Négociation du bail commercial côté preneur : quels points de vigilance ? Par Cécile Palavit, Avocat.

Négociation du bail commercial côté preneur : quels points de vigilance ?

Par Cécile Palavit, Avocat.

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Ce que vous allez lire ici :

Il est possible de négocier un bail commercial pour mieux protéger ses intérêts. Chaque clause peut être discutée selon vos priorités. Veillez à maîtriser les coûts, à sécuriser la durée et à vous garantir une flexibilité. Une bonne compréhension des clauses est essentielle pour éviter des conséquences négatives.
Description rédigée par l'IA du Village

Vous avez trouvé vos futurs locaux destinés à l’implantation ou au développement de votre activité (félicitations !) et votre bailleur ou son gestionnaire vous adresse son "bail type".
Vous vous demandez quels sont les enjeux de la négociation du bail commercial (et d’ailleurs, est-ce que ça se négocie ?) et sur quels points concentrer les discussions.
Voici quelques clés pour ne pas négliger la négociation de ce contrat qui constitue un actif de votre fonds de commerce et qui vous engage pour de nombreuses années.

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Est-ce que je peux négocier mon bail commercial ?

La réponse est oui ! Et vous auriez tort de vous en priver.

Le bail commercial est un contrat dit de "louage de chose" encadré par le Code civil et les articles L145-1 et suivants du Code de commerce qui régissent le statut des baux commerciaux.

Si ces textes sont relativement protecteurs du locataire, nombreuses de leurs dispositions ne sont pas d’ordre public et les baux commerciaux proposés aux preneurs contiennent très souvent des stipulations dérogatoires à ces textes qui peuvent avoir des conséquences juridiques et financières non négligeables.

Sur quels points faut-il être vigilant ?

La réponse sera différente selon la destination du bail (commerce, bureaux, local de stockage, industrie, hôtel, etc..) et vos priorités "business" : sécuriser mon activité et m’installer durablement, maitriser les coûts de mon bail, pouvoir mettre mon fonds de commerce en location-gérance ou pouvoir le céder, pouvoir quitter les lieux facilement etc.

Entamer une négociation suppose de définir vos priorités, les points sur lesquels vous êtes prêts à faire des concessions et ceux qui vont totalement à l’encontre de votre stratégie mais surtout de comprendre les clauses du bail qui vous sont proposées et leurs implications juridiques et financières.

Toutes les clauses peuvent faire l’objet d’une discussion et l’objet de la négociation est de trouver des rédactions permettant de satisfaire les deux parties et d’aboutir à l’équilibre contractuel du bail. Vous ne signerez pas un "mauvais bail" dès lors que vous aurez en tête toutes les implications de votre contrat et que votre engagement aura été pris en connaissance de cause.

Voici donc quelques pistes.

  • Si votre objectif est de maitriser votre budget et de surveiller les coûts cachés : outre le loyer, vous prendrez garde à vérifier la liste des catégories de charges, impôts, taxes et redevances qui seront refacturés au preneur [1] : les dépenses liées à la vétusté, à la mise en conformité des locaux, au remplacement des gros équipements peuvent représenter des coûts conséquents.

L’article L145-40-2 du Code de commerce impose au bailleur d’informer le preneur concernant les travaux qu’il envisage de réaliser dans les trois années suivant la conclusion du bail ainsi qu’un budget prévisionnel. Cette obligation ne constitue toutefois qu’une information sans valeur contraignante. Le preneur pourra éventuellement interroger le bailleur sur les rénovations ou les éventuels travaux de performance énergétique envisagés dans les années à venir et leur prise en charge.

La refacturation de la taxe foncière ou de ses primes d’assurances qui devient de plus en plus habituelle reste négociable.

Il conviendra de garder en tête que le bailleur doit régulariser annuellement le montant des provisions versées et que les justificatifs peuvent être sollicités par le preneur [2]. A défaut, le preneur pourra envisager une action en remboursement des provisions appelées indûment considérées comme "sans cause" [3]

  • Si votre objectif est de pérenniser votre activité et de vous assurer que le loyer ne subira pas d’évolution imprévisible lors du renouvellement : les preneurs de baux commerciaux pour des commerces prendront garde à la durée contractuelle du bail (9 ans et nullement une durée plus longue).

En effet, un bail commercial de commerce conclu pour une durée contractuelle de plus de 9 ans échappe à la règle du "plafonnement" lors de son renouvellement, ce qui signifie que le bailleur pourra solliciter sa fixation à la valeur locative de marché.

Outre cette durée contractuelle de 9 ans, il conviendra également de ne pas laisser le bail se poursuivre tacitement pour une durée supérieure à 12 ans et de demander le renouvellement avant cette date.

Il sera également pris garde aux clauses dérogatoires à l’article L145-34 du Code de commerce qui encadre ce principe du plafonnement. Cet article n’étant pas d’ordre public, il est de plus en plus fréquent que les baux contiennent des clauses dérogatoires.

Les locaux à destination exclusive de bureaux ou les locaux monovalents (hôtel par exemple) ne sont pas concernés par le principe du plafonnement. Le bail renouvelé est en effet - par principe - fixé à la valeur locative de marché. Il reste toutefois possible de négocier une soumission volontaire à l’article L145-34 du Code de commerce ou d’intégrer une règle de plafonnement contractuel.

  • Si votre objectif est d’être flexible dans la gestion de votre activité : vous pourrez anticiper une mise en location-gérance ou une sous-location en sollicitant par avance l’accord du bailleur et en échangeant en amont sur vos projets. Une lecture attentive de la clause de cession du droit au bail et/ou du fonds de commerce sera réalisée.

Vous prendrez garde aux clauses de non-concurrence et clauses d’exclusivité éventuelles afin de vous assurer qu’elles ne bloquent pas votre futur développement.

De même, il conviendra d’obtenir la suppression des clauses dites de "changement de contrôle" ou qui imposent l’information (voire l’autorisation) du bailleur pour tout changement dans les statuts de la société.

Enfin, vous vous assurerez que la clause de "destination du bail" n’est pas trop restrictive afin de pouvoir ultérieurement envisager d’adjoindre à l’activité prévue au bail des activités connexes ou complémentaires en application des dispositions de l’article L145-47 du Code de commerce.

Attention toutefois, l’adjonction d’activités connexes ou complémentaires pourra entraîner une révision du loyer lors de la première révision triennale si celles-ci ont entraîné par elles-mêmes une modification de la valeur locative des lieux loués.

  • Si votre objectif est de pouvoir quitter les lieux rapidement dans l’hypothèse où votre installation dans le local est incertaine ou temporaire, il pourra être négocié une faculté de sortie plus favorable que la faculté de sortie triennale prévue par le Code de commerce (il est par exemple possible de prévoir que le preneur pourra délivrer congé annuellement).
  • Concernant les travaux, il sera toujours recommandé :
    • D’échanger avec votre bailleur avant la signature du bail sur les travaux de mise aux normes ou d’aménagement qui sont impératifs pour le démarrage de votre activité, de vous les faire autoriser et d’échanger avec le bailleur sur leur prise en charge (notamment, certains travaux relèvent de l’obligation de délivrance du bailleur).
    • Si ces travaux nécessitent une autorisation de l’assemblée générale des copropriétaires ou une autorisation d’urbanisme, une condition suspensive d’obtention de ladite autorisation pourra être insérée afin de reporter la date d’entrée en vigueur du bail à l’obtention de cette autorisation et de vous permettre de sortir de votre engagement sans indemnité si l’autorisation n’est pas obtenue.
    • Le cas échéant, si les travaux sont conséquents, il pourra être conventionnellement prévu qu’un nouvel état des lieux sera réalisé à l’issue de travaux d’aménagement et que l’état du local qui y sera constaté sera l’état de référence pour la restitution en fin de bail.
    • Attention, la réalisation de ces travaux d’aménagement pourra être prise en compte par le bailleur pour obtenir le "déplafonnement" du loyer lors du second renouvellement si le bail prévoit que le bailleur fait acquisition des travaux réalisés par le preneur à l’issue du bail. Il sera donc recommandé de prévoir que le bailleur ne deviendra propriétaire des travaux et améliorations réalisés par le preneur en "fin de jouissance" et non en "fin de bail".
    • De prêter attention à la clause "travaux" du bailleur qui intègre généralement une dérogation aux articles 1723 et 1724 du Code civil prévoyant une renonciation du preneur à toute indemnité, quelle que soit la durée des travaux du bailleur et la gêne occasionnée. Il sera recommandé d’encadrer cette situation.
    • Seront également étudiées avec attention (et négociées) les clauses qui prévoient que le preneur sera tenu de régler un "forfait" pour la réalisation des travaux et la remise en état des locaux en fin de bail, sans qu’il soit prévu la possibilité pour le preneur de réaliser ces travaux lui-même et même si le bailleur devait décider de ne pas les réaliser.
  • Enfin, s’il est désormais courant de rencontrer des clauses dérogatoires aux articles 1195, 1219, 1220, 1223 et 1224 du Code civil, il convient de comprendre quelles sont les implications de ces renonciations et de décider en toute connaissance de cause d’accepter ou de négocier ces clauses.

Cet exposé n’a pas vocation à être exhaustif et ne remplacera pas la revue et l’accompagnement d’un avocat dans le cadre de votre négociation mais il vous permettra d’avoir quelques repères et réflexes.

Cécile Palavit, Avocat au barreau de Paris
Associée Cabinet Lex Insight

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Notes de l'article:

[1Liste obligatoire en vertu de l’article L145-40-2 du Code de commerce.

[2Art. R145-36 du Code de commerce.

[3Cass. 3e civ., 5 nov. 2014, n° 13-24.451 ; CA Paris, Pôle 5, ch. 3, 20 nov. 2019, n° 18/01647.

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