Pour rappel, l’employeur doit fournir à l’expert toutes les informations nécessaires à l’exercice de sa mission. La Cour de cassation a déjà eu l’occasion de préciser que l’information à laquelle a accès l’expert désigné par le CSE lors de la consultation sur la politique sociale de l’entreprise ne se limite pas au bilan social et à la BDESE, mais peut porter sur d’autres données si elles sont nécessaires à sa mission [2], voire, concerner les autres sociétés du groupe lors de la consultation sur la situation économique et financière de l’entreprise [3].
L’expert est tenu aux obligations de secret et de discrétion dans les mêmes conditions que les membres du comité social et économique [4].
La Cour de cassation a pourtant jugé dans un arrêt du 28 juin 2023 que :
« l’expert-comptable, désigné dans le cadre de la consultation sur la politique sociale, les conditions de travail et l’emploi, s’il considère que l’audition de certains salariés de l’entreprise est utile à l’accomplissement de sa mission, ne peut y procéder qu’à la condition d’obtenir l’accord exprès de l’employeur et des salariés concernés » [5].
Selon certains juristes, cette solution pourrait être étendue aux interventions de l’expert "habilité" auquel le CSE peut avoir recours en cas de risque grave ou de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail [6].
Il peut sembler pour le moins contradictoire qu’un expert désigné par le CSE dans un cadre légal ne puisse s’entretenir avec des salariés de l’entreprise sur un sujet directement lié à sa mission alors que :
- le comité « … a pour mission d’assurer une expression collective des salariés permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts dans les décisions relatives à la gestion et à l’évolution économique et financière de l’entreprise, à l’organisation du travail, à la formation professionnelle et aux techniques de production … » [7], et que par ailleurs, il peut, dans le cadre de ses prérogatives réaliser un sondage [8] ou distribuer un questionnaire aux salariés [9] ;
- que sauf abus, les salariés jouissent dans l’entreprise et en dehors de celle-ci, de leur liberté d’expression [10] et d’un droit d’expression directe et collective sur leurs conditions de travail sous réserve d’un accord collectif [11].
Autant de garanties relatives au droit d’expression qui se heurtent à l’impossibilité de s’entretenir avec un expert…
En s’opposant à la réalisation de ces entretiens, l’employeur espère naturellement obtenir la réduction du nombre de jours facturés par l’expert et réduire ainsi le coût des expertises mises à sa charge par le Code du travail.
Pour autant, si l’expert ne peut recueillir les informations nécessaires à sa mission par le biais d’entretiens avec les salariés, il devra procéder autrement, sans forcément réduire son temps de travail compte tenu de l’élaboration, la distribution, le recueil et l’analyse de questionnaires ou d’un sondage, etc.
C’est ce qui a été jugé par le Tribunal judiciaire de Nanterre dans une affaire où l’employeur invoquant l’arrêt du 28 juin 2023, s’opposait à l’audition de salariés par l’expert-comptable dans le cadre d’une expertise sur la situation économique et financière de l’entreprise, et sollicitait une réduction du nombre de jours de la mission.
Le juge considérant :
« à supposer que la direction refuse d’une façon systématique que l’expert ne s’entretienne avec ses salariés, cette circonstance ne saurait par ailleurs être de nature à réduire le nombre de jours de travail prévisionnel, les informations n’ayant pu être obtenues par la voie de l’audition devant l’être autrement » [12].
Pour rappel, ces experts exercent leur mission dans un cadre déontologique offrant des garanties, de secret professionnel, d’impartialité et de confidentialité répondant aux règles édictées par le Code de déontologie pour les experts-comptables et l’arrêté du 7 août 2020 relatif aux modalités d’exercice de l’expert habilité auprès du comité social et économique.