Au mois de novembre 2022, un guide portant sur les Règles d’éligibilité au Compte personnel de formation du « Bilan de compétences » a été publié par la CDC en partenariat avec le Ministère du travail dans l’objectif (du moins, affiché) de « clarifier les règles d’éligibilité au Compte personnel de formation du bilan de compétences ».
A cette occasion, des recommandations de « bonnes pratiques dans EDOF » (l’Espace en ligne des organismes de formation) ont été émises, invitant les OF concernés à limiter leur catalogue à 10 offres, chacune devant être « distincte, a minima, par sa durée et son prix ». Afin de respecter ces préconisations, certains OF ont alors supprimé une partie de leurs offres, et proposé plusieurs offres différenciées par leur prix et leur durée.
Le 15 février 2023 un webinaire a ensuite été organisé par la CDC et la Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle du Ministère du travail au sujet de ce guide [1].
Au cours de ce webinaire, Monsieur Laurent Durain, Directeur de la formation professionnelle et des compétences au sein de la CDC, a invité les OF à ne conserver qu’un nombre limité d’offres de Bilan de compétences, et à en moduler la durée selon une nouvelle fonctionnalité d’ajustement mise en place via l’espace EDOF.
Le 27 mars 2023, une lettre d’information a été adressé aux organismes de formation proposant des Bilans de compétences, les invitant à se mettre en conformité avec la règlementation, et leur laissant un délai de dix jours pour ce faire.
Les OF ayant suivi les préconisations du webinaire ont donc, logiquement, supprimé certaines de leurs offres en ligne en vue de respecter les attentes de la CDC, en tenant compte de la nouvelle fonctionnalité d’ajustement de durée sur EDOF.
Quelques semaines plus tard, la CDC a ouvert une vaste campagne de contrôle (toujours en cours) à l’encontre des OF proposant des actions de Bilans de compétences. Ces derniers ont reçu par courriel une « lettre d’ouverture de procédure contradictoire », dont la motivation est la plupart du temps fondée sur une absence de personnalisation de leurs actions de bilan de compétences, les invitant à produire des documents démontrant la régularité de leurs offres dans un délai de 15 jours.
Malgré la production des éléments sollicités, la CDC a sanctionné de nombreux OF respectant pourtant les conditions d’éligibilité au CPF en prenant à leur encontre une décision de déréférencement d’une durée de 4 mois. Le motif retenu la plupart du temps par la CDC pour fonder ladite sanction résulte de la prétendue suppression d’offres de bilans de compétence pendant la période de procédure contradictoire, qui vaudrait (aux yeux de la CDC) reconnaissance de la non-conformité des offres proposées.
Certains OF ont également constaté sur leur espace EDOF que la date mentionnée concernant les dernières manipulations en ligne sur leur compte correspondait à la période de procédure contradictoire, sans néanmoins avoir conservé de preuve quant à la date antérieure de suppression de leurs offres en ligne.
Alors qu’un déréférencement de cette nature est susceptible d’engendrer de graves difficultés économiques pour les OF visés, ainsi qu’une atteinte à la réputation de ces organismes à l’égard de leurs clients qui en sont informés, la motivation retenue par la CDC pour fonder ces sanctions paraît éminemment contestable, à plusieurs titres.
Tout d’abord, c’est la CDC elle-même qui a invité les OF, dans son guide de novembre 2022, à proposer des offres différenciées par leur prix et leur durée, puis leur a préconisé de supprimer des offres de formations pour ne conserver que des offres modulables en durée. Le procédé consistant ensuite à sanctionner des OF en se fondant sur une telle suppression ne peut donc qu’interroger quant aux motivations réelles de la Caisse des dépôts, d’autant que le procédé vise de très nombreux organismes qui se voient adresser les mêmes courriers « génériques ».
Ensuite, car la suppression d’offres sur EDOF ne saurait s’analyser, en tant que telle, comme une reconnaissance de non-conformité des offres visées. Au surplus, sur ce point, il apparaît que la plupart des OF concernés ont supprimé des offres en ligne avant l’ouverture de la procédure contradictoire, à la suite du webinaire de février 2013 et de la lettre d’information reçue fin mars 2023.
Par ailleurs, les courriers d’ouverture de procédure contradictoire ne sont pas fondés sur ces motifs, et ne permettent donc pas aux OF concernés de se défendre à ce sujet.
Une telle pratique est manifestement contraire à la jurisprudence rendue par les juridictions administratives en matière de sanction administrative et aux principes constitutionnellement garantis.
Enfin,les sanctions prononcées ne tiennent absolument pas compte des éléments produits à titre de justificatifs par les OF dans le cadre de la procédure contradictoire.
De telles pratiques, manifestement arbitraires, n’ont pas leur place dans un Etat de droit, et doivent être vigoureusement combattues, dès lors qu’elles privent de nombreuses entreprises d’un accès au marché économique de la formation professionnelle ou les discriminent sans fondement sur ce marché, les conduisant à licencier leurs salariés, plaçant leurs dirigeants en difficultés psychologiques et financières, et entraînant parfois la liquidation judiciaire des sociétés concernées.
Aussi, la question des bénéficiaires effectifs de cette grande réforme de la formation professionnelle se pose, quand, sous couvert de « lutter contre la fraude », les grands groupes privés du secteur de la formation professionnelle se trouvent, in fine, favorisés sur ce marché concurrentiel, au détriment des TPE-PME du secteur. Les procédés mis en œuvre laissent particulièrement songeur, à l’heure où des liens d’intérêts contestables au sommet de l’Etat sont dénoncés par les médias, et ne peuvent que susciter l’indignation [2].
Dans ce contexte, il est préconisé aux OF concernés :
- d’établir et de conserver la preuve minutieuses de toutes leurs actions sur EDOF, y compris via des copies d’écran informatiques, ainsi que de tous les documents relatifs aux actions menées ;
- d’exercer des recours appropriés dans les meilleurs délais en cas de sanction (Voir sur ce point, le précédent article publié Sanction de déréférencement des Organismes de Formation par la Caisse des dépôts et consignations : les recours possibles) ;
- de se faire accompagner par un professionnel du droit au fait de ces problématiques, en tant que de besoin.