Hébergement des chevaux : le contrat de pension.

Par Gérard Feix, Avocat.

De nombreuses possibilités de contrat de pension d’un équidé existent, selon les prestations du détenteur et les exigences du propriétaire.
Une fois le choix du propriétaire effectué, il est souhaitable de formaliser les conditions de la pension par un contrat, ce qui implique des responsabilités pour les deux parties.

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Selon l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), le bien-être animal est défini comme :
« un état mental et physique positif de l’animal lié à la satisfaction de ses besoins physiologiques et comportementaux et de ses attentes. Cet état varie en fonction de la perception de la situation par l’animal ».

Ainsi, selon les 5 libertés (Farm Animal Welfare Council, 1979 ; Welfare Quality®), les conditions de vie et de logement du cheval doivent satisfaire au mieux les besoins suivants :

  • Recevoir une alimentation à base de fourrages associée à une durée d’alimentation d’au moins 12h par jour et avoir de l’eau potable disponible en permanence.
  • Disposer d’un espace confortable et sécurisé pour le repos et pouvoir se déplacer en liberté.
  • Ne pas présenter de risques pour la santé.
  • Permettre les contacts sociaux avec les autres chevaux, une bonne relation avec l’Homme et favoriser les émotions positives.

Une fois le choix du propriétaire effectué, il est souhaitable de formaliser les conditions de la pension par un contrat, ce qui implique des responsabilités pour les deux parties.

1- Les types d’hébergement d’un cheval.

L’objectif pour le propriétaire d’un équidé est que la pension proposée puisse répondre à ces objectifs.
Plusieurs types d’hébergement peuvent être proposés, ils sont les suivants.

a) La stalle.

En stalle, le cheval est à l’attache, face contre mur et il est séparé de ses congénères par un panneau de bois fixe ou un bat-flanc. Entre chaque cheval, la communication est possible directement, le cheval dispose d’une mangeoire et d’un abreuvoir.

Ce style d’hébergement rustique est encore utilisé dans certains centres équestres pour les chevaux d’instruction ou dans des écuries de chevaux de travail, mais il impose que le cheval puisse se mouvoir de façon régulière, le travail doit être quotidien, sauf à entrainer des dommages pour l’animal, attaché durant de trop longues périodes face à un mur.
L’avantage de ce type d’hébergement est qu’il permet aux chevaux de ne pas s’auto-contaminer, qu’il permet des contacts sociaux, la stalle permet plus de possibilités d’échanges et de stimulations sensorielles que certains box fermés. Il est aussi économique (moins de paille que le box) et facilite grandement le travail des palefreniers.

Mais, le fait de maintenir les chevaux en permanence en stalles a des effets néfastes sur leur comportement, moins de marche, moins de temps de repos couché, impossibilité d’observer l’environnement, plus de stress, et augmente les risques pour leur santé aux niveaux digestif, musculaire et circulatoire comme les engorgements.

b) Le box individuel.

C’est l’hébergement le plus courant, même si les types de box sont aussi nombreux que variés.
En bois, en ciment, ils peuvent en effet s’aligner en intérieur sur une seule rangée, être en vis-à-vis, construits autour d’un manège, en extérieur avec vue sur la nature, disposer de grilles de communication ou même d’un auvent.

Le cheval est le plus souvent logé en box individuel par mesure de commodité :

  • La ration est individualisée.
  • La manipulation du cheval est plus facile et sécurisée.
  • Le cheval reste plus propre que lorsqu’il est maintenu à l’extérieur.

Des études ont montré que le fait de maintenir des chevaux en groupe, jeunes et/ou adultes, permettait de limiter les comportements agressifs envers l’Homme et les autres chevaux, le développement de comportements aberrants comme les stéréotypies, ainsi que les signes de mal-être. Cela facilite aussi les apprentissages.

c) Le box avec paddock.

Ce type d’hébergement combine à la fois le confort du box et le plaisir de la pâture.
Il consiste à aménager, sur un côté du box, un enclos suffisamment grand pour que le cheval dispose d’une piste de galop.
Le paddock adjacent au box peut être commun à un seul box, à plusieurs box en même temps, dans le cadre d’un centre équestre, ou à tous les box à tour de rôle.
On peut aussi aménager une clôture électrique amovible afin de séparer les chevaux sur le paddock lorsqu’il est commun à plusieurs box.
Les possibilités sont multiples.

Le paddock n’est pas une pâture, c’est une surface souvent recouverte de sable et n’a pour fonction que de permettre au cheval une mobilité plus grande que celle offerte par le box, c’est un espace de détente du cheval.

Le box avec paddock est actuellement considéré comme l’hébergement le mieux adapté aux chevaux de sport, parfois trop souvent confinés dans leurs box en dehors de leurs séances de travail.
Absence du stress de confinement, des contacts sociaux réguliers et intenses, une aération maximale, une bonne luminosité, des stimulations sensorielles multiples.

d) Le logement collectif.

La stabulation libre est utilisée principalement en élevage pour héberger des animaux en groupe, le plus souvent du même âge, yearlings, poulains, juments.
C’est la situation dans laquelle les animaux peuvent se mouvoir sans entrave dans un local ouvert à l’air libre ou dans un enclos sur litière.

Ce type de logement est de plus en plus utilisé dans les centres équestres pour loger des poneys ou chevaux dont la gestion quotidienne est facilitée.
Cependant, la stabulation en groupe ne conviendra pas aux animaux agressifs, aux poulinières ayant récemment mis bas qui ont besoin d’établir des relations privilégiées avec leur poulain, et aux animaux malades qui peuvent être contagieux ou déficients.

e) Le pré ou plein air intégral et semi-plein air.

Le pré et un abri : c’est le type d’hébergement que les propriétaires rêvent de donner à leur cheval. Il permet à la fois de satisfaire les besoins naturels de déplacements du cheval et de minimiser les contraintes du propriétaire.
Sous nos climats tempérés, ce type d’hébergement est possible tout au long de l’année pour la plupart des chevaux en bonne santé. Toutefois, il est généralement réservé aux groupes de chevaux. En effet, il n’est pas recommandé de mettre en pâture tout au long de l’année un cheval seul, car il y déprimerait très vite.

L’abri est indispensable. On prendra soin de l’édifier sur un endroit sec et à l’abri du vent dominant. L’accès à l’abri doit être libre avec de préférence une ouverture située à l’est, côté soleil levant, pour permettre au cheval de profiter du soleil d’été le matin et de l’ombre l’après-midi.

2- Le contrat de pension d’un équidé.

Le contrat de pension est conclu entre un propriétaire ou cavalier du cheval et un dirigeant de haras ou responsable d’écurie.

a) Définition et conclusion du contrat de pension.

Le contrat de pension d’un équidé est juridiquement qualifié de contrat de dépôt salarié.
Article 1915 du Code civil :

« Le dépôt, en général, est un acte par lequel on reçoit la chose d’autrui, à la charge de la garder et de la restituer en nature ».

Les parties au contrat sont le dépositaire et le déposant :

  • le dépositaire étant celui qui prend l’animal en pension dans son établissement ;
  • le déposant étant celui qui met le cheval en pension.

Le contrat de pension peut être verbal.

Toutefois, il est fortement conseillé de faire un écrit pour des raisons de preuve.

Le contrat de pension écrit peut notamment préciser les éléments suivants :

  • Les noms et coordonnées complètes des parties ;
  • Le nom et le n° SIRE du cheval confié ;
  • Les conditions de la pension, plein air avec abri, box, alimentation distribuée… ;
  • Le prix mensuel et les modalités de paiement ;
  • Les assurances , responsabilité civile et éventuellement mortalité/invalidité du cheval ;
  • Les soins, vétérinaire et maréchal-ferrant ;
  • Les compétitions, si besoin ;
  • Le travail du cheval ;
  • La durée et les modalités de rupture du contrat.
    Le contrat doit être fait en au moins deux exemplaires originaux, il doit être daté et signé.

b) Obligations des parties.

-  Pour le déposant :
Le déposant a pour obligation principale de régler le prix mensuel de la pension, et de respecter les autres obligations contractuelles éventuellement insérées dans le contrat de pension.
En cas de non-paiement des frais de pension et sur le fondement de l’article 1948 du code civil, le professionnel a la possibilité d’exercer un droit de rétention sur l’animal jusqu’au règlement complet des dettes.
Pour s’exonérer de payer la pension due et formalisée par un contrat, une association de protection des animaux a prétexté la manque de soins apportés aux chevaux.
Le juge a rappelé que :

« le contrat passé est un contrat de dépôt salarié mettant à la charge du dépositaire une obligation de moyen renforcée de gestion en bon père de famille des biens déposés et qu’il lui appartient dès lors de démontrer qu’il n’a pas commis de faute ».
Le dépositaire est parvenu à démontrer qu’il n’avait commis aucune faute dans les soins fournis aux chevaux :

« il résulte que l’EARL les Écuries de Minuit rapporte la preuve qu’elle n’a pas commis de faute dans la garde et l’entretien des chevaux qui lui ont été confiés en dépôt, et ce dans le cadre des dispositions contractuelles liant les parties, démontrant tout au contraire y avoir apporté les mêmes soins que si les chevaux lui avaient appartenu ». Le déposant a été condamné à régler les factures impayées [1].

Il faut préciser que les frais d’entretien du cheval continuent à courir tant que les dettes n’ont pas été réglées.
Par ailleurs, le droit de rétention ne peut s’exercer sur le document d’accompagnement du cheval, le « carnet », dès lors que le dépositaire n’est plus en possession du cheval.

-  Pour le dépositaire :

Le dépositaire est débiteur de plusieurs obligations dans le cadre du contrat de pension.
Un de ses principaux engagements est notamment d’assurer les soins et la sécurité des chevaux confiés.
Plus précisément, l’article 1927 du Code civil indique que :

« le dépositaire doit apporter, dans la garde de la chose déposée, les mêmes soins qu’il apporte dans la garde des choses qui lui appartiennent ».

L’article 1928 du Code civil ajoute que :

« La disposition de l’article précédent doit être appliquée avec plus de rigueur :
1° si le dépositaire s’est offert lui-même pour recevoir le dépôt ;
2° s’il a stipulé un salaire pour la garde du dépôt ;
3° si le dépôt a été fait uniquement pour l’intérêt du dépositaire ;
4° s’il a été convenu expressément que le dépositaire répondrait de toute espèce de faute ».

c) Rupture du contrat de pension.

Le contrat de pension peut être conclu pour une durée déterminée ou pour une durée indéterminée.

Les modalités de rupture du contrat découlent directement du choix opéré par les parties quant à la durée du contrat :

  • Si le contrat est conclu pour une durée déterminée, il ne pourra pas être rompu de manière anticipée, sauf accord amiable entre les parties, force majeure ou inexécution suffisamment grave d’une obligation contractuelle définie à l’article 1217 du Code civil.
  • Si le contrat est conclu pour une durée indéterminée, contrat verbal, contrat écrit indiquant une durée indéterminée ou contrat écrit restant muet sur la durée du contrat, le contrat pourra être rompu à tout moment par l’une ou l’autre des parties, moyennant le respect d’un délai de préavis prévu au contrat ou, à défaut, d’un délai de « préavis raisonnable », selon la Cour de cassation [2].

D’usage dans le secteur hippique le délai de préavis est d’un mois. On peut donc penser que le respect d’un délai de prévenance de 30 jours pour rompre son contrat de pension sera considéré comme un délai « raisonnable », dans le cas où aucun autre délai n’aurait été mentionné dans le contrat.
Dans l’hypothèse d’un non-respect manifeste des conditions de la pension, voire d’une possible maltraitance animale, le déposant pourra toujours faire application de l’article 1217 du code civil et « provoquer la résolution du contrat » sans préavis.

d) Responsabilité dans le cadre de l’exécution du contrat de pension.

En cas de litige survenu au cours de l’exécution du contrat de pension entre le responsable de l’écurie et le propriétaire du cheval, on cherchera à déterminer la responsabilité civile contractuelle des parties suivant l’article 1231-1 du Code civil.
Pour tout dommage causé à des tiers par le cheval en pension, le gardien verra sa responsabilité engagée qui sera recherchée sur le fondement de l’article 1243 du Code civil :

« Le propriétaire d’un animal, ou celui qui s’en sert, pendant qu’il est à son usage, est responsable du dommage que l’animal a causé, soit que l’animal fût sous sa garde, soit qu’il fût égaré ou échappé ».

Le dépositaire est débiteur d’une obligation de moyens renforcée quant à la sécurité de l’animal qui lui a été confié, suivant en cela les principes de la responsabilité extracontractuelle.

En cas d’accident, blessure ou décès du cheval, le dépositaire sera présumé fautif et sa responsabilité contractuelle sera engagée, à moins qu’il ne prouve que le dommage ne soit pas la conséquence de sa faute.
Ainsi, pour que sa responsabilité ne soit pas engagée, le dépositaire devra démontrer qu’il a mis en œuvre tous les moyens à sa disposition pour éviter la survenue de l’accident.
Une jument a fait l’objet d’un contrat de dépôt salarié. L’animal a été blessé le 9 septembre 2012, quelques jours après son arrivée à la pension, alors qu’il se trouvait avec d’autres équidés dans un enclos sans surveillance immédiate, sous la responsabilité du dépositaire.

Il incombe au dépositaire, débiteur d’une obligation de moyens renforcée, de rapporter la preuve que la blessure subie par la jument n’est pas imputable à une faute de sa part et qu’il y a apporté les soins qu’il aurait apportés à une chose lui appartenant. Or, le débiteur a échoué dans l’administration de la preuve que le sinistre n’est pas imputable à sa faute, c’est à bon droit que le juge l’a déclaré responsable du préjudice subi par le déposant [3].
Si les circonstances du dommage sont indéterminées, le dépositaire ne parviendra pas à rapporter la preuve de son absence de faute et engagera sa responsabilité.

Le dépositaire pourra également démontrer que le dommage résulte d’un cas de force majeure, du fait d’un tiers ou d’une faute de la victime, pour s’exonérer de sa responsabilité.

Gérard Feix,
Avocat inscrit au Barreau de Paris.
Cabinet MCM AVOCAT

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Notes de l'article:

[1Cour d’appel de Bourges, 08 octobre 2015 n° 14/01581

[2Cour de cassation, Chambre civile 1, 11 mars 2014, n° 12-29.876.

[3Cour d’appel de Besançon, 16 janvier 2018 n° 16/01848.

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