Le parcours du demandeur d’asile est semé d’embûches et confine parfois au saut d’obstacles, voire au « parcours du désespoir » [1]. Persécuté ou menacé de l’être dans son pays, il est contraint de prendre la fuite sans être certain de franchir l’autre rive ou d’arriver à bon port : nombreux sont en effet ceux qui périssent au milieu du gué [2].
Il lui faudra parfois attendre plusieurs mois, s’il veut par exemple se prévaloir de l’article 29 du Règlement Dublin III pour déposer sa demande dans le pays de son choix [3].
Encore lui faudra-t-il obtenir un rendez-vous en Préfecture [4], attendre et passer l’entretien à l’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides (OFPRA) ; attendre et, le cas échéant, former un recours devant la Cour Nationale du Droit d’Asile (CNDA) et s’y présenter [5].
Il aura probablement été confronté au problème des conditions matérielles d’accueil, dont le bénéfice peut être accordé, refusé, retiré ou suspendu, notamment pour refus de l’orientation régionale, refus de coopérer avec les autorités, refus du lieu d’hébergement [6].
Force est à cet égard de souligner la longueur des délais d’instruction, en cas de recours contre les décisions portant privation (refus, retrait, suspension) des conditions matérielles d’accueil, qui mène à la situation où la juridiction administrative statue sur les conditions matérielles d’accueil bien longtemps après que les autorités compétentes l’aient fait sur l’octroi ou non du bénéfice de la protection internationale. C’est ce que souligne Jean-Michel Belorgey :
« Ainsi le parcours du demandeur d’asile s’est-il progressivement transformé en une épreuve dont ne peut sortir vainqueur qu’un petit nombre de lauréats. Pour qu’une personne en quête d’asile soit admise à concourir, il lui faut en effet tout d’abord prendre pied sur le territoire du pays où elle entend le solliciter. Et cela, qui n’a jamais été de soi, va de moins en moins de soi. Les dispositifs se sont multipliés en vue d’empêcher d’éventuels demandeurs d’asile d’accéder au territoire d’éventuels pays d’accueil, et même de quitter celui de leur pays d’origine. Au demandeur d’asile admis sur le territoire d’un pays d’accueil, il faut ensuite accréditer, et c’est là le cœur de l’épreuve, l’existence de persécutions ou de craintes de persécutions justifiant sa démarche. Or, pour qu’il ne soit pas, en vue de relever ce défi, abandonné à son seul talent, il conviendrait que les personnels administratifs ou juridictionnels impliqués dans le filtrage des demandes d’asile, appelés à trier entre le bon grain et l’ivraie, disposent d’une formation en géographie, en géopolitique, en anthropologie, en psychologie, en psychopathologie, et pas seulement en droit, ainsi que d’une formation éthique, à la mesure de la complexité, et souvent de l’étrangeté, pour qui vit dans une démocratie occidentale, des situations dont ils ont à traiter ; d’une indépendance suffisante aussi pour que leur intime conviction se forme librement, et que son éclosion ne soit pas entravée non seulement par des ignorances et des préjugés, mais encore par des directives, notamment par des objectifs statistiques. Nombreux sont hélas les personnels qui ne disposent ni de cette formation, ni de cette indépendance » [7].
Il arrive au final que la demande soit rejetée. Et le bénéfice de la protection internationale, lorsqu’il est accordé, n’est pas définitif : on peut le perdre.
Quels sont les cas de perte du statut de réfugié et ses implications ? Tels sont les deux points qui seront l’un après l’autre abordés.
I- Les cas de perte du statut de refugié.
Il est possible de perdre le statut de réfugié pour différentes raisons, liées à la caducité de la protection, à la fraude ou à l’indignité de l’étranger.
Bien qu’elle relève davantage de la privation ab initio que de la perte, il importe au préalable d’évoquer l’hypothèse du refus du statut.
A- Hypothèse du refus du statut.
1- Le refus peut être opposé à l’étranger, parce qu’il n’appartient à aucune des catégories susceptibles d’en bénéficier. Ce refus procède de l’idée que l’étranger demandeur du statut de réfugié, eu égard notamment à son récit et à ses déclarations, ne satisfait pas aux critères d’inclusion. Relativement à l’inclusion, la reconnaissance du statut de réfugié peut reposer sur différents fondements et viser les situations suivantes.
l’étranger persécuté dans son pays, qui ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de ce pays. Il doit s’agir de persécutions fondées sur la race, la religion, la nationalité, l’appartenance à un certain groupe social ou sur les opinions politiques. C’est l’asile conventionnel, en référence à la convention de Genève du 28 juillet 1951 [8].
L’étranger persécuté dans son pays en raison de son action en faveur de la liberté. Il peut s’agir de militants politiques ou de syndicalistes, de journalistes, d’artistes ou d’intellectuels menacés pour leur engagement en faveur de la démocratie dans leur pays. C’est l’asile constitutionnel [9].
L’étranger qui a obtenu dans son pays la protection du Haut-commissariat des Nations unies, mais ne peut plus y rester [10].
2- Le refus peut ensuite être opposé à l’étranger visé par une clause d’exclusion. Relativement à l’exclusion, des termes de l’article L511-6 du CESEDA, il ressort que le statut de réfugié n’est pas accordé à une personne qui relève de l’une des clauses d’exclusion prévues aux sections D, E ou F de l’article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951.
Sont tout d’abord visées, les personnes qui bénéficient d’une protection ou d’une assistance de la part d’un organisme ou d’une institution des Nations Unies autre que le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés [11].
Il en va de même de la personne considérée par les autorités compétentes du pays dans lequel elle a établi sa résidence comme ayant les droits et les obligations attachés à la possession de la nationalité de ce pays.
Il en va enfin de même des personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser qu’elles ont commis un acte particulièrement grave : un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l’humanité, au sens des instruments internationaux élaborés pour prévoir des dispositions relatives à ces crimes ; un crime grave de droit commun en dehors du pays d’accueil avant d’y être admises comme réfugiés ; d’agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies [12].
3- S’y ajoute le cas d’un refus consécutif à l’irrecevabilité de la demande. Un étranger peut voir sa demande rejetée pour irrecevabilité sans qu’il soit procédé à son examen au fond. Il en va ainsi lorsque le demandeur bénéficie de manière effective soit d’une protection au titre de l’asile dans un autre pays membre de l’Union européenne, soit du statut de réfugié dans un pays tiers où il est effectivement ré admissible. A ces deux premiers cas, qui renvoient aux règles gouvernant le transfert de protection depuis un Etat membre ou un pays tiers s’en ajoute un troisième : celui des demandes de réexamen qui, après un examen préliminaire mais sans entretien avec le demandeur, ne reposent pas sur des faits ou éléments nouveaux susceptibles d’augmenter de manière significative la probabilité de voir la demande prospérer [13].
Dans tous les cas, la décision est rendue à la suite d’une procédure qui permet de vérifier si les agissements invoqués sont établis et d’examiner s’ils peuvent être qualifiés de persécutions et d’atteintes graves [14].
B- La caducité de la protection.
Elle consacre le principe selon lequel il n’y a pas lieu d’accorder une protection internationale lorsqu’elle n’est plus nécessaire ou justifiée.
La convention de Genève prévoit plusieurs clauses de cessation, au regard desquelles il peut être mis fin au statut de réfugié après qu’il a été accordé. Les unes visent le comportement du réfugié, les autres, les changements survenus dans le pays d’origine ou de provenance.
Caducité liée au comportement du réfugié.
La convention cesse d’abord d’être applicable si un réfugié se réclame volontairement à nouveau de la protection de son pays d’origine. Cela passe par exemple par un acte dit d’allégeance, qui signifie que, par un voyage dans son pays d’origine ou même par des contacts administratifs avec les autorités consulaires installées en France, le réfugié établit ne plus craindre des persécutions.
Encore faut - il souligner que tout contact avec les autorités de l’Etat d’origine ne revient pas à se placer volontairement sous la protection de cet Etat. Trois critères devront être remplis. D’une part, l’absence de contrainte : la prise de contact avec les autorités de l’Etat d’origine devra avoir eu lieu sans contrainte extérieure, autrement dit, indépendamment de la situation du réfugié dans son pays d’accueil et sans intervention de la part des autorités du pays d’origine. D’autre part, l’intention de se placer sous la protection de l’Etat d’origine : le réfugié devra au moins s’être accommodé de la protection offerte par son pays d’origine.
Enfin, l’effectivité de la protection apportée par le pays d’origine : des éléments objectifs devront attester que le réfugié reconnu n’est plus en danger dans son pays d’origine. A noter que l’absence de nouvelles persécutions ne permet pas, en soi, de conclure à l’effectivité de la protection apportée par l’Etat d’origine.
Elle cesse également de l’être lorsque l’étranger recouvre volontairement sa nationalité ou en acquiert une nouvelle.
La convention cesse enfin d’être applicable lorsque l’étranger retourne volontairement s’établir dans le pays où il craignait d’être persécuté. Il arrive cependant qu’en dépit des menaces auxquelles il dit être exposé dans son pays d’origine, un étranger souhaite s’y rendre pour des motifs d’ordre humanitaire tels que le décès ou la maladie grave d’un proche. Il pourra, à titre exceptionnel et pour une courte durée, être autorisé à effectuer ce voyage sans s’exposer de la part de l’OFPRA à un risque de cessation de la protection obtenue. Cette autorisation prend la forme d’un sauf conduit préfectoral [15].
Caducité liée à un changement de circonstances.
La protection internationale est toujours subsidiaire, puisqu’elle se substitue en principe à un Etat défaillant pour protéger ses ressortissants contre les persécutions qu’ils subissent ou peuvent subir. Il s’ensuit qu’elle a vocation à cesser lorsque le bénéficiaire retrouve la protection de son pays d’origine ou de résidence.
Il peut s’agir d’un changement de nature politique qui peut consister en un changement de régime politique dans le pays d’origine, une évolution politique comme la démocratisation d’un régime, l’accession d’un pays à l’indépendance, voire de certaines mesures générales telles qu’une amnistie générale ou la dépénalisation de certaines infractions comme l’homosexualité. Le changement de circonstances doit être suffisamment significatif et durable pour justifier une cessation de protection. Pour la Cour nationale du droit d’asile, cette condition est satisfaite
« si, au regard de la situation individuelle du réfugié, le pays d’origine a effectivement éliminé de manière non-provisoire les facteurs qui ont entrainé la reconnaissance initiale de sa qualité de réfugié par des mesures raisonnables pour empêcher la persécution et qu’il dispose notamment d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner toute violation grave des droits fondamentaux de l’homme qualifiable d’acte de persécution » [16].
C/ L’indignité.
La perte du statut de réfugié peut intervenir lorsque l’étranger s’en est rendu indigne. Cette indignité est liée à différentes situations. L’article L511 -7 du CESEDA [17] dispose que le statut de réfugié est refusé ou il y est mis fin dans les situations suivantes.
Tout d’abord, lorsqu’il y a des raisons sérieuses de considérer que la présence en France de la personne concernée constitue une menace grave pour la sûreté de l’Etat.
Ensuite, lorsque la personne concernée a été condamnée en dernier ressort soit pour un crime, soit pour un délit constituant un acte de terrorisme ou une apologie publique d’un acte de terrorisme ou puni de dix ans d’emprisonnement, et sa présence constitue une menace grave pour la société française. Il est à noter que la condition relative à la menace comporte deux exigences, l’une a trait à sa réalité (la présence de l’intéressé « constitue » une menace ; il ne s’agit pas seulement de possibilité ou de probabilité), l’autre à sa gravité (« une menace grave »). L’on ne saurait donc simplement déduire de l’existence des condamnations celle de la menace.
Il résulte d’une jurisprudence constante du Conseil d’Etat, notamment illustrée par l’arrêt n°440383, du 10 juin 2021, que la première condition posée au 2° de l’article L511-7 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est regardée comme étant remplie lorsque la condamnation en cause a été prononcée par un jugement, rendu par une juridiction statuant en premier ressort, devenu définitif.
En ce qui concerne la menace grave pour la société française, le recours à la notion de menace grave pour la société suppose l’existence, en dehors du trouble pour l’ordre social que constitue toute infraction à la loi, d’une menace réelle, actuelle et suffisamment grave, affectant un intérêt fondamental de cette société. La constatation de l’existence d’une telle menace doit être fondée sur une appréciation, par l’Office, puis, le cas échéant, par la Cour, du comportement personnel de l’intéressé, prenant en considération les éléments sur lesquels la condamnation pénale s’est fondée, tout particulièrement la nature et la gravité des crimes ou des agissements qui lui sont reprochés, le niveau de son implication individuelle dans ceux-ci, ainsi que l’existence éventuelle de motifs d’atténuation de sa responsabilité pénale relevés dans sa condamnation.
Cette appréciation globale doit ensuite déterminer, compte tenu du laps de temps qui s’est écoulé depuis la commission de ces crimes ou agissements, ainsi que du comportement ultérieur adopté par cette personne, si ce comportement manifeste la persistance, chez celle-ci, d’une attitude susceptible de porter gravement atteinte aux intérêts fondamentaux de la société [18].
D/ La fraude.
La perte du statut peut sanctionner l’étranger qui l’a frauduleusement obtenu. Tel est le cas lorsque des indices montrent qu’au moment de la décision initiale le requérant ne répondait pas aux critères d’inclusion de la convention de 1951 ou qu’une clause d’exclusion prévue par cette convention aurait dû lui être appliquée :
« il n’avait pas besoin de la protection internationale parce qu’il bénéficiait de la protection de la part d’un organisme ou d’une institution des Nations Unies autre que le HCR (article 1D de la convention de Genève) ou parce qu’il a été considéré par les autorités compétentes du pays dans lequel il avait établi sa résidence comme ayant des droits et obligations attachés à la possession de la nationalité de ce pays [19] ; il ne méritait pas la protection internationale parce qu’il y avait des raisons de penser qu’il avait commis des actes relevant de l’article 1F de la convention de Genève » [20].
Il a obtenu son statut en faisant de fausses déclarations ou en dissimulant des faits essentiels [21]. Il importe cependant, pour envisager une révocation du statut, que les faits erronés ou dissimulés aient été déterminants dans l’octroi du statut [22]. L’étranger, qui peut donc pour sa défense exciper de la négligence ou de son ignorance, devra avoir trompé délibérément les autorités. La fraude doit être intentionnelle.
II- Les implications.
Lorsque les conditions en sont remplies, l’OFPRA ou la CNDA et le Conseil d’Etat lorsque la décision d’octroi de la protection a été prise par eux, ont compétence pour priver son bénéficiaire, de leur propre initiative ou sur demande du ministère chargé de l’asile, de la protection internationale.
De façon ordinaire, lorsque l’OFPRA envisage de mettre fin au statut de réfugié en application des articles L511-7 ou L511-8 (ou au bénéfice de la protection subsidiaire en application de l’article L512-3), il informe par écrit la personne concernée de l’engagement de cette procédure ainsi que ses motifs [23]. Cette personne est mise à même de présenter par écrit ses observations sur les motifs de nature à faire obstacle à la fin du statut de réfugié (ou du bénéfice de la protection subsidiaire) [24]. La décision de l’OFPRA de mettre fin au statut de réfugié (ou au bénéfice de la protection subsidiaire) est notifiée par écrit à la personne concernée, par tout moyen garantissant la confidentialité et la réception personnelle de cette notification [25].
Elle est motivée en fait et en droit et précise les voies et délais de recours [26].
A -La perte des droits liés au statut de refugié.
Sans le statut, l’étranger se trouve privé de ce qu’il offre. Pour en prendre la mesure, il suffit de rappeler ce qui est associé au statut de réfugié.
1- La décision de reconnaître à un étranger la qualité de réfugié (ou de lui octroyer le bénéfice de la protection subsidiaire) a pour conséquence de le placer sous la protection de l’Etat d’accueil. Il revient à une institution du pays de protection de se substituer aux autorités du pays d’origine pour procurer aux réfugiés les documents nécessaires à l’accomplissement des actes de la vie quotidienne. En France, c’est à l’OFPRA qu’est dévolue cette mission. Il est habilité à délivrer aux réfugiés (et bénéficiaires de la protection subsidiaire ou du statut d’apatride), après enquête s’il y a lieu, les pièces nécessaires pour leur permettre soit d’exécuter les divers actes de la vie civile, soit de faire appliquer les dispositions de la législation interne ou des accords internationaux qui intéressent leur protection, notamment les pièces tenant lieu d’actes d’état civil.
Le directeur général de l’office authentifie les actes et documents qui lui sont soumis. Les actes et documents qu’il établit ont la valeur d’actes authentiques. Ces diverses pièces suppléent à l’absence d’actes et de documents délivrés dans le pays d’origine. Les pièces délivrées par l’office ne sont pas soumises à l’enregistrement ni au droit de timbre [27].
2- Par ailleurs, outre la protection contre le refoulement vers un pays où sa vie serait menacée pour les motifs énoncés notamment par la Convention de Genève, le statut confère plusieurs droits [28].
Droit au séjour.
L’étranger qui a obtenu le statut de réfugié (ou le bénéfice de la protection subsidiaire) se voit délivrer un titre de séjour dans les conditions et selon les modalités prévues au chapitre IV du livre IV du CESEDA. [29].
En vertu de l’article L424-1 du CESEDA, l’étranger auquel la qualité de réfugié a été reconnu en application du livre V se voit délivrer une carte de résident d’une durée de dix ans. Ce droit au séjour bénéficie au conjoint, au partenaire avec lequel il est lié par une union civile, âgé d’au moins dix-huit ans, aux enfants (dans l’année qui suit leur dix-huitième anniversaire), aux parents si l’étranger qui a obtenu le bénéfice de la protection est un mineur non marié [30].
Droit à la réunification familiale.
Le droit à la réunification familiale permet aux membres de la famille d’un réfugié ou du bénéficiaire de la protection subsidiaire de le rejoindre sur le territoire de l’Etat d’accueil, sans toutefois bénéficier eux-mêmes d’une protection internationale. Il suffit aux membres de la famille d’une personne protégée de saisir les autorités consulaires d’une demande de visa long séjour en fournissant les pièces d’état civil justifiant leur lien avec la personne protégée. Après leur arrivée en France sous couvert de ce visa, les membres de la famille obtiendront une carte de résident [31].
Il se distingue du principe de l’unité de famille d’après lequel le conjoint ou concubin d’une personne reconnue refugié, de même que son enfant mineur au moment de son entrée en France, doit se voir reconnaître cette qualité. Il ne bénéficie qu’aux réfugiés. Le Conseil d’Etat a jugé en 1994 que les principes généraux du droit applicables aux réfugiés imposent « en vue d’assurer pleinement au réfugié la protection prévue par la convention » que la même qualité soit reconnue à son conjoint de même nationalité à condition que l’union soit antérieure au départ du pays ainsi qu’à ses enfants mineurs de même nationalité [32]. Le principe de l’unité de famille peut également être invoqué au profit d’un ascendant mais dans des conditions plus restrictives, l’ascendant devant être dans une situation de dépendance à l’égard de la personne reconnue ultérieurement réfugié avant le départ de ce dernier du pays d’origine [33] [34].
Documents de voyage.
A moins que des raisons impérieuses de sécurité nationale ou d’ordre public s’y opposent, l’étranger titulaire d’un titre de séjour en cours de validité auquel la qualité de réfugié a été reconnue en application de l’article L511-1 du CESEDA et qui se trouve toujours sous la protection de l’Office de protection des réfugiés et apatrides peut se voir délivrer un document de voyage dénommé « Titre de voyage pour réfugié » l’autorisant à voyager hors du territoire français.
Ce titre permet à son titulaire de demander à se rendre dans tous les Etats à l’exclusion de celui ou de ceux vis-à-vis desquels ses craintes de persécutions ont été reconnus comme fondés en application du même article L511-1 [35].
Accès aux droits.
L’étranger qui a obtenu le statut de réfugié (ou le bénéfice de le protection subsidiaire) et a signé le contrat d’intégration républicaine bénéficie d’un accompagnement personnalisé pour l’accès à l’emploi et au logement.
A cet effet, l’autorité administrative conclut avec les collectivités territoriales et les autres personnes morales concernées ou participant à cet accompagnement une convention prévoyant les modalités d’organisation de celle-ci [36].
B- La conservation de la protection liée à la qualité de refugié.
Sans le statut de réfugié, l’étranger se trouve en principe privé des droits et protections qui lui sont associés. La réalité semble cependant plus nuancée. Ne serait-ce que parce qu’il peut par exemple se prévaloir de plusieurs autres dispositions et que le départ peut être fait entre le statut de réfugié et la qualité de réfugié [37].
De fait, dans sa décision du 19 juin 2020 [38], le Conseil d’Etat a rappelé que l’article L711-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) doit être interprété conformément aux objectifs de la directive 2011/95/UE du 13 décembre 2011 dont il assure la transposition et qui vise à assurer, dans le respect de la convention de Genève du 28 juillet 1951 et du protocole signé à New York le 31 janvier 1967, d’une part, que tous les États membres appliquent des critères communs pour l’identification des personnes nécessitant une protection internationale et, d’autre part, un niveau minimal d’avantages à ces personnes dans tous les États membres.
Il résulte des paragraphes 4 et 5 de l’article 14 de cette directive, tels qu’interprétés par l’arrêt C-391/16, C77/17 et C-78/17 du 14 mai 2019 de la Cour de justice de l’Union européenne, que
« la révocation du statut de réfugié ou le refus d’octroi de ce statut, que leurs dispositions prévoient, ne saurait avoir pour effet de priver de la qualité de réfugié le ressortissant d’un pays tiers ou l’apatride concerné qui remplit les conditions pour se voir reconnaître cette qualité au sens du A de l’article 1er de la convention de Genève ».
En outre, le paragraphe 6 de l’article 14 de cette même directive
« doit être interprété en ce sens que l’Etat membre qui fait usage des facultés prévues à l’article 14, paragraphes 4 et 5, de cette directive, doit accorder au réfugié relevant de l’une des hypothèses visées à ces dernières dispositions et se trouvant sur le territoire dudit Etat membre, à tout le moins, le bénéfice des droits et protections consacrés par la convention de Genève auxquels cet article 14, paragraphe 6, fait expressément référence, en particulier la protection contre le refoulement vers un pays où sa vie ou sa liberté serait menacée, ainsi que des droits prévus par ladite convention dont la jouissance n’exige pas une résidence régulière... » [39].
Ainsi, il lui est par exemple possible d’obtenir un droit au séjour sur d’autres fondements que celui du statut de réfugié. Par ailleurs, l’article L424-6 du CESEDA dispose que la carte de résident ne peut pas être retirée si l’étranger est en situation régulière depuis au moins cinq ans [40].
D’autre part, relativement à une mesure d’éloignement, il lui est possible de faire valoir l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme selon lequel « nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants », voire dans certains cas, l’article 33 de la Convention de Genève selon lequel aucun des Etats contractants n’expulsera, ou ne refoulera, « de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ».
Comme le rappellent Thibaut Fleury Graff et Alexis Marie, « l’éloignement d’une personne n’est en aucun cas la conséquence automatique et nécessaire de son exclusion de la qualité de réfugié ou de la protection subsidiaire ». D’abord, parce que l’étranger peut prétendre demeurer légalement sur le territoire étatique à un autre titre (pour des raisons privées ou familiales, en tant qu’étranger malade…, etc.).
Ensuite, parce que l’influence désormais « déterminante » des droits de l’homme joue ici un rôle fondamental. Les Etats ont l’obligation de ne pas expulser une personne vers un Etat où il y a un motif sérieux de croire qu’elle serait victime de torture, de traitements inhumains ou dégradants ou de disparition forcée. Le caractère absolu du principe de non refoulement tel qu’il est garanti par les instruments internationaux de protection des droits de l’homme « neutralise » ainsi les conséquences de l’exclusion du statut de réfugié.
La protection contre le refoulement qu’offrent ces instruments ne vaut pas titre de séjour. Une personne exclue de toute protection internationale mais non éloignable au titre du droit international des droits de l’homme ne pourra donc pas bénéficier sur le territoire de l’Etat membre sur lequel elle se trouve d’un titre de séjour pérenne. Elle se trouve ainsi dans une « zone grise du droit, à la fois sans titre sur le territoire étatique, mais ne pouvant être éloigné de celui-ci, en une forme d’asile territorial réduit à sa plus simple expression » [41].
Il n’est pas anodin d’être privé du bénéfice du statut de réfugié. Les conséquences doivent cependant être relativisées, dans la mesure où l’étranger concerné peut, dans certaines hypothèses, conserver celui de la protection internationale.