Loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle : quelles conséquences pour les employeurs ?

Par Xavier Aumeran, Juriste.

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Explorer : # formation professionnelle # compte personnel de formation (cpf) # entretien professionnel # financement de la formation

La loi du 5 mars 2014 « relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale » contient plus de 30 articles. Elle reprend très largement le contenu de l’Accord national interprofessionnel du 14 décembre 2013.

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Ces deux textes réforment à la fois le droit de la formation professionnelle, mais également le droit syndical, les règles applicables au comité d’entreprise, ou encore instaurent des critères de représentativité des organisations patronales.

Seules les conséquences de cette loi sur les employeurs seront ici précisées. Plus précisément, ce sont les modifications intervenues en matière de formation professionnelle qui nous intéresserons. Dès lors, les dispositions relatives au protocole d’accord préélectoral, aux négociations obligatoires, au contrat de génération, mais encore à la représentativité patronale, ne seront pas évoquées (à ce sujet, voir nos articles précédents).

Transformation du Droit individuel à la formation (DIF) en Compte personnel de formation (CPF)

Cette évolution est l’une des mesures phares de la réforme. En effet, en dépit de sa portabilité en cas de rupture du contrat de travail, le DIF était attaché à l’emploi salarié de la personne. Il s’agissait là d’une des limites du dispositif. En dehors des périodes d’emploi, et hors le cas de la portabilité, la personne n’était pas en mesure de bénéficier de son DIF. Il s’agit pourtant précisément du moment où ce dispositif présente tout son intérêt.

C’est en partie afin de répondre à ces difficultés que les partenaires sociaux, puis le législateur en juin 2013 et mars 2014, ont décidé de remplacer le DIF par le Compte personnel de formation. Les droits acquis au titre de la formation seront attachés à la personne et non plus au statut de salarié. Le CPF entrera en vigueur le 1er janvier 2015 et se substituera progressivement au DIF. C’est-à-dire que pendant plusieurs années, la personne sera susceptible de bénéficier à la fois de droits au DIF et de droits au titre de son CPF. Une période de transition est donc aménagée.

Tout comme le DIF, le CPF permet à son titulaire de cumuler des droits au titre de la formation au fil du temps. Ceux-ci sont comptabilisés sur un compte tenu par la Caisse des dépôts et consignations. Le CPF suivra ensuite son titulaire tout au long de sa carrière professionnelle. A l’avenir il ne sera donc plus question de portabilité de droits à la formation professionnelle.

Le CPF permet à son titulaire d’acquérir 24 heures par année de travail à temps complet, jusqu’à un plafond de 120 heures (qui est donc atteint en 5 ans). Au-delà, l’acquisition s’effectue à un rythme réduit de 12 heures par an dans la limite totale de 150 heures. Pour les salariés à temps partiel, l’acquisition s’effectue au prorata temporis.

Il est intéressant de relever que la possibilité d’un abondement a été prévue afin d’éventuellement dépasser les 150 heures. Il s’agit là d’un point intéressant dans le cadre d’un départ en vue d’une réorientation professionnelle ou d’une négociation d’un plan de départ volontaire.

Le législateur a en revanche entendu restreindre sensiblement le champ des formations susceptibles d’être éligibles au CPF. Certaines dérives avaient pu être relevées, notamment quant à l’utilisation du crédit d’heures pour des formations n’ayant aucun intérêt professionnel pour la personne. Désormais, les formations éligibles seront celles définies par décret, celles permettant de mettre en œuvre la validation des acquis de l’expérience ou concourant à une certification de qualification professionnelle figurant sur une liste définie par les partenaires sociaux.

La mise en place de rencontres entre l’employeur et le salarié sur la formation professionnelle

Deux moments d’échanges à propos de l’évolution des compétences du salarié sont mis en place :

- Un entretien professionnel tous les deux ans consacré aux « perspectives d’évolution professionnelle, notamment en termes de qualifications et d’emploi ».

Cet entretien se rajoute aux autres entretiens prévus légalement ou conventionnellement. Bien entendu, il ne doit pas être confondu avec l’entretien annuel d’évaluation, ou encore avec l’entretien annuel obligatoire pour les salariés autonomes soumis à une convention de forfait en jours sur l’année.

Il se substitue en revanche à l’éphémère bilan d’étape professionnel et au passeport orientation et formation.

Cet entretien est également proposé aux salariés ayant eu une longue période d’absence (congé de maternité, d’adoption, parental d’éducation, etc).

- Tous les six ans, un « état des lieux récapitulatif du parcours professionnel » à l’occasion de l’entretien professionnel relatif à l’évolution professionnelle.

Dans les entreprises de plus de 50 salariés, le défaut de mise en place de ces entretiens est notamment « sanctionné » par l’abondement du CPF du salarié concerné à la charge de l’entreprise. Plus largement, la Cour de cassation a récemment précisé que l’absence de formations professionnelles proposées au salarié constituait, en elle-même, un préjudice que l’employeur devait réparer par l’octroi de dommages et intérêts.

La loi le prévoit ici expressément, mais cela est fortement recommandé pour l’ensemble des entretiens entre l’employeur et son salarié, un document écrit formalisant le contenu de l’entretien professionnel doit être rédigé.

Enfin, le caractère obligatoire de ces entretiens et états des lieux du parcours professionnel implique que l’employeur, ou son représentant (service RH, manager, etc.), soit lui-même en mesure d’échanger et de proposer des solutions et perspectives en matière de formations professionnelles et d’évolutions professionnelles. Des sujets et des compétences sur lesquels les interlocuteurs concernés pourraient devoir eux-mêmes se former…

La réforme du financement de la formation professionnelle par l’entreprise

Actuellement, toutes les entreprises ont l’obligation de participer au financement de la formation continue à hauteur d’un pourcentage de leur masse salariale et fonction de leur effectif. La contribution à la formation continue est en réalité une pluralité de contributions, chacune ayant une finalité propre (plan de formation, CIF, etc). Pour les entreprises de plus de 10 salariés, cette contribution peut être remplacée, même partiellement, par une participation directe de l’entreprise à des actions de formation.

Désormais, toutes les entreprises devront s’acquitter d’une contribution unique auprès d’un OPCA qui ensuite procèdera à la ventilation des sommes. Il s’agit donc d’une simplification pour l’entreprise.

Cette contribution est maintenue à un taux de 0,55% de la masse salariale de l’année en cours pour les entreprises de moins de 10 salariés et fixée à 1% pour les entreprises dépassant cet effectif. Pour ces dernières, il s’agit d’une baisse apparente des taux de cotisations à la formation professionnelle.

Ce nouveau taux sera applicable pour le calcul des contributions en 2016, sur les rémunérations versées en 2015.

Il convient néanmoins de souligner qu’il appartient toujours à l’employeur d’assurer l’adaptation de ses salariés à leurs postes de travail ainsi que leur employabilité. Le financement de cette obligation se rajoute à la contribution obligatoire de l’employeur. C’est à ce dernier de prendre en charge directement les actions de formation rendues obligatoires par l’évolution des métiers et des compétences requises.

Les dépenses de formation engagées par les entreprises de plus de 10 salariés au titre du plan de formation ne sont donc plus imputables sur les contributions obligatoires dues au titre de la formation professionnelle.

In fine, le principe de l’imputabilité disparaissant, l’économie n’est pas si évidente pour les entreprises concernées.

D’autres mesures relatives à la formation professionnelle sont prévues par la loi du 5 mars 2014.Il s’agit notamment de :
- l’intégration plus étroite de la formation professionnelle dans la GPEC ;
- la réforme (à la marge) du contrat d’apprentissage ;
- l’accès facilité à la validation des acquis de l’expérience (VAE).

Xavier AUMERAN

Juriste - Doctorant - Chargé d’enseignement Université Lyon 3

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