Meublés touristiques : les obligations des bailleurs dans les grandes villes.

Par Romain Rossi-Landi, Avocat.

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Explorer : # location touristique # réglementation # enregistrement obligatoire # obligations fiscales

Les locations touristiques entre particuliers ont augmenté de 30 % en 2016 sur les plateformes internet (Airbnb …) soit 25,5 millions de nuitées (Source Insee, février 2017). Le gouvernement a récemment réglementé ce secteur de l’économie collaborative. Depuis 2014, la Loi encadre strictement l’activité de location meublée saisonnière dans les communes de plus de 200.000 habitants (Paris, Lyon, Marseille, Bordeaux, Lille, Montpellier, Nice, Nantes, Rennes, Strasbourg et Toulouse), celles des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne.

Attention, le cadre juridique applicable pour la location meublée de courte durée varie en fonction qu’il s’agit de votre résidence principale ou secondaire.

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La location de la résidence principale limitée à 120 jours par an dans les grandes villes.

S’il s’agit de votre résidence principale, vous pouvez louer votre logement jusqu’à 120 jours par an (un délai qui se compte en année glissante) en application de l’article L 631-7 alinéa 5 du Code de la construction et de l’habitation, et ce sans effectuer de démarches particulières.

À contrario, la résidence secondaire (qui correspond à un logement occupé moins de 8 mois par an) ne peut être louée à des touristes qu’après avoir effectué plusieurs démarches de plus en plus contraignantes.

Le changement d’usage.

La loi ALUR n°2014-366 du 24 mars 2014 a ajouté un dernier alinéa à l’article L 631-7 du Code de la Construction et de l’Habitation selon lequel : « Le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile constitue un changement d’usage au sens du présent article ».

Autrement dit, ces locations « répétées » de courtes durées sont alors considérées comme destinées à un usage hôtelier et non plus à un usage d’habitation. Le recours occasionnel à la location meublée de courte durée ne nécessite pas un changement d’usage.

On observera que le législateur n’a pas donné de précisions sur la période de référence pendant laquelle la répétition révèle un changement d’usage ni sur la notion de « courte durée ». Ce changement d’usage nécessite alors une autorisation préalable de l’administration afin que le lot d’habitation devienne un lot commercial. La location de meublés de tourisme est considérée comme une activité commerciale et non civile.

Une fois cette formalité remplie, le bien perd son statut de logement pour devenir un local commercial. Certaines municipalités (comme Paris et Lyon) conditionnent ce changement d’usage à une compensation. Le bailleur est alors obligé de racheter des mètres carrés de locaux commerciaux ou tertiaires qui ont été transformés en habitation "rachat de commercialité".

A Paris, cette autorisation (de la Mairie de Paris) est très difficile à obtenir notamment à l’ouest et au centre puisque le propriétaire souhaitant louer son bien sur internet doit impérativement présenter au soutien de son dossier, en compensation, un bien d’activité d’une surface équivalente ou du double dans le même arrondissement et s’engager à le transformer en local d’habitation… La municipalité impose d’acheter des « droits de commercialité » pour compenser le changement d’usage, ce qui est très coûteux (entre 1.000 et 1.600 €/m²).

Obtenir ce changement d’usage est donc très complexe et coûteux. Il existe cependant des dérogations locales avec des autorisations temporaires comme à Strasbourg (changement d’usage accordé pour une durée de 9 ans maximum) ou à Nice (Changement d’usage accordé pour trois ans renouvelable dans la limite de trois logements par personne).

De nombreux loueurs en meublé ont donc pris des libertés avec la loi et se dispensent des formalités de changement d’usage.

C’est pourquoi l’arsenal réglementaire a encore été renforcé afin de contrôler les fraudeurs.

L’enregistrement.

Le bailleur de meublé de tourisme est aussi soumis dans les villes qui l’ont mis en place (Bordeaux, Lyon et Paris notamment) à un enregistrement.

Depuis la loi du 7 octobre 2016 pour une République Numérique qui a instauré le permis de louer, les grandes villes peuvent désormais contraindre les loueurs de logements utilisant des plates-formes numériques à se déclarer en mairie. En effet, l’article 51 de la loi du 7 octobre 2016 a modifié l’article L 324-1-1 du code de Tourisme afin de permettre à un conseil municipal de rendre obligatoire par délibération un enregistrement auprès de la commune pour « toute location d’un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile ». La délibération fixera le nombre minimal de nuitées par an à partir duquel l’enregistrement est obligatoire. Le décret d’application n°2017-678 surnommé "décret Airbnb" est paru dimanche 30 avril 2017 au Journal officiel.

Le texte permet aux communes de plus de 200.000 habitants et à celles de la petite couronne parisienne de créer un numéro d’enregistrement pour les appartements meublés faisant l’objet d’une location de courte durée. Ce numéro devra figurer sur les annonces des portails de locations meublées (Airbnb, Abritel, Homelidays). L’objectif est de vérifier qu’ils n’excèdent pas la durée limite légale de cent vingt jours par an, lorsqu’il s’agit de résidences principales avec, le cas échéant, des amendes pouvant aller jusqu’à 50.000 € par logement pour les fraudeurs qui n’auraient pas procédé à cette déclaration préalable.

Depuis le 1er décembre 2017, tous les propriétaires parisiens (depuis le 1er mars 2018 à Bordeaux) souhaitant louer leurs logements sur des sites internet de meublés touristiques, comme Airbnb, doivent obligatoirement se déclarer pour obtenir un numéro d’enregistrement électronique qui aboutit à un numéro d’immatriculation à fournir obligatoirement sur les plates-formes. Avec ce numéro, les opérateurs doivent bloquer l’offre des logements hors la loi, c’est-à-dire les résidences principales au-delà de la durée fatidique autorisée de cent vingt jours de location par an.

Tout comme le changement d’usage, cette nouvelle contrainte a manifestement été prise à la légère par les bailleurs parisiens puisqu’en avril 2018, soit 5 mois après la mise en place de l’obligation d’enregistrement, 84 % des annonces figurant sur Airbnb ne comportaient toujours pas de numéro d’enregistrement. Elles auraient dû, en théorie, être retirées du site. Une procédure judiciaire a été engagée par la Mairie de Paris contre Airbnb devant le Tribunal de Grande Instance de Paris.

Des obligations fiscales.

Les revenus tirés de la location de meublés de tourisme relèvent des bénéfices industriels et commerciaux, que cette activité soit exercée de façon occasionnelle ou habituelle. Si les recettes annuelles ne dépassent pas 70.000 €, le bailleur doit indiquer leur montant directement sur sa déclaration complémentaire de revenus (formulaire 2042 C PRO). Au-delà de ce montant, une déclaration professionnelle n° 2031 SD devra être remplie. Cette activité peut également donner lieu au paiement de la CFE. Son taux est déterminé par chaque commune et dépend de la valeur des biens loués.

Enfin, dès 2019, les plateformes devront collecter directement la taxe de séjour et transmettre à l’administration fiscale le montant des revenus encaissés par leurs utilisateurs...

Vers un renforcement des sanctions.

Enfin, le projet de loi Elan (Evolution du logement, de l’aménagement et du numérique) n° 846 du 4 avril 2018 actuellement en première lecture à l’Assemblée Nationale prévoit de nouvelles sanctions pour les loueurs et les plateformes.

Il est en effet prévu un renforcement des contrôles et des sanctions (art. 51) dans le but de limiter le développement exponentiel des locations touristiques dans les zones tendues et à Paris en particulier.

Ainsi, les loueurs de meublés touristiques auront l’obligation de déclarer ou de transmettre les décomptes de nuits à la mairie. A défaut, ils s’exposeront à des amendes, respectivement de 5.000 € et de 10.000 €. Ces peines s’ajouteraient à celle, très lourde de 50.000 €, qui sanctionne déjà la location illégale en cas d’absence de changement d’usage prévue par l’article 651-2 du Code de la Construction et de l’Habitation.

Les plateformes sont également dans le viseur des pouvoirs publics puisqu’elles encourront une amende de 50.000 € si elles publient des annonces sans respecter leurs obligations notamment en l’absence de numéro d’enregistrement préalable (Article L 324-1-1 du Code de Tourisme).

Le texte devrait être adopté dès l’automne puisqu’il fait l’objet d’une procédure accélérée…

Romain ROSSI-LANDI
Avocat à la Cour
www.rossi-landiavocat.fr

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