A défaut de cession de fonds de commerce, les cessions d’éléments isolés du fonds sont soumises au régime fiscal propre au bien cédé, ce qui peut conduire à une absence de taxation comme pour le matériel ou pour les droits de possession industrielle.
Dès lors, dans certains cas, les acquéreurs ont eu l’idée de transformer artificiellement une cession de fonds de commerce en cessions isolées d’éléments dudit fonds afin, soit d’échapper aux droits d’enregistrement, soit d’en réduire le montant en réduisant l’assiette de ceux-ci.
Depuis plus d’une vingtaine d’années, la Cour de cassation a précisé que certaines cessions d’éléments isolés du fonds de commerce devaient être assimilées à des cessions de fonds et être soumises aux droits d’enregistrement prévu par l’article 719 du Code Général des Impôts.
La jurisprudence a parfois même requalifié, sur le fondement de l’abus de droit prévu à l’article L 64 du Livre des Procédures Fiscales, des cessions d’éléments isolés du fonds de commerce en cessions de fonds de commerce en appliquant les pénalités afférentes à l’abus de droit.
Par une instruction du 17 juin 2011 publiée au B.O.I. 7 D-1-11 du 4 juillet 2011, l’Administration a précisé le champ d’application des cessions de fonds de commerce.
L’élément essentiel caractérisant les cessions de fonds de commerce est la cession de la clientèle.
C’est un élément qui peut être nécessaire et suffisant comme le rappelle la Cour de Cassation, d’une part, dans un arrêt du 23 mars 1991 qui a estimé qu’il fallait rechercher si une clientèle était attachée à une exploitation cédée pour qualifier une cession de fonds de commerce et, d’autre part, dans l’arrêt « Maison Sichel » du 24 mars 1992 dans lequel la Cour rappelle que l’article 719 n’est applicable qu’à la cession de l’universalité constituant le fonds de commerce mais indique qu’une marque exploitée, qui peut être cédée séparément d’un fonds de commerce, est taxable en elle-même car une clientèle lui est nécessairement attachée.
La Cour de Cassation a, dans deux arrêts des 6 juin 1990 et 21 octobre 1997 cités par l’instruction, indiqué qu’il n’était pas nécessaire que la cession des divers éléments du fonds soit réalisée par un seul et même acte.
En effet, la Cour a retenu dans ces 2 espèces que « bien que séparés dans le temps, ces accords n’en formaient en réalité qu’un seul ayant pour objet la cession de l’exploitation dans sa totalité » et que « les cessions successives des éléments d’un fonds, bien que séparés dans le temps, peuvent former en réalité un seul accord ».
Par ailleurs, l’Administration estime qu’il suffit que le fonds soit transféré d’une société à une autre voire d’un groupe à un autre.
A cet égard, l’Administration rappelle l’arrêt du 23 octobre 2007 par lequel la Cour de Cassation a confirmé, d’une part, la jurisprudence Sichel aux termes de laquelle une marque, compte tenu de sa renommée et de sa notoriété, bénéficie d’une clientèle propre qui lui est attachée et qui est donc automatiquement transférée avec la marque et, d’autre part, l’application du régime de taxation des cessions de fonds de commerce lorsque la cession séparée des éléments du fonds est réalisée par deux cédants au profit de deux acquéreurs distincts.
L’Administration estime que « Le fonds de commerce ne peut pas être morcelé artificiellement en réalisant des cessions concomitantes entre filiales d’un même groupe pour échapper à la taxation de l’ensemble en application des articles 719 et 720 (visant les conventions de successeurs) du Code Général des Impôts ».
Enfin, la Cour de Cassation confirme également l’application du régime de taxation des cessions de fonds de commerce dès lors que le transfert du fonds est établi par une cession par actes distincts des éléments du fonds entre le cédant et le cessionnaire et ce malgré la conclusion d’un autre acte (en l’occurrence la signature d’un bail commercial) entre l’acquéreur et un tiers.
Par cette récente instruction, l’Administration a souhaité insister sur le fait que le champ d’application de l’article 719 visant à taxer les cessions de fonds de commerce ne devait pas être appliqué de manière restrictive mais que cet article devait, au contraire, s’appliquer notamment en présence de plusieurs actes à des dates différentes ou de plusieurs cédant et acquéreurs.