L’on sait depuis 2021 [1] qu’il résulte des principes généraux qui gouvernent le fonctionnement des juridictions administratives que les justiciables ont droit à ce que leurs requêtes soient jugées dans un délai raisonnable, délai raisonnable au demeurant mentionné à l’article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme [2]. Il est donc de la mission des magistrats administratifs de veiller à ce que le délai dans lequel est jugé un litige demeure raisonnable : est à mesurer la durée globale de la procédure, depuis la date d’enregistrement de la requête introductive d’instance jusqu’à l’instant où une décision est devenue définitive.
Au cours de cette période, le juge peut, à tout moment, proposer aux parties d’entrer en médiation [3]. Dès lors que celle-ci est acceptée et le médiateur désigné s’ouvre une période dont le rythme et l’étendue échappent - au moins partiellement - au juge. Par contre, elle n’est pas déductible de l’appréciation de ladite durée globale [4].
Ainsi, ce processus, loin d’être une sorte de bulle en apesanteur au-dessus du chemin contentieux, est une composante du cheminement procédural à l’exemple de l’expertise ou des autres moyens visés aux articles R621-1 à R627-4 du Code de justice administrative (CJA) même s’il n’entre évidemment pas dans cette catégorie [5]. Dès lors, pour que la médiation ne puisse être accusée d’avoir par elle-même pour effet de retarder l’instruction des affaires, deux classes de précautions sont mises en œuvre.
Du côté du juge administratif.
En premier lieu le magistrat poursuit l’instruction du dossier contentieux. Celle-ci, au sens des articles R611-1 à R636-1 du CJA, coure pendant le déroulement du processus. L’article R213-8 du CJA prévoit en effet qu’en aucun cas la médiation ne dessaisit le juge. Au demeurant, aucune des dispositions propres aux médiations provoquées par le juge ne traite des délais d’instruction et de procédure [6]. Le magistrat instructeur peut donc prendre à tout moment les mesures qui lui paraissent nécessaires [7].
En deuxième lieu, il ne peut se désintéresser du déroulé de la médiation.
D’une part, en cours de processus, il est tenu informé par le médiateur des difficultés rencontrées dans l’accomplissement de sa mission [8]. D’autre part, en désignant le médiateur il en fixe la durée. Traditionnellement, il retient trois mois renouvelables une fois ou, en tant que de besoin, plusieurs fois. Il a là l’opportunité de connaître, au moins trimestriellement, l’état d’avancée du processus et d’apprécier la pertinence d’une demande de prolongation.
Enfin, il doit, au plan procédural, tirer les conséquences de la fin de la médiation.
Du côté du médiateur.
Le médiateur doit veiller à ce que la médiation ne puisse étirer le contentieux au-delà du délai raisonnable. Quatre impératifs le guident alors.
Premièrement, le législateur lui impose une obligation de diligence [9], article chaptalisé par la Charte éthique de médiateurs dans les litiges administratifs, laquelle dispose plus concrètement : « le médiateur est diligent : il prend rapidement contact avec les parties et veille à obtenir des réponses rapides de leur part sur l’organisation des rencontres ».
Deuxièmement, il s’attache à ce qu’aucune des parties ne cherche à détourner ce processus ou n’adopte un comportement dilatoire.
Troisièmement, lorsqu’un accord est sur le point d’aboutir, il rend les parties attentives au respect de l’encadrement juridique de l’accord (conformité au droit de l’urbanisme, de la commande publique, etc.) et, le cas échéant, aux critères définis par le juge de l’homologation. En effet, un refus d’homologation d’un accord de médiation ajouterait de nouveaux délais à la procédure contentieuse.
Quatrièmement, il est vigilant sur l’écoulement de la durée de sa mission et agit en conséquence, soit qu’il lui paraît utile de solliciter un renouvellement de sa mission, soit qu’il lui faille informer le tribunal de ce que les parties ne sont pas parvenues à un accord ainsi que le lui prescrit l’art. L213-9 du CJA.
Ainsi, par ses diligences, le médiateur enclot dans le processus dont il est chargé les principes de l’article 6§1 et, par là même, participe à l’objectif de valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice qui découle des articles 12, 15 et 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789.