[Point de vue] L'émergence des prépas de droit : un phénomène inéluctable ?

[Point de vue] L’émergence des prépas de droit : un phénomène inéluctable ?

Hadrien Rose,
Co-fondateur de l’Académie Juridique.

785 lectures 1re Parution: Modifié: 5  /5

Explorer : # prépas de droit # enseignement supérieur # marché du travail juridique

Le paysage des études de droit a été profondément bouleversé en quelques années. Signe particulièrement distinctif, les prépas de droit semblent se multiplier. Ce phénomène est-il inéluctable ?

-

L’enseignement du droit en France a connu de profondes mutations au cours des dernières décennies. Autrefois réservé à une élite, le droit est aujourd’hui l’une des filières universitaires les plus prisées, attirant chaque année des dizaines de milliers d’étudiants. Si cette massification de l’enseignement juridique démontre un intérêt croissant pour la discipline, elle s’accompagne également de nombreux défis : saturation des amphithéâtres, diminution du ratio étudiants/professeurs, augmentation des exigences académiques et forte compétition pour intégrer les professions juridiques.

Parallèlement, les difficultés structurelles liées au financement des universités publiques ont eu des conséquences directes sur la qualité de l’enseignement et l’encadrement des étudiants. Face à ces enjeux, les prépas de droit ont progressivement émergé comme une solution supplémentaire, répondant à la fois aux attentes des étudiants et aux exigences croissantes du marché du travail juridique. Historiquement, elles sont nées dans les années 1980 en s’inspirant du modèle des prépas médecine, qui offraient un encadrement intensif et structuré pour pallier les lacunes de l’enseignement universitaire.

Cet article propose d’analyser les raisons de cette montée en puissance des prépas de droit. Il convient d’examiner d’abord les transformations de l’enseignement supérieur et de la profession juridique qui ont favorisé leur essor, avant de montrer en quoi elles constituent aujourd’hui une réponse adaptée aux défis contemporains des études juridiques.

I. Transformations de l’enseignement supérieur et de la profession juridique.

A. Croissance du nombre d’étudiants en droit et augmentation du ratio étudiants/professeur.

Au fil des décennies, les facultés de droit ont vu leurs effectifs exploser. Alors que la licence de droit accueillait environ 100 000 étudiants au début des années 2000, ce chiffre a depuis largement augmenté, dépassant les 200 000 inscrits en 2021 [1]. Cette attractivité croissante s’explique par la diversité des débouchés offerts par les études juridiques : métiers du droit, concours administratifs, carrières en entreprise, etc. Toutefois, cette massification ne s’est pas accompagnée d’un renforcement suffisant des infrastructures et des effectifs enseignants.

Le ratio étudiants/professeur s’est ainsi considérablement dégradé, avec un taux d’encadrement de seulement 6% en droit [2], soit un des plus faibles parmi les disciplines universitaires. Dans de nombreuses universités, il n’est pas rare de voir des promotions de première année réunissant plusieurs centaines, voire milliers d’étudiants dans un même amphithéâtre. En parallèle, le nombre d’enseignants-chercheurs n’a pas suivi cette augmentation, entraînant une diminution du suivi pédagogique individuel. Ce phénomène est d’autant plus marqué si on le compare à d’autres filières comme la médecine, où le taux d’encadrement est nettement plus élevé.

Les conséquences sont multiples :

  • Une interaction réduite entre enseignants et étudiants, limitant les échanges et la compréhension des notions complexes.
  • Des travaux dirigés (TD) surchargés, rendant plus difficile l’acquisition de la méthodologie juridique.
  • Une forte hétérogénéité dans les niveaux des étudiants, certains peinant à suivre sans accompagnement renforcé.

Face à ce manque d’encadrement, de nombreux étudiants cherchent des solutions complémentaires pour structurer leurs apprentissages et améliorer leurs résultats. C’est dans ce contexte que les prépas de droit ont commencé à se développer, proposant un cadre pédagogique plus personnalisé et une préparation spécifique aux attentes académiques et professionnelles.

B. Augmentation du nombre de candidats au barreau et d’avocats en France.

L’attrait pour la profession d’avocat ne cesse de croître, entraînant une augmentation significative du nombre de candidats au barreau. Chaque année, plusieurs milliers d’étudiants tentent l’examen d’entrée au Centre Régional de Formation Professionnelle des Avocats (CRFPA). Alors qu’en 2000, environ 3 000 candidats se présentaient à cet examen, ce chiffre dépasse désormais les 15 000 inscriptions annuelles [3]).

Parallèlement, le nombre d’avocats en exercice a explosé. En 1990, la France comptait environ 30 000 avocats. Aujourd’hui, ce chiffre dépasse les 74 000 [4], ce qui a profondément modifié la dynamique du marché du travail. Cette croissance rapide a entraîné une intensification de la concurrence entre avocats, notamment dans les grandes métropoles où l’offre est particulièrement dense.

Cette évolution a plusieurs conséquences :

  • Une sélectivité accrue à l’examen du CRFPA : les facultés de droit ne préparent pas toujours de manière optimale aux exigences spécifiques de cet examen, nécessitant un entraînement intensif et une méthodologie rigoureuse.
  • Une pression accrue sur les jeunes avocats : le marché saturé rend plus difficile l’installation et la constitution d’une clientèle, obligeant les jeunes professionnels à se démarquer dès leur formation.
  • Un besoin de professionnalisation dès les études : la réussite ne repose plus uniquement sur les connaissances académiques, mais aussi sur la capacité à maîtriser des compétences pratiques et stratégiques dès l’entrée dans la profession.

Dans ce contexte, les prépas de droit se sont imposées comme une solution permettant aux étudiants de mieux anticiper ces défis. Elles proposent une préparation intensive à l’examen du CRFPA, un encadrement individualisé et des mises en situation réalistes pour renforcer leurs chances de réussite et favoriser leur insertion professionnelle.

C. Difficultés à innover pédagogiquement faute de moyens.

Les nouvelles méthodes d’enseignement nécessitent des investissements, notamment dans les outils numériques et les plateformes pédagogiques. Toutefois, le manque de financements empêche souvent les universités de moderniser leur approche.

Ce retard se manifeste par :

  • Des plateformes de cours en ligne peu ergonomiques.
  • Une difficulté à proposer des formations professionnalisantes ou des mises en situation pratiques.
  • Un décalage entre les attentes des étudiants et l’offre universitaire.

D. Exode de certains étudiants vers des formations privées plus encadrées.

Face aux carences de l’université, de plus en plus d’étudiants choisissent d’investir dans des formations privées, comme les prépas de droit, qui garantissent un meilleur encadrement et une préparation plus approfondie aux examens.

Les prépas de droit attirent les étudiants en proposant :

  • Un encadrement personnalisé avec des effectifs réduits.
  • Des entraînements intensifs aux examens et aux concours.
  • Un accès à des ressources pédagogiques enrichies.

Ainsi, la dégradation des conditions d’enseignement dans les facultés de droit a directement contribué à l’essor des prépas, qui apparaissent comme une alternative efficace pour pallier les lacunes du système universitaire.

II. Les prépas de droit : une réponse aux défis actuels.

A. Complémentarité avec l’enseignement universitaire.

Les prépas de droit ne se positionnent pas comme un substitut à l’université, mais bien comme un complément essentiel à l’enseignement académique classique. En raison de la massification des effectifs étudiants et du manque de moyens des universités, elles offrent un cadre d’apprentissage plus structuré et individualisé, permettant aux étudiants de renforcer leurs compétences juridiques et méthodologiques.

Un approfondissement des notions juridiques.

L’université dispense un enseignement de qualité, mais celui-ci reste généraliste et parfois difficile à suivre dans des amphithéâtres surchargés. Les prépas de droit permettent aux étudiants d’approfondir les notions fondamentales du droit en bénéficiant d’explications détaillées et d’un accompagnement individualisé. Ce suivi favorise une meilleure assimilation des concepts et une maîtrise plus rapide des raisonnements juridiques.

Un encadrement pédagogique renforcé.

Contrairement aux facultés de droit, où le suivi personnalisé est limité par le nombre élevé d’étudiants, les prépas de droit proposent des groupes restreints qui permettent une interaction plus directe avec les enseignants.
Cette approche favorise :

  • Une meilleure compréhension des attentes méthodologiques (commentaire d’arrêt, cas pratique, dissertation juridique, etc.).
  • Des corrections approfondies et détaillées des exercices.
  • Des séances de questions-réponses pour lever toutes les ambiguïtés sur les cours.

Un rattrapage des lacunes et un soutien individualisé.

L’hétérogénéité des niveaux est un problème récurrent dans les facultés de droit, notamment en raison de la diversité des parcours des étudiants (bacheliers généraux, technologiques, étudiants en réorientation). Les prépas de droit permettent de combler ces écarts en proposant :

  • Des séances de soutien ciblées sur les matières fondamentales du droit.
  • Des explications adaptées au niveau et aux besoins spécifiques de chaque étudiant.
  • Une approche progressive pour consolider les bases et faciliter la montée en compétence.

Accès à des ressources pédagogiques enrichies.

Les universités mettent à disposition des étudiants des manuels et supports de cours, mais ces ressources sont souvent insuffisantes pour répondre aux exigences croissantes des examens et concours.
Les prépas de droit complètent cette offre en fournissant :

  • Des fiches de synthèse structurées pour faciliter la mémorisation des notions essentielles.
  • Des annales corrigées et commentées, permettant aux étudiants de s’entraîner efficacement.
  • Des simulations d’examens pour les préparer aux attentes académiques et professionnelles.

En proposant un cadre d’apprentissage plus structuré et une approche personnalisée, les prépas de droit permettent aux étudiants de mieux se préparer aux exigences des études juridiques et d’optimiser leurs chances de réussite.

B. Préparation à un marché du travail plus exigeant.

L’insertion professionnelle des jeunes diplômés en droit est de plus en plus exigeante. Dans un marché saturé, les recruteurs privilégient les candidats disposant d’une bonne maîtrise des compétences pratiques et méthodologiques, en plus des connaissances théoriques dispensées à l’université. Les prépas de droit répondent à ce besoin en offrant une formation professionnalisante et en préparant les étudiants aux réalités du marché du travail.

Renforcement des compétences pratiques en droit et en technique juridique.

Si les facultés de droit fournissent une base académique essentielle, elles laissent souvent de côté l’aspect pratique des professions juridiques. Les prépas de droit comblent cette lacune en proposant des exercices pratiques réguliers, notamment des cas pratiques et des mises en situation.

Simulations d’examens et immersion dans des cas concrets.

Les prépas de droit mettent en place des entraînements intensifs pour préparer efficacement les étudiants aux examens et concours, notamment au CRFPA.
Cet entraînement comprend :

  • Des simulations d’épreuves dans des conditions réelles d’examen.
  • Des corrections détaillées et des retours personnalisés sur les copies.
  • Une approche progressive pour améliorer la gestion du temps et la méthodologie.

Conclusion.

L’essor des prépas de droit est directement lié aux transformations de l’enseignement supérieur et du marché du travail. La massification du nombre d’étudiants, le manque de ressources des facultés et la concurrence accrue pour accéder aux professions juridiques ont conduit de nombreux étudiants à rechercher des formations complémentaires plus encadrées.

Face à ces défis, les prépas de droit apportent une réponse adaptée en proposant un accompagnement personnalisé et une préparation intensive aux examens et concours. Elles permettent aux étudiants de surmonter les difficultés liées à l’enseignement universitaire tout en les préparant aux exigences du monde professionnel.

À l’avenir, il est probable que ces structures continuent de se développer et de s’intégrer dans le parcours des étudiants en droit. Reste à savoir si les universités sauront, elles aussi, adapter leurs méthodes pédagogiques pour répondre aux attentes des nouvelles générations d’étudiants, ou si les prépas deviendront un passage quasi obligatoire pour réussir dans le monde juridique.

Hadrien Rose,
Co-fondateur de l’Académie Juridique.

Recommandez-vous cet article ?

Donnez une note de 1 à 5 à cet article :
L’avez-vous apprécié ?

3 votes

L'auteur déclare avoir en partie utilisé l'IA générative pour la rédaction de cet article (recherche d'idées, d'informations) mais avec relecture et validation finale humaine.

Cet article est protégé par les droits d'auteur pour toute réutilisation ou diffusion (plus d'infos dans nos mentions légales).

Notes de l'article:

Village de la justice et du Droit

Bienvenue sur le Village de la Justice.

Le 1er site de la communauté du droit: Avocats, juristes, fiscalistes, notaires, commissaires de Justice, magistrats, RH, paralegals, RH, étudiants... y trouvent services, informations, contacts et peuvent échanger et recruter. *

Aujourd'hui: 156 340 membres, 27875 articles, 127 257 messages sur les forums, 2 750 annonces d'emploi et stage... et 1 600 000 visites du site par mois en moyenne. *


FOCUS SUR...

• Assemblées Générales : les solutions 2025.

• Avocats, être visible sur le web : comment valoriser votre expertise ?




LES HABITANTS

Membres

PROFESSIONNELS DU DROIT

Solutions

Formateurs