En effet, selon le projet immobilier envisagé, les pétitionnaires [3] doivent se soumettre à des prescriptions qui peuvent les priver (en totalité ou en partie) de la libre détermination ou de la libre orientation de l’usage de leur bien notamment lorsque ce dernier est affecté d’une inconstructibilité.
En tout état de cause, il ne faut pas occulter que le permis de construire n’est « que » le dernier maillon ou au moins l’acte administratif qui se construit en référence d’une hiérarchie des normes urbanistiques qui jongle entre exigences de compatibilité, exigences de prise en compte et exigences de conformité [4].
Dès lors, dans la mesure où ladite hiérarchie des normes [5] doit viser à atteindre les objectifs listés par l’article L101-2 du Code de l’urbanisme, il n’est pas nécessairement surprenant que les conditions climatiques puissent impacter les conclusions de l’instruction d’une demande d’autorisation d’urbanisme [6].
I. Une hiérarchie des normes urbanistiques « climato-fervente ».
Lorsque dans une discipline compte un certain nombre de normes, la mise en place d’une hiérarchie constitue le minimum de rationalisation à instituer afin de réduire (autant que possible) le risque de cacophonie. Dès lors, généralement, l’outil de hiérarchie des normes est associé à un mécanisme de mise en conformité de la norme « inférieure » vis-à-vis de la norme « supérieure ».
Cette structuration permet ainsi d’imposer une ligne de cohérence et, par voie de conséquence, une ligne de clarté des règles applicables.
En droit de l’urbanisme, l’autorité des différentes normes doit composer une harmonie dans le respect réciproque de l’autonomie [7] de chaque entité administrative selon sa sphère de compétence.
C’est à ce titre, que la hiérarchie des normes urbanistiques ne se structure pas en s’appuyant sur une exigence de conformité de la « norme inférieure » vis-à-vis de la « norme supérieure ». En effet, notamment consolidée par l’ordonnance 2020-745 du 17 juin 2020, la hiérarchie des normes urbanistiques est caractérisée par une structuration qui doit être qualifiée d’agile car les prescriptions posées en cascade ne doivent pas être soumises à une mise en conformité [8].
Ainsi, la hiérarchie des normes urbanistiques est structurée par deux obligations qui portent l’agilité de la ligne de cohérence :
- l’obligation de compatibilité et,
- l’obligation de prise en compte.
En faisant la comparaison entre les obligations précitées et l’intensité portée par l’obligation de conformité, il n’est pas inopportun de qualifier de « souple » (ou soft) les obligations de compatibilité et de prise en compte. Cela dit en passant, des deux obligations précitées, l’obligation de prise en compte tient plus du « mou » que du « souple », en plus d’être d’un contenu quelque peu flou.
L’obligation de compatibilité implique que la norme subséquente ne doit pas être en contradiction avec la norme de référence. Par conséquent, il s’agit d’une obligation négative de non-contrariété : La norme subséquente doit respecter « l’esprit » (les principes essentiels) de la norme de référence [9].
Alors que l’obligation de prise en compte implique que la norme subséquente ne doit pas ignorer ni s’éloigner de la norme de référence. Autrement-dit, il s’agit du niveau d’opposabilité le moins contraignant [10]. Dès lors, il porte une dynamique de non remise en cause [11].
Depuis l’ordonnance n°2020-744, cette dernière obligation est résiduelle.
Cependant, vous l’aurez compris, la nuance d’intensité d’opposabilité entre les deux obligations exposées précédemment, peut se révéler assez peu lisible [12]. En tout état de cause, le choix de ce type d’intensité par le Législateur vise à permettre une cohérence sur un territoire composé de gestionnaires multiples et autonomes [13].
L’exigence de compatibilité et, le cas échéant, celle de prise en compte sont opposables uniquement aux administrations auteurs desdites normes. À charge pour elles, au regard de la stratégie « d’urbanisation durable territorialisée » [14] qu’elles poseront chacune à leur échelle, de tenir la compatibilité avec les orientations nationales et, le cas échéant, concrétiser ladite stratégie.
Ainsi, la norme territoriale (le Schéma Régional d’Aménagement de Développement Durable et d’Égalité des Territoires ou encore le Schéma d’Aménagement Régional ou le Schéma Directeur de la Région Île-de-France) doit prendre en compte les différents « Plans » nationaux ; la norme intercommunale (Le Schéma de Cohérence Territorial [SCOT]) doit être compatible [15] avec certaines normes régionales et prendre en compte [16] d’autres [17] ; la norme communale (Plan Local d’Urbanisme ou carte communale) doit à son niveau être notamment compatible avec le SCOT [18] mais également avec le plan climat-air-énergie territorial [19] [20].
Autrement-dit, la hiérarchie des normes urbanistique est une cascade de compatibilité dont l’élément pivot est le SCOT. En outre, cette cascade de compatibilité est « climato-fervente » [21].
Cela signifie que ce dispositif prône (entre autres) la mise en œuvre de mesures de lutte contre le changement climatique qui doivent être déclinés dans chaque strate territoriale par les collectivités publiques gestionnaires dans un cadre respectueux de leurs compétences respectives. Dès lors, la chaîne de compatibilité doit permettre la concrétisation des stratégies urbanistiques communales « climato-fervente » [22] en fonction de la réalité du terrain.
II. Le permis de construire : élément de concrétisation de la stratégie urbanistique « climato-fervente » communale.
Le plan local d’urbanisme (PLU) [23] est un document d’urbanisme [24] qui, au niveau de la strate communale ou intercommunale, prescrit une vision locale globale d’urbanisation et d’aménagement. À ce titre, le PLU est prescripteur de normes (règles) générales d’utilisation du sol sur le territoire de la commune considérée. Il doit être une « sorte » de synthèse d’une vision locale compatible avec les politiques nationales [25], les orientations territoriales d’aménagement et les spécificités d’un territoire. C’est à ce titre que le PLU est un document « d’urbanisation durable territorialisée » parce qu’il pose les contraintes de l’aménagement d’un territoire communal respectueux des principes du développement durable, de la bonne gestion de l’espace mais doit également satisfaire les besoins de développement économique local et de mixité sociale. Afin de constituer le document stratégique phare en matière de vision urbaniste de proximité, le PLU est composé de différents éléments [26] : d’un rapport de présentation [27] ; un projet d’aménagement et de développement durables ; des orientations d’aménagement et de programmation [28] ; du règlement [29] et des annexes [30].
S’appuyant sur un diagnostic territorial, le rapport de présentation est un élément très important du PLU car il explique la stratégie retenue notamment en matière environnementale [31] ; en outre, il justifie les règles du PLU [32].
L’attribution d’une autorisation d’urbanisme (Permis de construire, permis d’aménager, permis de démolir, déclaration préalable) permet à la commune de vérifier que le projet est conforme aux règles d’urbanisme notamment prescrites par le PLU (Plan Local d’Urbanisme) [33]. Ainsi, dans la mesure où le PLU est un document d’urbanisme opérationnel, il est le principal (pas l’unique [34]) fondement règlementaire [35] sur lequel s’appuie un refus [36] d’autorisation d’urbanisme, voire (si les conditions sont recouvertes) il peut permettre un sursis à statuer [37]. À ce titre, le certificat d’urbanisme [38] qui n’est pas une autorisation d’urbanisme mais un document d’information [39] sur les règles d’urbanisme applicables à une parcelle peut se révéler être un outil utile [40] dans la mesure où il permet d’introduire une prévisibilité de la règle urbanistique applicable durant son délai de validité [41].
Ainsi, le caractère « climato-fervent » de règles urbanistiques prescrites dans le PLU peuvent motiver le refus d’une demande d’autorisation d’urbanisme.
Cependant, avec la sollicitation d’un CU (surtout le CUO), le pétitionnaire peut réduire le risque de refus [42] mais pourrait toujours être exposé à un risque de sursis à statuer [43]. Le sursis à statuer est une mesure de sauvegarde qui permet à l’autorité territoriale de différer la prise de décision sur une demande d’autorisation d’urbanisme notamment pour éviter qu’un projet de modification ou de révision du PLU ne soit compromis [44] lorsqu’il est dans « un état suffisant d’avancement » [45].
Dans ce contexte, l’autorité territoriale doit préciser quels éléments du PLU dont l’exécution serait rendu plus difficile [46] par le projet de construction ou d’aménagement envisagé. Si l’issue du sursis à statuer, l’autorité compétente refuse d’accorder l’autorisation d’urbanisme, alors le propriétaire peut mettre en œuvre son droit de délaissement [47], c’est-à-dire mettre en demeure la collectivité territoriale d’acquérir la parcelle concernée.