Le témoignage que propose Sylvia Fournier Caillard est intéressant à plus d’un titre. Premièrement, elle évoque sans détour sa carrière, voire son plan de carrière avec les avancements en grade, de ses débuts de jeune magistrate -elle précise qu’elle n’est pas devenue juge par vocation, mais que cette dernière est née et n’a cessé de croître au fil des années et des fonctions occupées- à son poste actuel [1]. Ensuite, de part la description des fonctions qu’elle a occupées et les dossiers dont elle a été saisie, l’auteure permet au lecteur d’avoir un regard précis et de l’intérieur sur le fonctionnement de la Justice, sur l’instruction d’un dossier, son jugement, la peine attribuée... et de savoir « ce qui se passe dans la tête d’un juge ».
Enfin, ce témoignage rappelle (s’il était nécessaire) toute l’humanité et la probité qui animent les juges. En effet, pour bien juger, le magistrat doit s’attacher à connaître la personne, à essayer de comprendre pourquoi elle a agi ainsi et bien sûr se garder de tout jugement.
Le livre est composé de trois parties qui correspondent à différentes fonctions tenues par Sylvia Fournier Caillard dans différents pôles et juridictions.
Dans la première partie, l’auteure évoque des affaires de délinquants dits de "droit commun" qu’elle a eu à traiter en tant que Juge d’instruction au Tribunal judiciaire (ex-TGI) de Créteil .
Dans la deuxième partie, changement de décor, son témoignage nous entraine au pôle financier du Tribunal judiciaire (ex-TGI) de Paris et nous permet de suivre des affaires financières où les délinquants sont qualifiés de "col blanc" et où il est « souvent plus facile de faire parler les dossiers que les escrocs ».
Changement d’ambiance pour la troisième partie où Sylvia Fournier Caillard nous plonge dans les affaires de criminalité organisée et terrorisme...
L’ensemble permet donc au lecteur de se faire une représentation plus juste du rôle du juge et de son quotidien.
La rédaction du Village de la Justice a voulu aller plus loin et s’est entretenue avec Sylvia Fournier Caillard, écoutons-la...
Quelles ont été vos motivations à la rédaction de ce livre ?
Sylvia Fournier Caillard : « Je voulais faire partager l’expérience d’un juge à travers des portraits de délinquants différents, d’histoires également différentes, les faire sortir du huis clos du cabinet d’instruction pour montrer la justice de l’intérieur, pour corriger aussi certaines idées reçues concernant le juge présenté souvent à tort comme déconnecté du quotidien en montrant qu’il est confronté aux hésitations, aux doutes, qu’il intègre des considérations humaines dans les décisions qu’il doit prendre ; faire connaître ce qui se passe dans la tête d’un juge ».
S’il ne fallait en retenir qu’un seul, quel est le point fort de ce livre ?
« Le fil conducteur de ce livre, la dimension humaine qui fait la richesse du métier de juge ».
A quel public s’adresse t-il ?
« A un public assez large, qui va de l’étudiant en droit qui envisage de passer le concours de la magistrature -ou qui hésite encore-, aux personnes extérieures au monde de la justice qui en ont une connaissance essentiellement « médiatique » ; il ne s’agit pas d’un ouvrage technique sur le fonctionnement de la justice avec un vocabulaire juridique ; il est accessible à tout le monde ; il permet de se faire une représentation plus juste du rôle du juge et de son quotidien ».
Quel message souhaitez vous faire passer au travers de votre témoignage ?
« Je souhaite montrer la difficulté du métier de juge confronté à des émotions différentes liées tantôt à la souffrance humaine tantôt à la perfidie, au mensonge, à l’intelligence aussi tout comme à la méchanceté ou la vilénie, qui doit faire abstraction de ces émotions pour prendre ses décisions ».
Quels conseils donneriez-vous aux étudiant.e.s en droit qui souhaitent devenir magistrat.e.s ?
« Surtout les encourager dans cette voie ; il s’agit d’un métier qui reste passionnant même si aujourd’hui les conditions d’exercice de ce métier sont beaucoup plus difficiles que lorsque j’ai débuté, avec une charge de travail qui s’est accrue, des dossiers qui se sont complexifiés avec de nouvelles formes de criminalité comme la cyber criminalité...
La palette de fonctions qui existe dans le métier de magistrat fait qu’on ne ressent jamais de la routine ou de l’ennui. Si vous en avez assez d’exercer les fonctions de juge d’application des peines par exemple vous changez et demandez à être juge d’instruction, juge des enfants ou encore juge dans un contentieux civil ; vous pouvez aussi si vous aimez faire du droit choisir d’exercer des fonctions au sein de la Cour de cassation ou exercer des fonctions de parquetier (en charge de l’action publique, des poursuites).
Vous pouvez également exercer des fonctions dans le cadre de détachements (il y en a plus d’une centaine) dans d’autres administrations ou à l’étranger comme magistrat de liaison. J’ajouterais notamment pour les femmes -mais pas que- qu’il s’agit d’un métier compatible avec la vie de famille ; il suffit de s’organiser ».
Informations techniques :
Titre : Madame la Juge ;
Auteur : Sylvia Fournier Caillard ;
Éditeur : éditions Favre ;
ISBN : 978-2-8289-2086-9 ;
Prix : 15 euros ;
Parution : 17 mai 2023.