Pour commencer je vous rassure, les modes amiables non seulement existent outre-manche mais sont couramment utilisés pour régler les litiges en droit de la famille.
Ces modes amiables jusqu’à récemment appelés « ADR » (alternative dispute resolution), ont été rebaptisés récemment NCDR « Non court dispute resolution » ne faisant plus référence au terme « alternative », afin de mettre l’accent sur le fait que ces modes de résolution des conflits doivent être envisagés avant tout recours aux tribunaux.
Quels sont les différents types de MARD disponible pour les litiges relevant du droit de la famille ?
En Angleterre et au Pays de Galles, on encourage, comme en France avec plus ou moins de succès le recours aux MARD.
Le plus connu et ce sans surprise est la médiation familiale.
En pratique, il y a plusieurs types de médiation :
- La médiation dite navette « Shuttle mediation », très utiles dans les cas où les couples ne peuvent envisager de se retrouver dans la même pièce. C’est un peu plus sportif pour le médiateur qui doit se délacer d’une pièce à l’autre, et plus facile en ligne !
- La médiation hybride « Hybrid mediation » permet dans les cas complexes aux solicitors (avocats-conseils) d’être présents lors de la médiation. Avec ce type de médiation les époux disposent d’un soutien, s’en retrouve rassurés et sont plus à l’aise pour la médiation, les solicitors pouvant intervenir à la demande du médiateur afin de préciser certains points juridiques. Le médiateur peut également faire intervenir d’autres experts dans le cadre de la médiation (experts-comptables, experts en retraites…) afin d’apporter un éclairage sur des points précis.
- La médiation avec les enfants (Child inclusive mediation), permet à l’enfant d’être entendu par le médiateur, lequel transmettra aux parents la parole de l’enfant dans le cadre de la médiation. Ce procédé est beaucoup plus rassurant pour l’enfant que de se retrouver face à un juge, et permet de protéger ses intérêts, puisqu’il est entendu et écouté.
- La co-mediation est très utile dans les cas particulièrement compliqués, ou émotionnellement chargés, la présence de deux médiateurs complémentaires dans leurs approches permettant de temporiser dans certaine situation et in fine d’être plus efficace dans la résolution du conflit.
Le recours à la médiation familiale a fortement été encouragé depuis le mois de mars 2021 par l’introduction de la possibilité pour chaque famille de bénéficier d’un bon d’une valeur de £500 pour toute médiation portant sur les enfants.
En ce qui concerne les autres types de modes amiables disponibles, comme en France le processus collaboratif tente de se développer avec plus ou moins de succès. On observe qu’un grand nombre de solicitors sont formés, mais rencontrent en pratique des difficultés à le mettre en place.
Il semble y avoir un recours plus important à l’arbitrage qu’en France, pour les plus fortunés. On y a souvent recours lorsque la médiation échoue. Les couples apprécient la flexibilité qu’offre l’arbitrage ainsi que la garantie d’une solution, en alliant efficacité et gain de temps. Tout cela est chapeauté par l’ IFLA [1].
Enfin une grande différence par rapport à la France, est le recours à ce qu’on appelle les procès privés, de deux types early neutral evaluation (ENE) et les private FDR (financial dispute resolution hearing).
Dans les deux cas, il s’agit de faire appel à un ancien JAF, un barrister (avocat plaidant dans le système juridique anglo-saxon), ou un solicitor choisi par les parties et lui demander sur la base des éléments fournis de rendre un avis sur le bien-fondé de demandes ou sur des aspects particuliers du dossier.
Les deux procédés se passent hors procédure judiciaire, et se calquent sur l’audience de règlement des différends financiers « FDR », au cours de laquelle le juge doit se prononcer sur les aspects financiers. Les parties font le choix d’un procès privé et choisissent leur « juge » qui se comporte comme un JAF en audience, entend les parties et leurs conseils et rend un avis motivé.
L’avantage est de pouvoir proposer aux parties un avis beaucoup plus rapidement qui leur permet de parvenir à un accord, sans avoir à attendre des mois pour une audience et se voir au final imposer une décision qui ne leur convient pas.
Pour les ENE, il est possible d’obtenir un avis écrit sur la base des documents fournis sans avoir à prévoir une réunion. Ce qui est appréciable lorsqu’il n’y a qu’un point de désaccord.
Les deux procédés sont soumis à la confidentialité ce qui encourage les parties à échanger sans crainte afin de parvenir à un accord. Les parties prennent conscience qu’il n’est pas dans leur intérêt de se lancer dans une procédure longue et couteuse. Contrairement à l’arbitrage, la décision rendue ne lie pas les parties, mais permet de constituer un point de départ pour trouver une solution qui convienne à tous.
Quelle est la pratique relative aux MARD ?
Le recours à la médiation familiale en Angleterre et au Pays de Galles est à la hausse depuis la pandémie.
Cet effort de promotion de la médiation familiale a commencé dès 2014 dans le cadre de la réforme de la justice familiale, avec l’introduction de l’obligation de rencontrer un médiateur avant toute procédure judiciaire.
Cette réunion appelée MIAM (Mediation Information & Assessment Meeting), est un rendez-vous d’information et d’évaluation à la médiation, qui est devenue une étape obligatoire préalable à l’introduction de toute procédure, sauf cas particulier comme des cas de violences intra-familiales. Si le médiateur estime que la médiation n’est pas envisageable, il signe un formulaire pour permettre le lancement de la procédure.
L’obligation du MIAM est désormais totalement intégrée dans le schéma procédural anglais, mais c’était insuffisant pour encourager les recours aux modes amiables.
C’est la raison pour laquelle au mois d’avril 2024 est intervenue une modification de taille, celle des règles de procédures devant les juridictions familiales visant à encourager le recours aux modes amiables et pas seulement le recours à la médiation. La nouvelle réforme va plus loin en rappelant l’existence des autres modes de résolutions des conflits disponibles, mais moins connus, détaillés ci-dessus.
En effet, par manque d’information les membres du public ne savent parfois même pas qu’il est possible d’emprunter une autre voie que la voie judiciaire. L’obligation des solicitors se limitait auparavant à rédiger un courrier présentant les différents modes alternatifs des conflits, sans aucune obligation supplémentaire.
Les parties sont désormais encouragées à prendre le temps de la réflexion sur le recours aux modes amiables. Cela passe par d’une déclaration écrite sur un formulaire prévu à cet effet, lors l’acte introductif d’instance, portant sur l’opportunité d’avoir recours aux modes amiables pour résoudre le litige soumis au juge, et les raisons pour lesquelles les modes amiables ne sont pas envisageables dans leur cas.
La réforme va plus loin :
- Les parties encourent le risque de voir l’audience renvoyée à une date ultérieure pour permettre de tenter le recours à un de ces modes alternatifs.
- Si l’une de parties refuse de façon catégorique le recours à l’un des modes amiables sans raison valable, alors que le conjoint était en faveur, le juge pourra en tirer les conséquences et mettre à la charge de cette partie les frais de procédure de son conjoint.
- De même le médiateur a l’obligation d’informer les parties pendant le MIAM de l’existence des autres modes amiables.
C’est un grand changement qui impacte les systèmes judiciaire anglais et gallois, nous l’espérons de façon positive. Les solicitors non formés aux modes amiables sont désormais obligés d’informer les clients de toutes les options qui s’offrent à eux pour résoudre leurs conflits.