Les indemnités de transfert de joueurs : un élément de la valeur ajoutée des clubs de football. Par Michèle Poullain, Avocate.

Les indemnités de transfert de joueurs : un élément de la valeur ajoutée des clubs de football.

Par Michèle Poullain, Avocate.

4680 lectures 1re Parution: 5  /5

Explorer : # indemnités de transfert # fiscalité des clubs de football # valeur ajoutée # jurisprudence fiscale

Les sommes en jeu dans le cadre des transferts de footballeurs ont considérablement augmenté depuis l’adoption du contrat à temps en 1969. Au cours de l’année 2019, plus de dix milliards d’euros ont même été versés en indemnités de transfert. Corrélativement, les clubs sportifs ont constaté un accroissement significatif de leurs revenus.

-

Alors que le mercato estival ne débutera que le 10 juin prochain, le traitement par les clubs de football des indemnités de transfert de joueurs en matière d’impôts locaux est rappelé par le Conseil d’Etat dans une décision du 4 mars 2021 [1].

Dans la ligne de sa jurisprudence antérieure, la Haute juridiction confirme que les plus-values résultant des transferts de footballeurs sont un élément de la valeur ajoutée imposable produite par les clubs sportifs, quel que soit leur modèle économique propre.

L’affaire concernait la société Football Club des Girondins de Bordeaux qui avait fait l’objet d’une vérification de comptabilité sur les exercices clos en 2010, 2011 et 2012. A l’issue du contrôle, l’administration fiscale avait rehaussé la valeur ajoutée utilisée pour le calcul de la cotisation sur la valeur ajoutée (CVAE) des produits issus de la cession des contrats de joueurs. En conséquence, le club sportif avait subi un important rappel de CVAE au titre des trois exercices.

Si le club a pu obtenir la décharge du supplément d’imposition en première instance (TA Montreuil 04/12/2017 n°1609467), la Cour administrative d’appel de Versailles a annulé le jugement [2]. Le club des Girondins de Bordeaux a donc formé un pourvoi en cassation devant du Conseil d’Etat.

La question soulevée par ce litige portait sur l’inclusion du montant des indemnités de transfert de joueurs dans la valeur ajoutée servant d’assiette au calcul de la CVAE.

Conformément aux articles 1447 et 1586 quinquies du Code Général des Impôts (CGI), la CVAE est due par les entreprises réalisant plus de 500 000 euros de chiffre d’affaires hors taxe au cours de l’exercice. Lorsqu’elle s’applique, le montant de la cotisation est déterminé sur la base de la valeur ajoutée produite pendant la période de référence en vertu de l’article 1586 quinquies du CGI.

L’article 1586 sexies du CGI dresse la liste des produits à prendre en compte dans la valeur ajoutée, au titre desquels figurent notamment les plus-values de cession d’immobilisations corporelles ou incorporelles « lorsqu’elles se rapportent à une activité normale et courante ».

Afin d’apprécier si des revenus entrent dans la composition de la valeur ajoutée, l’administration fiscale prescrit de se référer à leur classification selon le Plan comptable général [3].

S’agissant des contrats liant les joueurs professionnels à leur club, le règlement spécifique du Comité de la règlementation comptable du 23 novembre 2004 précise qu’ils ont la nature d’immobilisations incorporelles. Ainsi, les indemnités perçues à raison de la cession de ces contrats s’analysent en des plus-values relatives à l’activité normale et courante de l’entreprise dans la mesure où les cessions sont habituelles au regard de la spécificité de l’activité des clubs. Dès lors, elles doivent être comprises dans la valeur ajoutée pour le calcul de la CVAE.

Dans le cadre de l’ancienne taxe professionnelle, le Conseil d’Etat avait déjà clarifié le régime fiscal des indemnités de transfert de joueurs par une décision du 6 décembre 2017 [4]. A l’occasion d’un contentieux relatif à la taxe des années 2008 et 2009 du Paris Saint Germain, la juridiction administrative avait posé le principe selon lequel les produits des transferts de joueurs devaient être inclus dans la base de calcul de la valeur ajoutée. Retenant leur récurrence et leur part significative voire structurelle dans le chiffre d’affaires des clubs sportifs, la Haute juridiction a considéré que ces produits faisaient nécessairement partie du modèle économique des clubs. Par suite, ils présentaient un caractère habituel et les indemnités appréhendées devaient être prises en compte dans le calcul de la valeur ajoutée.

Dans la présente affaire, le pourvoi du club des Girondins de Bordeaux se fondait sur une insuffisance de motivation et une erreur de droit. Le club arguait d’un défaut de prise en compte par la Cour administrative d’appel du modèle économique propre au club en vue de déterminer si les produits des transferts de joueurs relevaient de son activité normale et courante.

Par cette décision de non admission du pourvoi, le Conseil d’Etat confirme la portée de la règle instaurée en 2017. Les indemnités de transferts sont rattachables à l’activité normale et courante des clubs de football professionnels sans qu’il y ait lieu de rechercher si les cessions s’inscrivent dans le modèle économique spécifique du club.

Michèle Poullain
Avocate fiscaliste, Barreau de Paris

Recommandez-vous cet article ?

Donnez une note de 1 à 5 à cet article :
L’avez-vous apprécié ?

2 votes

Cet article est protégé par les droits d'auteur pour toute réutilisation ou diffusion (plus d'infos dans nos mentions légales).

Notes de l'article:

[1CE 04/03/2021 n°441523.

[2CAA Versailles 6e ch. 28/04/2020 n°18VE00128.

[3BOI-CVAE-BASE-20 n°1.

[4CE 06/12/2017 n°401533 min c/ Sté Paris Saint-Germain Football Club.

A lire aussi :

Village de la justice et du Droit

Bienvenue sur le Village de la Justice.

Le 1er site de la communauté du droit: Avocats, juristes, fiscalistes, notaires, commissaires de Justice, magistrats, RH, paralegals, RH, étudiants... y trouvent services, informations, contacts et peuvent échanger et recruter. *

Aujourd'hui: 156 370 membres, 27912 articles, 127 262 messages sur les forums, 2 710 annonces d'emploi et stage... et 1 600 000 visites du site par mois en moyenne. *


FOCUS SUR...

• Nouveau : Guide synthétique des outils IA pour les avocats.

• [Dossier] Le mécanisme de la concurrence saine au sein des équipes.




LES HABITANTS

Membres

PROFESSIONNELS DU DROIT

Solutions

Formateurs