La micro-entreprise en 2025 : entre flexibilité et incertitudes juridiques.

Par Caroline Diard, Enseignant-chercheur et Olivier Meier, Professeur.

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Explorer : # micro-entreprise # fiscalité # protection sociale # réglementation

Simplifier pour entreprendre : tel était l’objectif du régime de l’auto-entrepreneur lors de sa création en 2008. Rebaptisé micro-entrepreneur en 2015, ce statut accessible séduit toujours autant par sa souplesse et sa rapidité de mise en œuvre. Pourtant, derrière cette facilité apparente, se cache une réalité plus nuancée, entre évolutions réglementaires, obligations croissantes et limites structurelles. En 2025, le modèle interroge : reste-t-il adapté à tous les profils d’entrepreneurs et les souplesses accordées seront-elles remises en question par une prochaine loi de finances ?

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Le régime de l’auto-entrepreneur est un dispositif crée en 2008 dans le cadre de la loi de modernisation de l’économie (LME).

Ce statut novateur a été instauré pour simplifier l’accès à l’entrepreneuriat, et inciter à la création de valeur pour relancer la croissance [1].

Le statut a été modifié en 2015 et s’intitule désormais « micro-entrepreneur ».

Il s’agit soit d’une EI (entreprise individuelle), ou d’une EURL (entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée) dont le dirigeant, associé unique a opté pour le régime fiscal du micro-entrepreneur, soumis à l’impôt sur le revenu, avec ou sans option pour le versement libératoire et pour le statut social de travailleur non salarié (TNS) soumis au régime social du « microsocial » [2].

La micro-entreprise est immatriculée à un registre en fonction de son activité (Répertoire des métiers ou Registre du commerce et des sociétés).

Le statut est particulièrement favorable car le bénéfice de l’entreprise est calculé de façon forfaitaire, sans avoir à tenir une comptabilité complète. Le montant de l’impôt sur le revenu peut être calculé simplement, en cas d’option pour le versement fiscal libératoire.

L’entrepreneur est assujetti à la TVA qu’au-delà d’un certain seuil.

Dans la pratique, ce régime concerne « les petites activités » indépendantes de nature commerciale, artisanale, ou libérale car le chiffre d’affaires est plafonné pour les revenus perçus en 2025, le seuil est de :

  • 188 700 € pour les activités de vente de marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter ou consommer sur place et de fourniture de logement, à l’exception de toutes les locations meublées ;
  • 15 000 € pour les locations de meublé de tourisme non classé ;
  • 77 700 € pour toutes les autres prestations de services.

Fin juin 2023, on comptait 2,715 millions d’auto-entrepreneurs actifs (source Urssaf). Les deux tiers des entreprises créées début 2022 ont choisi ce régime selon l’Insee.

Ce statut très particulier et facilitant, demeure en 2025 une voie privilégiée pour de nombreux porteurs de projets en France. Sa popularité s’explique par une création d’activité rapide, une gestion administrative allégée et une fiscalité proportionnelle au chiffre d’affaires. Pourtant, derrière cette apparente simplicité, le statut connaît aujourd’hui des évolutions qui interrogent sur la sécurité juridique et la pérennité du modèle.

L’un des enjeux majeurs réside dans le périmètre des activités autorisées. Si la plupart des activités commerciales, artisanales et libérales sont éligibles, certaines professions demeurent exclues ou strictement encadrées, notamment dans le domaine de la santé, du droit ou de la sécurité. En 2025, des assouplissements ont été introduits, en particulier pour les services à la personne, permettant de cumuler plus facilement plusieurs activités. Toutefois, cette ouverture s’accompagne de nouvelles obligations comptables, notamment la tenue d’une comptabilité différenciée dès lors que les recettes issues de services à la personne dépassent un certain seuil.

La flexibilité du régime reste un atout indéniable. Les démarches de création et de gestion sont entièrement dématérialisées via le guichet unique de l’INPI [3]. La déclaration de chiffre d’affaires, même en l’absence de revenus, est obligatoire et la non-déclaration expose à des pénalités [4].

Cette obligation, qui peut paraître anodine, est pourtant source de radiation pour de nombreux auto-entrepreneurs négligents.

L’actualité juridique récente est également marquée par la question de la franchise en base de TVA. La loi de finances pour 2025 a introduit un seuil unique de franchise en base de TVA fixé à 25 000 € de chiffre d’affaires à partir du 1ᵉʳ mars 2025. Le ministère de l’Économie a suspendu cette mesure jusqu’à la fin de l’année 2025 afin de poursuivre ses consultations avec les fédérations professionnelles et les parlementaires.

Face à la mobilisation du secteur, le ministère de l’Économie a suspendu cette mesure jusqu’à la fin de l’année 2025 afin de poursuivre ses consultations avec les fédérations professionnelles et les parlementaires. Cependant l’incertitude demeure. Cette instabilité réglementaire fragilise la visibilité des micro-entrepreneurs, en particulier ceux dont l’activité est en croissance rapide et qui risquent de franchir les seuils sans anticipation.

En contrepartie de sa simplicité, le statut présente des limites structurelles. Les plafonds de chiffre d’affaires, bien que régulièrement revalorisés, imposent un cadre strict au développement de l’activité. La protection sociale reste inférieure à celle des salariés, notamment en matière de couverture chômage et d’accidents du travail. Une avancée avait été faite avec la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel qui a créé l’allocation pour les travailleurs indépendants (ATI) : les travailleurs indépendants ayant involontairement perdu leur activité peuvent bénéficier d’un revenu de remplacement [5]. Ce dispositif a été peu mobilisé par les indépendants, faute d’information et de visibilité comme l’indique ce rapport de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale [6].

Alors, qu’au début du statut, la responsabilité était en principe illimitée, exposant le patrimoine personnel en cas de difficultés, sauf à opter pour l’EIRL ou à effectuer une déclaration d’insaisissabilité. Le nouveau statut de l’entreprise individuelle entré en vigueur depuis le 15 mai 2022. Les biens "utiles à l’activité professionnelle" sont automatiquement séparés des autres biens de l’entrepreneur. Le micro-entrepreneur bénéficie de la séparation des patrimoines sans déclaration d’affectation ni état descriptif.

Seul le patrimoine professionnel du micro-entrepreneur constituera le gage général des créanciers dont les droits seront nés à l’occasion de son exercice professionnel [7].

Face à ce contexte mouvant, il est conseillé aux micro-entrepreneurs de rester particulièrement vigilants. Il s’avère indispensable de suivre l’actualité réglementaire, de déclarer systématiquement son chiffre d’affaires et de tenir une comptabilité rigoureuse malgré des obligations légères, surtout en cas de cumul d’activités. Pour combler les lacunes du statut en matière de prévoyance, il peut être judicieux de se renseigner sur les dispositifs de protection existants, voire de solliciter ponctuellement un conseil juridique ou comptable, notamment lors de changements d’activité ou de franchissement de seuils.

Au-delà des seuils et si l’activité est stable et pérenne, on envisagera la création d’une société (après avoir fermé la micro-entreprise), sous forme de SASU (Société par actions simplifiées à associé unique).

En conclusion, si le statut d’auto-entrepreneur conserve en 2025 sa vocation de tremplin entrepreneurial grâce à sa flexibilité, il exige désormais une attention accrue aux évolutions juridiques et administratives. La réussite et la pérennité de l’activité passent par une gestion proactive et une anticipation des risques liés à la réglementation.

Caroline Diard
Professeur Associé au département Management des Ressources Humaines et Droit des Affaires
TBS Education
et Olivier Meier, Professeur

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