Recherche et développement : soyez vigilants à votre suivi temps !

Par Solenne Desprez Braun, Directrice des Affaires Juridiques.

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Explorer : # crédit d'impôt recherche # suivi du temps # dépenses de personnel # jurisprudence fiscale

Une entreprise souhaitant déclarer son Crédit d’Impôt Recherche (« CIR »), devra s’assurer d’avoir la matérialité suffisante permettant de justifier du montant déclaré au titre de ce dispositif.
Cet article a pour objectif de vous aider à mieux comprendre les conditions de recevabilité permettant de valoriser le temps passé du personnel ayant directement travaillé sur les projets de R&D (pour Recherche et Développement).

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Le Crédit d’Impôt Recherche (« CIR ») est un incitatif fiscal prévu au sein de l’article 244 Quater B du Code Général des Impôts (« CGI ») qui a pour objectif d’aider les entreprises afin qu’elles puissent développer leurs activités de Recherche et Développement (« R&D »).

Par ce biais, les entreprises peuvent obtenir le financement de 30% de leurs dépenses de R&D. Ce financement peut prendre la forme soit d’un remboursement soit d’une diminution d’impôt sur les sociétés.

Pour l’ensemble des projets éligibles au dispositif, un certain nombre de dépenses peut être retenu dans le calcul du CIR dont les dépenses de personnel.

De jurisprudence constante et en application des précisions au sein du Bulletin Officiel des Finances Publiques [1] (« BOFIP »), une entreprise souhaitant déclarer son CIR, devra s’assurer d’avoir la matérialité suffisante permettant de justifier du montant déclaré au titre de ce dispositif. En effet, l’éligibilité des projets n’est pas un critère suffisant. Ainsi, sur les dépenses de personnel, est attendu des entreprises de définir « avec précision et rigueur » le temps réellement et exclusivement passé sur les opérations de recherche (Article 49 septies G).

Effectivement, l’article 49 septies G de l’annexe III du Code Général des Impôts (« CGI ») précise uniquement : « Dans le cas des entreprises qui ne disposent pas d’un département de recherche, les rémunérations prises en compte pour le calcul du crédit d’impôt sont exclusivement les rémunérations versées aux chercheurs et techniciens à l’occasion d’opérations de recherche ». La méthode de calcul a donc été déterminée par la doctrine administrative, au sein du BOFIP, qui précise explicitement que toute détermination forfaitaire est exclue, quand le personnel de recherche n’est affecté que partiellement aux opérations de recherche [2].

Quels sont les moyens à disposition du contribuable pour permettre de démontrer que la valorisation n’a pas été faite de manière forfaitaire, mais surtout que la méthodologie est rigoureuse et précise ?

I. La jurisprudence constante : l’encadrement de la preuve par tout moyen.

Si de jurisprudence constante, la preuve du temps passé par les équipes de recherche est par tout moyen, le juge a néanmoins posé des limites. A ainsi été admis que des fiches de postes, ou l’organigramme d’une société étaient des éléments suffisants pour démontrer l’affectation des salariés aux opérations de recherche (Cour administrative d’appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 15/12/2009, 07DA01370, Inédit au recueil Lebon). La preuve étant libre, une entreprise a réussi à démontrer le bien-fondé de sa répartition, non forfaitaire, en se basant sur

« divers documents et notamment le projet méthodologique des activités de recherche de la société, les listes mentionnant les noms et montant annuel des rémunérations brutes des personnes employées à temps plein ou à temps partiel ayant participé au travail de recherche ; qu’elle fournit également une copie des déclarations des données sociales des années en litige, les plannings des années concernées ainsi qu’une attestation de l’expert-comptable de l’entreprise » (Cour administrative d’appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 15/12/2009, 07DA01370, Inédit au recueil Lebon).

En revanche, une société ayant produit des relevés d’heures qui auraient été reconstitués à partir de feuilles de temps manuscrites s’est vu opposer un refus. La Cour a rappelé qu’il était opportun d’exclure toute évaluation forfaitaire du temps consacré aux opérations de recherche par le personnel. A noter que dans le cas d’espèce, les feuilles de temps manuscrites ne pouvaient pas être fournies. De la même manière, un contribuable ne peut se contenter de

« produire des tableaux faisant apparaître le nombre de jours qu’auraient consacré […] aux travaux de recherches allégués, quatre membres du personnel, sans justifier la réalité et le détail du temps qu’ils auraient effectivement passé à de telles opérations » (Cour administrative d’appel de Lyon, 4e chambre, du 11 décembre 1996, 95LY00251, inédit au recueil Lebon).

II. La jurisprudence récente : l’obligation pour l’administration de justifier de la non-recevabilité des éléments fournis.

Il est opportun de rappeler de prime abord que le contribuable, personne physique ou personne morale, bénéficie d’une présomption de bonne foi. Dès lors, si l’administration inflige des pénalités en sus du redressement, elle aura démontré que le manquement du contribuable a été délibéré. Une entreprise peut d’ailleurs bénéficier du droit à l’erreur, si celle-ci est justement commise de bonne foi [3].

Dans le cadre des suivis temps, il conviendra dès lors que l’administration puisse démontrer que les suivis temps fournis par l’entreprise n’ont pas permis de justifier le temps réellement passé par le personnel.

Récemment, un contribuable ayant souhaité utiliser des extraits d’agenda électronique s’est vu opposer par l’administration « l’imprécision » des mentions au sein du calendrier électronique des personnes concernées [4]. Pourtant, le tribunal administratif a considéré que le mode de détermination du temps consacré par le personnel aux activités éligibles au CIR, fondé sur les agendas électroniques, était un moyen de preuve suffisant. D’après le tribunal administratif, l’administration n’a pas apporté la preuve que les travaux n’étaient pas effectifs et c’est dans ce contexte que la société requérante a été considérée comme fondée à demander le remboursement de son CIR. L’administration a fait appel de cette décision.

Toutefois, et afin de s’éviter une procédure longue et coûteuse, il est fortement recommandé aux différentes entreprises de mettre en place un suivi-temps exhaustif et rigoureux, au fur et à mesure, afin d’anticiper un éventuel contrôle par l’administration fiscale [5].

Solenne Desprez Braun,
Directrice des Affaires Juridiques
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Notes de l'article:

[1BIC - Réductions et crédits d’impôt - Crédit d’impôt recherche - Dépenses de recherche éligibles - Dépenses de personnel | bofip.impots.gouv.fr

[4Décision du Tribunal administratif de Paris (2e section 3e chambre) en date du 3 février 2022, N°2001346/2-3

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