Un chef d’entreprise peut-il consulter le smartphone, la tablette d’un salarié ?

Par Bernard Lamon, Avocat et Coralie Airaud, Elève-Avocat.

1433 lectures 1re Parution: 10 avril 2013 3.82  /5

BYOD : le cadre juridique enfin stabilisé ? Les juges ont récemment admis qu’un chef d’entreprise peut consulter le contenu de la clé USB personnelle d’un salarié afin de justifier son licenciement. Mais des incertitudes demeurent. L’arrêt a été rendu à propos d’une situation particulière.

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Une salariée apporte sa clé USB sur son lieu de travail et la connecte à son ordinateur professionnel. Le chef d’entreprise en consulte le contenu. Aucun répertoire, aucun fichier n’est identifié comme personnel. Sur cette clé USB, l’employeur trouve des informations confidentielles concernant l’entreprise et des documents personnels sur les autres salariés. Il utilise alors ces informations afin de justifier le licenciement pour faute grave de la salariée. Mais la salariée conteste son licenciement.

Dans son arrêt du 12 février 2013 (Cour de cassation, chambre sociale, 12 février 2013, n°11-28.649), la Cour de cassation a considéré que le salarié qui connecte sa clé USB à son ordinateur professionnel s’expose à un contrôle du contenu de celle-ci par son employeur. La Cour étend ainsi sa jurisprudence relative au contrôle des fichiers des salariés.

D’abord, les juges ont permis à l’employeur d’ouvrir les fichiers enregistrés sur l’ordinateur d’un salarié, au nom de la présomption de professionnalité (Cour de cassation, chambre sociale, 21 octobre 2009). Ensuite, ils ont précisé que le répertoire « Mes Documents » n’avait pas de caractère personnel et pouvait donc être consulté par l’employeur (Cour de cassation, chambre sociale, 10 mai 2012, n°11-13884, voir notre commentaire). Désormais, ce sont les fichiers contenus sur la clé USB personnelle du salarié qui peuvent être lus par l’employeur lorsque la clé est connectée à l’ordinateur de l’entreprise.

On peut alors s’interroger sur la prochaine étape. La plupart des salariés sont aujourd’hui équipés d’un smartphone. Ils l’utilisent sur leur lieu de travail et le smartphone est souvent connecté au système informatique de l’entreprise. Si on étend la solution de la clé USB, on pourrait déduire que l’employeur peut accéder au contenu du téléphone portable personnel de son salarié dès lors qu’il est utilisé à des fins professionnelles (installation de la messagerie professionnelle, de logiciels de gestion de l’entreprise… sur le smartphone). L’employeur accéderait alors à un contenu très personnel.

Cependant la portée de cet arrêt du 12 février 2013 est à relativiser : il a été rendu dans une situation particulière car la clé USB personnelle était connectée à l’ordinateur professionnel. Reste une question : si le salarié avait seulement déposé sa clé USB sur son bureau, l’employeur aurait-il pu contrôler son contenu sans l’accord du salarié ?

En l’état, la solution la plus efficace réside probablement dans l’élaboration de règles insérées dans une charte informatique. Attention aux conditions d’opposabilité de la charte : le simple mémo est insuffisant !

Bernard Lamon
Avocat spécialiste en droit de l’informatique, Internet et télécoms
Coralie Airaud, Elève-Avocat
mail
www.lamon-associes.com
www.blog-lamon-associes.com

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