1. L’identification des enjeux : des obligations variables en fonction de la taille de l’entreprise et de l’opération projetée.
Lors des prémices du projet de cession, le décideur devra s’interroger d’une part sur l’application ou non à l’opération de l’obligation d’information préalable des salariés en vue de leur permettre de présenter une offre d’achat, et, d’autre part, sur le sort des contrats de travail des salariés impactés par l’opération.
1.1. L’information préalable des salariés de PME sur tout projet de cession de l’entreprise issue de la loi Hamon.
Le Code du commerce prévoit une obligation d’information des salariés en cas de cession de l’entreprise, afin que ces derniers puissent présenter à leur employeur un projet de reprise. Cette information doit impérativement être menée dans les entreprises qui n’ont pas l’obligation de mettre en place un Comité Social et Economique (CSE) et dans les entreprises comptant moins de 250 salariés et dont le chiffre d’affaires annuel n’excède pas 50 millions d’euros, ou dont le total de bilan n’excède pas 43 millions d’euros.
Toutes les opérations capitalistiques ne sont pas visées par cette obligation d’information des salariés. Sont seules concernées les ventes de fonds de commerce et les cessions majoritaires, c’est-à-dire qui portent sur plus de 50 % des actions, parts sociales ou valeurs mobilières qui donnent accès à la majorité du capital social.
Le non-respect de cette obligation d’information préalable des salariés peut conduire au prononcé d’une amende civile à l’encontre du cessionnaire, dont le montant peut atteindre 2 % du montant de la vente, sous réserve qu’une action en responsabilité soit engagée.
1.2. La détermination du périmètre de l’opération et le sort des contrats de travail.
Le Code du travail prévoit le transfert « automatique » de l’ensemble des contrats de travail en cas de « modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société » (article L.1224-1 du Code du travail).
Ce principe implique que l’ensemble des contrats de travail en cours au jour de la cession soient automatiquement transférés, sans même avoir besoin de formaliser d’avenant au contrat de travail. Sa mise en œuvre concrète, dans les hypothèses de cession partielle en particulier, peut générer des difficultés, voir du contentieux.
Sous l’impulsion du juge européen, la Cour de cassation considère que les contrats de travail sont transférés dans toutes les hypothèses de cession d’une « entité économique autonome », qui est définie par la jurisprudence comme « un ensemble organisé de personnes et d’éléments corporels ou incorporels permettant l’exercice d’une activité économique qui poursuit un objectif propre », et à chaque fois que l’activité de l’entité économique cédée se poursuit.
Ceci implique donc, pour le décideur, de se livrer en amont de l’opération projetée, à une identification précise du lien de rattachement principal de tel ou tel salarié, qui peut s’avérer mal aisée, notamment pour les fonctions support qui interviendraient à part égale pour plusieurs services. Il conviendra, en pareille hypothèse, de trancher en fonction du pourcentage du temps de travail du salarié affecté à l’activité cédée. L’existence de salariés protégés parmi la population des salariés à transférer devra faire l’objet d’une attention particulière, l’autorisation de l’Inspecteur du travail étant requise, en cas de cession partielle, pour tout transfert du contrat de travail d’un salarié protégé.
2. L’anticipation des étapes : la définition du calendrier social.
Le calendrier des obligations sociales doit être défini largement en amont de l’opération de cession, du côté du cédant, comme de celui de l’acquéreur, et avant la prise de toute décision définitive.
Il conviendra, en premier lieu, et pour le cédant uniquement, de déterminer si les salariés doivent faire l’objet d’une information préalable sur le projet de cession au titre de la loi dite Hamon, décrite supra.
Puis, dans l’hypothèse où l’entreprise est dotée d’un ou de plusieurs CSE, le niveau de consultation devra être déterminé (établissement, entreprise, central etc). Ensuite et sur le fondement des dispositions de l’article L2312-8 du Code du travail, le CSE devra être informé et consulté sur tout projet « intéressant l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise », parmi lesquels les opérations de cession et acquisition s’inscrivent.
Cette information-consultation devra être menée avant la prise de décision définitive de l’employeur. A défaut, le délit d’entrave pourrait être constitué.
Le CSE dispose d’un délai d’un mois à compter de la remise des informations relatives à l’opération pour rendre son avis. A défaut d’avis dans ce délai, il est réputé avoir rendu un avis négatif. Ce délai est porté à deux mois en cas de recours à une expertise et à trois mois en cas d’intervention d’une ou plusieurs expertises dans le cadre de consultation se déroulant au niveau du CSE central et d’un ou plusieurs CSE d’établissement.
Cette procédure d’information-consultation devra nécessairement être menée du côté de l’entreprise cédante. Pour l’acquéreuse, l’avis du CSE devra également être recueilli le plus souvent, puisque le CSE doit être informé-consulté pour toute opération ayant des implications sur l’organisation ou la marche générale de l’entreprise.
Ces deux obligations consultatives s’articulent, schématiquement, comme suit, en l’absence d’expertise :
- Infographie récapitulative issue du blog du Cabinet Vaughan
3. L’après : la mise à plat du statut collectif.
A l’issue du closing et lorsque des salariés ont effectivement été transférés, le sort des conventions, accords collectifs et usages qui étaient en vigueur au sein de l’entreprise cédante doit être tranché.
L’article L2261-14 du Code du travail prévoit que lorsque l’application d’une convention ou d’un accord est mise en cause dans une entreprise en raison notamment d’une fusion, d’une cession, d’une scission ou d’un changement d’activité, la convention ou l’accord continue de produire effet jusqu’à l’entrée en vigueur d’un accord qui lui serait substitué. A défaut d’accord de substitution, les conventions et accords continuent à produire leurs effets durant un an à compter de l’expiration du délai de préavis qui est communément de trois mois.
Il est donc recommandé d’entamer, dans les trois mois suivant le closing, des négociations au sein de l’entreprise acquéreuse, afin de limiter l’insécurité juridique liée à la survie des accords de la cédante et à la multiplicité des statuts sociaux internes. Dans certaines hypothèses, cette négociation peut être anticipée par le biais d’un accord de transition ou d’un accord de substitution.
En l’absence d’accord de substitution dans le délai d’un an, les salariés de la cédante bénéficient d’une garantie de rémunération, dont le montant annuel ne peut être inférieur à la rémunération versée lors des 12 derniers mois.
Enfin, les usages en vigueur au sein de l’entreprise cédante doivent être régulièrement dénoncés afin de cesser de produire leurs effets.
D’autres sujets, tels que la possible survivance des institutions représentatives du personnel de la cédante ou le sort du budget du CSE de la cédante en cas de disparition, doivent également être appréhendés.
Il ne peut, in fine, qu’être recommandé de réaliser un audit social de la société à intégrer, avant l’opération, afin de s’assurer d’avoir identifié et listé l’ensemble des sujets afférents au droit social, pour anticiper les étapes, respecter le calendrier et sécuriser l’opération afin d’éviter les risques, notamment contentieux.
Article initialement publié dans la revue Journal du Management juridique et règlementaire N°86 Spécial cessions ou transmission d’entreprises.