Les délais de prescription.
En droit français comme en droit néerlandais, le délai de prescription de droit commun est de 5 ans.
En France ce délai a été mis en place après la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, auparavant le régime était très complexe avec un délai de droit commun de 30 ans et avec plus de 250 délais différents allant de 1 mois à 30 ans recensés par la Cour de Cassation. En Europe, on retrouve une différence entre les états de l’ouest qui ont un délai de droit commun de 5 ans et ceux de l’est qui en ont un de 3 ans (Allemagne, Pologne, Tchéquie, Slovaquie, Roumanie, etc.).
Des délais plus longs existent pour les dommages corporels, l’exécution de jugements, pour la responsabilité des constructeurs ou en prescription acquisitive.
Parmi les délais de prescription spécifiques, certains délais sont harmonisés au niveau de l´UE. Par exemple, pour les litiges à l’encontre des consommateurs, le délai est de 2 ans et pour les litiges en lien avec un transporteur il est de 1 an.
Ces cas d’harmonisation sont rares, la plupart des délais varient d’un état à l’autre.
Par exemple, le délai pour exécuter une décision de justice est de 10 ans en France et il est de 20 ans aux Pays-Bas. En Espagne, il existe un délai de prescription spécifique pour le paiement des honoraires des professions juridiques réglementées qui est de 3 ans (articles 1967 Código Civil).
Le calcul des délais.
En droit néerlandais et en droit français, on commence le calcul du délai de prescription à partir du moment où l’obligation devient exigible ou à partir du moment « où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer » (article 2224 nouveau du Code civil).
Toutefois, en Europe, il existe un autre moyen de calcul du délai de prescription. En droit allemand, le délai pour agir commence à courir à compter du dernier jour de l’année civile en cours (Bürgerliches Gesetzbuch (BGB) § 199). Entre Noël et le jour de l’an, c’est souvent le moment où les avocats se précipitent pour agir en justice juste avant la prescription des droits. Ce mode de calcul a été repris aussi en droit grec, par ailleurs fortement influencé par le Code civil allemand (BGB).
La jurisprudence de la Cour de cassation a pu considérer qu’une créance est prescrite si la prestation de service a été facturée trop longtemps après avoir été fournie. Dans ce cas, le délai commence à courir plus tôt.
Les moyens d’interruption de la prescription.
Si le délai de prescription est interrompu, un nouveau délai commence à courir pour la même durée initiale. Si au contraire il est suspendu, le délai continue à courir à partir de la fin de la suspension pour la durée initiale restante.
Il est beaucoup plus facile d’interrompre un délai de prescription en droit néerlandais ou espagnol qu’en droit français. Il peut être affirmé que le droit néerlandais se montre à nouveau plus favorable au créancier.
En droit néerlandais, il suffit d’envoyer une mise en demeure au débiteur pour interrompre le délai de prescription (article 317 du livre 3 du Code Civil néerlandais).
Cette lettre de mise en demeure et interruptive de prescription doit au moins faire mention explicite de la facture en souffrance et du montant de la créance impayée ainsi que de la volonté d’obtenir le paiement. De façon un peu surprenante, aucun formalisme particulier n’est requis, uniquement la présence d’un écrit, mais le créancier devra prouver au moins la réception de la lettre par le débiteur et son envoi.
La jurisprudence néerlandaise considère que les e-mails sont présumés reçus par les débiteurs si les créanciers démontrent leur envoi. Si le débiteur conteste la réception, il appartiendra au créancier de la démontrer. Dans un arrêt rendu par le Gerechtshof (Cour d’appel) d’Arnhem-Leeuwarden [1], le créancier a fait appel à une expertise et a pu démontrer que les e-mail avaient atteint la boite de réception du débiteur.
Pour être sûr, il convient toujours d’utiliser l’envoi postal par lettre recommandée avec accusé de réception.
En droit espagnol, il est également possible d’interrompre le délai de prescription comme en droit néerlandais (artículo 1973 Codigo Civil). La jurisprudence a admis que même un message whatsapp, ou une réclamation orale, suffit s’il y a preuve.
En droit allemand, la négociation ou pourparlers entre avocats permet de suspendre le délai de prescription.
En France, le seul moyen efficace d’interrompre le délai de prescription est une assignation en justice même devant un tribunal incompétent (Article 2041 du Code Civil). À l’amiable, il est également possible d’interrompre le délai avec une reconnaissance de dettes du débiteur (Article 2240 du Code Civil). Les modes alternatifs de réglement des litiges (MARD ou MARL) ne font que suspendre le délai de prescription (Article 2238 du Code Civil).
Conclusion.
En comparant ces différents régimes juridiques on peut aisément affirmer que le droit français offre plus de sécurité juridique pour les justiciables. Ils peuvent être certains que les créances sont prescrites au bout de cinq ans, sans avoir à faire des calculs à chaque fois que le paiement d’une facture est réclamée par un créancier.
L’inconvénient est qu’il peut générer plus de contentieux car c’est presque le seul moyen d’interrompre le délai de prescription.
Toutefois, rarement les créanciers ont recours à une procédure judiciaire uniquement pour interrompre les délais de prescription. Dans tous les cas, des multiples considérations sont à prendre en compte aussi comme l’état financier du débiteur, le montant de la créance ou le coût de la procédure.