1. Fusion-absorption et responsabilité pénale.
La fusion-absorption se définit comme l’opération par laquelle une société au moins (la « Société Absorbée ») transmet son patrimoine à une société existante (la « Société Absorbante »), moyennant l’attribution aux associés de la Société Absorbée de titres de la Société Absorbante, et, éventuellement, d’une soulte en espèces n’excédant pas 10% de la valeur nominale des titres attribués (C. com., art. L236-1, al. 4).
Les condamnations pénales dont a fait l’objet la Société Absorbée sont consécutives à l’exercice de son activité. La Société Absorbée n’étant pas dissoute à l’issue de l’opération de fusion-absorption, la continuité économique et fonctionnelle de la personne morale implique de ne pas considérer la Société Absorbante comme une entité distincte de la Société Absorbée. Les sanctions pénales, principalement financières (amendes), qui lui ont été infligées avant l’opération peuvent ainsi être transférées à la Société Absorbante à l’occasion de la transmission universelle du patrimoine de la Société Absorbée.
2. Arrêt de la Cour de cassation (Cass. Crim., 22 mai 2024, no 23-83180).
La chambre commerciale de la Cour de cassation, dans son arrêt du 22 mai 2024, a retenu qu’une société à responsabilité limitée (SARL) absorbante peut être condamnée à une peine d’amende ou de confiscation à raison d’infractions imputables à la SARL absorbée avant l’opération de fusion, et cela en l’absence de fraude à la loi et en dehors de l’application de la directive européenne n° 2017/1132 du 14 juin 2017 applicable aux sociétés de capitaux.
La Cour de cassation soutient que le principe de personnalité des peines est inapplicable du fait de la continuité économique et fonctionnelle des SARL dans le cadre des fusions-absorptions.
Cet arrêt reprend la solution posée par le célèbre arrêt du 25 novembre 2020 (Cass. Crim., 25 nov. 2020, no 18-86.955) dans lequel la Cour de cassation avait permis le transfert de la responsabilité pénale d’une société anonyme (SA) absorbée à une SA absorbante et l’applique, pour la première fois, aux SARL.
L’arrêt du 22 mai 2024 de la chambre criminelle de la Cour de cassation a ainsi étendu la possibilité de transférer automatiquement la responsabilité pénale dans les opérations de fusion-absorption intervenant entre SARL, et ne limite plus ce transfert aux sociétés par actions.
Ce faisant, le transfert de la responsabilité pénale de la société absorbée à la société absorbante est désormais possible sans condition dans les opérations de fusions-absorptions intervenant entre les sociétés de toute forme juridique quelle que soit la date de l’opération.
Dans les fusions-absorptions, le(s) dirigeant(s) de la société absorbante devraient être particulièrement attentif(s) aux sanctions pénales prononcées à l’encontre de la société dont l’absorption est envisagée, ou encourues par cette dernière en raison de faits commis avant l’opération, dès lors que le transfert de responsabilité pénale est possible à l’issue de l’opération même en l’absence de fraude.
Il convient de noter que seule la responsabilité de la personne morale est transmise.
La responsabilité pénale des dirigeants de la société absorbée n’est pas concernée par ce transfert.
Enfin, les cas de responsabilités pénales susceptibles d’être transmis sont divers dans la mesure où les infractions ayant été à l’origine de cette responsabilité peuvent relever de différents domaines, à savoir le droit pénal général, de l’environnement, des affaires, le droit pénal social ou fiscal.
Discussion en cours :
La "transmission" de la condamnation pénale d’amende ou de confiscation est assez logique et on peut même s’étonner qu’il ait fallu attendre une jurisprudence pour arriver à cette conclusion
Toutefois, quels sont les effets d’une dissolution (peine de mort des sociétés) qui serait prononcée contre la société absorbée ?
Il semble difficile de la dissoudre également
De même quid de la dissolution de la société absorbante ?
Bien cordialement
François AUBERT, avocat au barreau de Draguignan