Hausse des prix des matières, une résolution possible des contrats ?

Par Manon Maillet, Avocat.

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Explorer : # hausse des prix # renégociation de contrat # article 1195 du code civil # tribunal de commerce de paris

La hausse des coûts des matières premières, des transports et de l’énergie est l’un des sujets de préoccupation majeure des professionnels en ce début d’année 2023.
Lorsque des contrats à durée déterminée ou à exécution successive ont été conclus avant le début de la guerre en Ukraine, de nombreux cocontractants se retrouvent « bloqués » par les termes de contrats, non pas impossibles à exécuter, mais dont l’exécution serait excessivement onéreuse.
Tribunal de commerce de Paris, 14. Déc 2022, n°2022033136.

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Le Tribunal de commerce de Paris vient de prononcer, sur le fondement de l’article 1195 du Code civil, la résolution d’un contrat conclu avant le début du conflit Russo Ukrainien mais après le début de la crise de covid-19, en raison de l’augmentation du prix des matières premières, des transports et de l’énergie qui en rendait l’exécution dudit contrat excessivement onéreuse.

Dans l’arrêt commenté, avait été signé le 1er octobre 2020, un contrat-cadre de référencement entre deux sociétés courant jusqu’au 31 décembre 2022. Aux termes de ce contrat, l’une des parties, qui disposait d’une faculté unilatérale de prolongation d’un an du contrat, s’engageait à proposer à ses adhérents, aux conditions notamment tarifaires stipulées au contrat, des carreaux de céramique fournis par son cocontractant, lequel se fournissait lui-même auprès de sa société mère espagnole.

Face à l’augmentation inédite des coûts de l’énergie, des matières premières et du transport, le cocontractant fournisseur des produits a sollicité, sur le fondement de l’article 1195 du Code civil, la renégociation des termes financiers du contrat-cadre de référencement.

A la suite de l’échec des négociations contractuelles, le Tribunal de commerce de Paris a été saisi à bref délai par le cocontractant fournisseur. Il était demandé à la juridiction consulaire parisienne, à titre principal, la révision des termes financiers du contrat-cadre de référencement et, à titre subsidiaire, la résolution à effet immédiat dudit contrat.

Le défendeur soutenait, quant à lui, qu’à la date de la conclusion du contrat-cadre, la hausse des prix était d’ores et déjà en cours de sorte que la hausse intervenue était selon lui prévisible.

Le tribunal de commerce n’a pas fait droit à cette interprétation. Il a, à l’inverse, jugé

« qu’à l’époque où les parties ont négocié leur contrat, même si le coût de l’énergie, pour l’essentiel, connaissait des fluctuations, aucune des parties n’était alors en mesure de prendre en considération la hausse exceptionnelle intervenue un an plus tard ».

Ce faisant, les juges du fond ont retenu que les conditions de l’article 1195 du Code civil étaient parfaitement réunies et ils ont en conséquence prononcé la résolution du contrat au 31 décembre 2022, faute pour le demandeur d’avoir produit « les éléments nécessaires pour mesurer le bien-fondé des modifications du tarif présentées ».

Cette décision plaide donc en faveur de l’application des dispositions de l’article 1195 du Code civil lorsque l’ampleur du changement de circonstances était imprévisible, quand bien même le changement en lui-même était déjà partiellement amorcé.

Même s’il s’agit d’une décision rendue par une juridiction consulaire, la prudence est désormais de mise et il convient d’apporter une vigilance particulière à cette question lors de la rédaction de contrats à durée déterminée et de contrats à exécution successive.

Il nous semble ainsi nécessaire de procéder à une fine analyse afin, le cas échéant, d’insérer dans les contrats des clauses de maîtrise du risque de l’ampleur du « changement » visé par l’article 1195 du Code civil.

De même, face à des délais de procédure toujours plus longs, une clause prévoyant une suspension du contrat durant le temps de la procédure judiciaire visant à solliciter la résolution ou la renégociation du contrat sur le fondement des dispositions susvisées peut s’avérer salvatrice.

Manon Maillet
Avocat au barreau de Lyon
m.maillet chez mailletavocat.fr

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