Savez-vous que les femmes représentent 55% des avocats, 65,5% des magistrats, 45% des notaires, 35% d’huissiers et plus de 67% des juristes d’entreprises.
Ces chiffres ne cessent de croître, 7 élèves avocats sur 10 et 8 inscrits à l’ENM (École Nationale de Magistrature) sur 10 sont des femmes.
Malgré ces chiffres, les femmes se raréfient soudainement dans les hautes sphères de la magistrature, il en est de même parmi les associées des cabinets d’affaires et les juristes exerçant des postes de direction.
Dans le contexte actuel d’instabilité et de complexité croissante, les directions Juridiques sont appelées à jouer un rôle toujours plus stratégique au cœur de l’entreprise. Pourtant, elles peinent parfois à valoriser leur image interne et à s’imposer comme un partenaire business incontournable.
Ce constat pourrait-il s’expliquer par l’importante féminisation de la fonction ?
Il semble que l’insuffisance de marketing interne des directions juridiques soit d’autant plus criant lorsque ces directions sont pilotées par des femmes.
Comment expliquer ce phénomène ?
Le marketing interne est un outil clé de positionnement. Renforcer l’image de sa direction fait partie intégrante du rôle de directeur juridique surtout lorsque la fonction représentée est insuffisamment valorisée en interne.
Les directions juridiques sont encore généralement perçues comme des gardiens du temple, axées sur la conformité, voire comme des freins à l’innovation, et peinent souvent à s’imposer comme d’incontestables « Business Partner ».
Pourtant, leur rôle stratégique est indéniable : fusions-acquisitions, négociation des contrats, gestion des litiges… Elles sont de fait au cœur des décisions et de la mise en œuvre de la stratégie globale de l’entreprise.
Comment expliquer alors ce défaut d’image ?
Il se pourrait que la féminisation de la fonction soit une partie de la réponse.
En France, près de 40% des directions juridiques sont dirigées par des femmes.
On ne compte plus le nombre d’articles et d’études sur le sujet du « leadership féminin ». Sans adhérer au stéréotype, force est de constater que les femmes rencontrent des freins particuliers dans le développement de leur carrière.
Elles se heurtent à des défis liés aux stéréotypes de genre et notamment à celui de la double contrainte (ou « double bind ») qui impacte la manière dont les femmes sont perçues en entreprise, notamment lorsqu’elles se trouvent dans des positions à responsabilités.
Dans les représentations communes, le leader idéal présente des caractéristiques comportementales masculines : sûr de lui, indépendant, rationnel n’ayant pas peur de trancher.
Or, les femmes sont attendues, même en entreprise, pour incarner des qualités stéréotypiquement féminines comme l’empathie, la douceur et la coopération.
Comme l’explique Alice Eagly, cette double contrainte complique leur positionnement : lorsqu’elles sont assertives, elles risquent d’être jugées comme trop dures ou dominantes, et lorsqu’elles ne le sont pas assez, elles sont perçues comme manquant d’autorité, avec le risque de voir le leadership déprécié et non respecté.
Les stéréotypes ont également des répercussions sur l’image de soi.
Selon les recherches de Carol Gilligan et de Virginia Schein, les stéréotypes de genre influencent leur « Personal Branding », c’est-à-dire non seulement leur perception d’elles-mêmes, mais aussi la manière dont elles communiquent leurs compétences et leurs succès.
Pourtant, dans le monde de l’entreprise, s’il faut être performant et remplir ses objectifs, il est tout aussi crucial de donner à voir son travail, de rendre visible ses réalisations et se rendre visible.
Sauf que, dans le but d’éviter les conflits avec leurs collègues en allant à l’encontre de ce qui est attendu de la part d’une femme, celles-ci peuvent avoir tendance à limiter leur exposition publique pour éviter d’être taxées d’ambitieuses, terme connoté négativement pour une femme.
Les femmes revendiquent la plupart du temps une orientation vers la mise en avant de l’équipe dans leur communication interne. Il est alors probable que cette « invisibilité choisie » nuit à l’image de leur direction et à leur capacité d’influence.
Cette réticence à faire son « Personal Branding » peut entraver la faculté des femmes à mettre en avant l’impact de leurs réalisations et à renforcer l’image de leur fonction au sein de l’entreprise. Une étude menée par Catalyst montre que 71% des femmes en leadership estiment qu’elles sont sous-évaluées dans leur organisation en raison de ces dynamiques de genre.
Comment dépasser les freins et renforcer l’image des directions juridiques ?
Contrairement à d’autres départements, les directions juridiques ne consacrent que peu de ressources et développent peu d’outils pour concourir à leur propre valorisation.
Pourtant, il est essentiel d’adopter une stratégie de communication interne pro-active pour se positionner en tant que véritable « Business Partner ».
Or le plus souvent, les directions juridiques manquent d’outils et par là même d’arguments pour renforcer leur visibilité en interne et démontrer leur valeur ajoutée pour l’entreprise.
La mise en place d’une cartographie de direction juridique, la mise en place d’indicateurs de performance (KPI - « Key Performance Indicator ») ou encore les outils permettant un marketing du service juridique (par exemple des notes « Legal Design » des formations « Learn & Lunch » etc.
Les indicateurs sont des outils permettant d’objectiver l’action de la direction juridique, de la rendre concrète et visible.
Outre les outils, le positionnement du directeur juridique reste clé.
La capacité à se positionner comme acteur essentiel de la prise de décision dépend de la capacité à se rendre visible, à construire un réseau solide avec les autres directions et à participer de manière active et assertive aux discussions clés plutôt que d’attendre que son expertise soit sollicitée.
Ce changement d’image pourra amener la direction juridique à être perçue aussi comme partenaire de l’innovation et du développement prend du temps et nécessite de la persévérance.
Pour enclencher cette transformation de l’image interne de la direction juridique, commencer par travailler l’image de soi du directeur juridique s’avère souvent déterminant.
Fortifier sa confiance en soi permet de renforcer sa « self-efficacy », c’est-à-dire le jugement que l’on porte sur ses capacités à faire face à une situation, à dépasser ses propres freins, à s’atteler à construire son « Personnal Branding », à conforter ses positions en nouant des liens dans différents types de réseaux pour augmenter son capital social (par exemple « DJ au féminin » du cercle Montesquieu ou « Les dîners de femmes » de l’AFJE) .
Une démarche de coaching pourra être un levier d’accélération de la transformation avec comme objectif d’asseoir la légitimité et la capacité d’influence du directeur juridique, et par extension, de son équipe.
Les directions juridiques jouent un rôle croissant dans le succès des entreprises mais leur manque de visibilité et leur image passéiste nuit à leur capacité d’influence et à leur impact.
En renforçant leur leadership notamment lorsqu’elles sont dirigées par des femmes, en se donnant d’outils et d’indicateurs sur lesquels construire une véritable stratégie de marketing interne, les directions juridiques peuvent changer leur image et ainsi maximiser leur impact.