’obliger un tiers à lui verser, sur les fonds dont il est dépositaire, détenteur ou débiteur à l’égard d’un redevable, les impôts, pénalités et frais accessoires dus par ce redevable qui sont garantis par le privilège du Trésor.

L’existence de cette procédure propre au droit fiscal, n’empêche en aucun cas l’administration d’user des procédures de recouvrement de droit commun (ex : procédure de saisie-attribution).

2. Objet d’une SATD : saisie d’une créance dont dispose le contribuable sur un tiers.

La SATD a pour effet d’affecter, dès réception, les sommes dont le versement est demandé au tiers détenteur au paiement des impositions, quelle que soit la date à laquelle les créances mêmes conditionnelles ou à terme que le redevable possède à l’encontre du tiers détenteur deviennent effectivement exigibles [1].

Certaines créances restent cependant insaisissables ou saisissables sous certaines conditions (ex : pensions, salaires etc.). En ce qui concerne par exemple les comptes bancaires, la saisie à pour limite de laisser sur le compte une somme égale au montant forfaitaire du revenu de solidarité active (RSA).

3. Les tiers détenteurs concernés par la SATD.

Les SATD peuvent être adressées aux personnes qui sont dépositaires, détenteurs ou débiteurs de sommes appartenant ou devant revenir à des débiteurs d’impôts [2]. Mais également aux gérants, administrateurs, directeurs et liquidateurs de sociétés pour les impositions dues par ces sociétés.

La SATD peut être adressée à tous ceux qui détiennent des fonds appartenant à un redevable d’impôts ou qui sont débiteurs de deniers envers lui, à quelque titre que ce soit, il s’agit par exemple :

  • De locataires ;
  • De l’employeur ;
  • Du liquidateur d’une société ;
  • Du mandataire judiciaire ;
  • D’un huissier de justice ;
  • D’un notaire ;
  • D’une banque ;
  • D’un commissaire-priseur ;
  • De clients ; etc.

Limites territoriales.

Les comptables du Trésor ne peuvent pas notifier une SATD auprès de la banque ou de l’employeur du débiteur situé à l’étranger.

En effet, seules les autorités fiscales étrangères peuvent diligenter des actes de poursuites sur leur territoire. Il convient donc de requérir l’assistance au recouvrement pour obtenir le recouvrement des créances fiscales, si la convention entre la France et le second Etat prévoit un tel mécanisme.

Autres obstacles.

Les comptables ne peuvent pas notifier de SATD lorsque les poursuites sont suspendues. Tel peut être notamment le cas en présence, d’un sursis de paiement, d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire ou d’un plan de règlement régulièrement conclu et respecté.

II. Mise en œuvre - Procédure.

La procédure de SATD bénéficie d’un régime simplifié pour accélérer le recouvrement de l’impôt, elle est à l’initiative du comptable public qui, pour la mettre en œuvre, doit simplement la notifier.

Les poursuites par voie de saisie administrative à tiers détenteur, possèdent une autonomie propre au droit fiscal, et ne peuvent être engagées qu’à un certain stade de la procédure en recouvrement de l’impôt.

Cette procédure ne peut pas être utilisée tant que l’imposition qu’elle vise n’a pas été mise en recouvrement, même si la dette est considérée comme certaine [3]. Les services fiscaux ne peuvent donc pas faire usage de la SATD sans un titre exécutoire régulièrement notifié [4].

La communication au contribuable d’une mise en demeure de payer n’est pas obligatoire pour que la SATD puisse avoir lieu. Le simple défaut de paiement qui suit la réception d’un avis d’imposition ou d’un avis de mise en recouvrement suffit à justifier l’envoie d’une SATD. En pratique l’administration adresse en principe aux contribuables une mise en demeure de payer et/ou une lettre de relance en cas de retard de paiement d’une imposition, avant de lancer une procédure de SATD.

Il n’en reste pas moins de ce qui précède que la SATD doit avant d’être mise en œuvre être doublement notifiée.

1. Notification du tiers détenteur.

La notification de la saisie au tiers et sa dénonciation au redevable sont obligatoires.

La SATD est en règle générale notifiée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception postal. Toutefois, cette forme de notification n’est pas exigée par les textes fiscaux.

En pratique, la notification est réalisée par lettre recommandée avec accusé de réception, mais dans certains cas une notification par lettre simple ou par envoi électronique est possible [5].

Concernant la forme, l’avis à tiers détenteur n’est soumis à aucun formalisme légal. En particulier, il n’a pas à répondre aux conditions édictées par l’article R211-1 du CPCE précisant la forme et le contenu de l’acte de saisie-attribution [6], ou plus généralement au formalisme des actes de procédure civile [7]. Dans la pratique, les comptables utilisent des formulaires types.

Des mentions spécifiques doivent tout de même apparaitre dans certains cas précis, notamment lorsque la SATD est adressée à l’employeur, ou à une banque en leur qualité de tiers détenteur.

2. Notification au débiteur.

La SATD notifiée au tiers détenteur doit être dénoncée au débiteur.
Le défaut de dénonciation de l’avis à tiers détenteur au débiteur constitue une nullité de forme [8].

La notification au redevable suit les mêmes règles que celles applicables à la notification du tiers détenteur. Elle doit donc, en règle générale, être envoyée par lettre recommandée avec accusé de réception [9].

Il existe toutefois certaines mentions obligatoires, ainsi, pour être valable la SATD doit préciser au redevable l’identité du tiers saisi, quels sont les délais et voies de recours ainsi que les informations nécessaires pour identifier son auteur.

Pour les créances d’un faible montant, la dénonciation peut être adressée au débiteur par lettre simple dans les mêmes conditions que pour la notification au tiers.

En revanche, les autres hypothèses dans lesquelles l’administration opte pour l’envoi de la SATD par lettre simple au tiers détenteur ne sont pas transposables à l’envoi de l’exemplaire destiné au débiteur par conséquent, ce document est encore le plus souvent adressé par lettre recommandée.

III. Voies de contestations ouvertes aux contribuables.

Comme les autres mesures de poursuites, le recouvrement forcé par voie de SATD peut être contesté dans les conditions prévues par le LPF pour le contentieux du recouvrement de l’impôt.

Les principales voies d’actions ouvertes aux contribuables à l’encontre d’une SATD sont l’opposition aux poursuites (1) et le contentieux de la saisissabilité (2).

1. Opposition aux poursuites.

La SATD est un acte de poursuite, il est en tant que tel susceptible de donner lieu à opposition de la part du redevable ou du tiers saisi.

L’article L281 du LPF précise que les contestations ne peuvent pas porter directement sur le bien-fondé de l’imposition recouvrée, mais permettent essentiellement de soulever des vices de procédure, qui peuvent selon leur graviter faire tomber la procédure de recouvrement.

L’opposition doit être présentée dans un délai de deux mois à partir de la notification de la SATD sous peine d’irrecevabilité.

L’opposition à poursuites n’a pas de caractère suspensif, tant à l’égard du redevable que du comptable et ne peut, à elle seule, paralyser l’exécution d’un titre [10].

En cas de rejet de l’opposition ou en l’absence de réponse dans un délai de deux mois, la contestation doit être portée en principe devant le juge de l’exécution.

2. Contentieux de la saisissabilité.

Lorsque le débiteur entend contester le caractère saisissable ou non des biens saisis, il doit saisir le juge de l’exécution.

Cette saisine directe du juge de l’exécution doit intervenir dans le délai d’un mois à compter de la signification de l’acte de saisie [11].

Toutefois, en matière de saisie des rémunérations, les pouvoirs du juge de l’exécution sont exercés par le juge du tribunal d’instance. Aussi, lorsque le débiteur entend contester le caractère saisissable ou non des rémunérations dues par un employeur, il doit saisir le juge du tribunal d’instance dans le délai d’un mois à compter de la signification de l’acte de saisie [12].

Le contentieux propre à la SATD a donc pour intérêt de stopper la mesure d’exécution, mais n’est pas de nature à remettre en cause le principe de la créance du Trésor Public vis-à-vis d’un contribuable.

Le recours de droit commun par réclamation contentieuse reste possible, sauf prescription, pour contester le principe des sommes recouvrées par l’administration.

Selon les cas, le conseil saura orienter son client vers la ou les procédures les plus adaptées.

Arnaud Chapert
Avocat au barreau de Strasbourg
Valoris Avocats
arnaud.chapert chez valoris-avocats.com

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Notes de l'article:

[1Art. L262, 1. du LPF.

[2Art. L262, al. 1 du LPF.

[3Cass. com. 15-11-1994 n° 82-21753.

[4Cass. com. 12-10-2010 n° 09-68.954.

[5Ex : en ce qui concerne les banques Cf. décret 2015-243 du 2-3-2015.

[6D. adm. 12 C-2222 n° 40, 30-10-1999.

[7Bofip n°BOI-REC-FORCE-30-20 n° 30.

[8Cass. com. 18-6-1996 n° 94-17246 décision reprise Bofip n°BOI-REC-FORCE-30-20 n°110.

[9D. adm. 12 C-2222 n° 59, 30-10-1999.

[10Bofip n°BOI-REC-EVTS-20-10-20 n°180.

[11Art. R221-53 du Code de procédure civile d’exécution.

[12Art. R 3252-11 du Code du travail sur renvoi de l’art. L221-8 Code de l’organisation judiciaire.

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