Elle a toujours fait l’objet d’un sentiment contradictoire : tant de moquerie (Racine la caricaturait par exemple dans Les Plaideurs) que d’admiration par sa force de conviction et l’émotion qu’elle peut susciter. La plaidoirie offre en effet aux magistrats et à l’opinion publique une fenêtre sur la médiocrité de certains avocats mais aussi sur l’excellence d’autres.
Si le but de la plaidoirie est resté le même, l’Histoire montre qu’elle n’a pas cessé d’évoluer quant à sa durée et sa forme, via les arguments employés, selon l’auditoire auquel elle est destinée (3 matinées à Rome… !).
Pendant longtemps la plaidoirie était le seul support pour exprimer sa cause auprès du magistrats. Elle était donc capitale. Ce n’est qu’à partir du XIVe siècle que le papier fait son apparition. Les avocats peuvent alors faire parvenir des mémoires, jusqu’à ce que cette possibilité deviennent une obligation avec la grande Ordonnance de procédure civile de 1667. L’écrit se prêtera toujours mieux à un développement juridique complexe, mais plus ce dernier s’allonge par papier, plus la place de l’oral s’en voit amoindrie. La question se pose à présent : la plaidoirie a-t-elle encore une place dans le processus juridique ?
Mais sur quoi repose une bonne plaidoirie ?
Le travail de l’avocat, renvoyant à une exigence morale de bonne foi et de probité.
« Si le juge est autorisé à avoir un doute sur notre jugement, il ne doit pas avoir de doute quant à notre sincérité. » Jean-René Farthouat.
La réthorique, l’analyse, la synthèse argumentative, l’exercice de la raison critique.
L’esprit d’adaptation à l’auditoire, à l’instant même de plaider, confinant au respect de ce dernier. Bien plaider est parfois s’abstenir de plaider.
Reposant sur un dossier solide et maîtrisé, et le faisant vivre.
Elle doit être conçue comme une phase autonome de la procédure afin de bien atteindre ses objectifs d’utilité et d’éclaircissement de la juridiction.
« Donnons au tribunal l’envie de vous faire gagner la cause qui vous est confiée, elle vous permet d’arracher la décision. » Roland Dumas
À quoi sert une bonne plaidoirie ?
Mettre en lumière certains arguments, leur donner de l’importance (quel est par exemple réellement le rôle du subsidiaire ?)
Donner une explication qui ne s’écrit pas, une part d’humanité qui ne peut être formulée que par des mots.
Être l’occasion d’un dialogue entre l’avocat et le juge, le premier collaborant dans le prise de décision du second.
Donner du sens à la justice pour le justiciable (il s’agit de sa voix sans être lui-même). Ce dernier aura moins tendance à contester un jugement lui étant défavorable s’il a le sentiment d’avoir été entendu.
Répondre dans l’instantanéité à des questions que l’avocat lui-même ne s’était pas posé.
Permettre de gagner du temps grâce à cette compréhension et cette rencontre qui se créent.
Participer de la bonne compréhension de la justice par le citoyen.
Elle doit permettre dans tous les cas à l’avocat de transmettre la parole de son client.
Quelle est la structure d’une bonne plaidoirie ?
Le droit via une rapide explication juridique, même si le droit n’a pas à être plaidé en tant que tel.
Les faits, nécessitant parfois une qualification peu évidente ou plus souvent des explications.
Les pièces, à utiliser avec parcimonie car signes souvent d’un enlisement de la plaidoirie.
Les dossiers de plaidoirie ont été récemment supprimés. Même si les conclusions et les avocats sont jusqu’ici conservés, la question de leur maintien se pose sérieusement en raison de plaidoiries trop longues, redondantes ou encore encombrantes. Même dans leur domaine privilégié des procédures orale, l’écrit prend une place toujours plus prépondérante et conduit à leur réduction. Elles sont dans tous les cas toujours encadrées tant par leur structure que par leur exigence de « décence convenable et clarté nécessaire ». Il n’en demeure pas moins que les magistrats n’ont que rarement recours à l’alinéa 3 de l’article 440 du Code de procédure civile, lequel leur permet de faire cesser la plaidoirie s’ils s’estiment « suffisamment éclairés » (encore vu presque comme un incident d’audience), témoignant d’un respect fort de cet exercice.
En effet et en tout état de cause, la plaidoirie est un droit du justiciable : c’est à l’avocat de décider, en le justifiant parfois au juge souhaitant davantage un simplement dépôt, si son dossier doit faire l’objet d’une plaidoirie.
« La plaidoirie est la trace de l’étrave d’un bateau dans la mer » Jean-Claude Varin
Discussions en cours :
En l’occurence, il aurait été utile, voir honnête de votre part, de renvoyer ou même de mentionner que votre article est un condensé d’un colloque, "La Plaidoirie pour quoi faire ?", organisé à Paris I vendredi dernier.
Un arrêt rectificatif suite à consultation d’un notaire exclu 10 ans plus tôt aucun nommé pour une vérification de part réservataire est-il légal ? l’avocat à l’origine devant plaider le premier arrivant en retard est-ce normal sachant que toutes les preuves n’avaient pas été produites et que celles remises avaient été refusées ainsi que des jurisprudences ? Est-il normal qu’il y ait eu refus de significations ou prétendue ignorance, par l’auteur à l’origine de l’arrêt rectificatif, de la signification sachant qu’il a été remis 18 mois après la date avec la grosse au justiciable, personne n’ayant jugé bon de le signifier. Où est le courage de certains représentants de divers auxiliaires de justice qui se refilent la patate chaude sans assumer leurs responsabilités ? (interventions supérieures entre 2002 t 2012). Où est le contradictoire quand les plaidoiries sont inversées ?
Bonjour,
Ce sujet est rarement traité. Votre article est de grande qualité et très utile pour nourrir une réflexion sur l’état des lieux et le devenir des plaidoiries devant le juge.
Merci pour cette contribution.
ICARD
Avocat
www.jurisconsulte.net