Les cryptomonnaies, en raison de leur nature décentralisée et de l’utilisation de la technologie blockchain, ont généré une nouvelle classe d’actifs financiers nécessitant une régulation spécifique.
Les grandes places financières des crypto-monnaies se distinguent par leurs environnements juridiques uniques et souvent contrastés.
Ces environnements sont marqués par des défis liés à la régulation, à la fiscalité, à la sécurité des transactions et à la protection des investisseurs.
1. Les grandes places financières crypto et leurs cadres juridiques.
1.1. Les États-Unis : entre ambiguïtés et règlementations strictes.
Aux États-Unis, le marché des cryptomonnaies est confronté à une réglementation fragmentée.
Le pays est dominé par des institutions réglementaires telles que la Securities and Exchange Commission (SEC), la Commodity Futures Trading Commission (CFTC), et le Financial Crimes Enforcement Network (FinCEN).
La SEC considère certaines cryptomonnaies comme des titres financiers (securities) en vertu de la Securities Act de 1933 et de la Securities Exchange Act de 1934.
Cela signifie que certaines offres de cryptomonnaies (Initial Coin Offerings - ICO) doivent se conformer aux règles de la SEC relatives à l’enregistrement des titres et à la divulgation d’informations financières, afin d’éviter des poursuites pour fraude ou pour violation des lois sur les valeurs mobilières.
Les entreprises de cryptomonnaies, doivent également se conformer à des exigences de lutte contre le blanchiment d’argent (AML) et de connaissance du client (KYC), en vertu des lois fédérales, notamment le Bank Secrecy Act (BSA).
Cependant, il existe une incertitude juridique croissante quant à la classification des cryptomonnaies.
En effet, la SEC et la CFTC n’ont pas toujours été claires sur la distinction entre cryptomonnaies, qui sont des commodities (marchandises), et celles qui sont des titres financiers.
1.2. L’Union européenne : MiCA et harmonisation des régulations.
L’Union européenne (UE) s’efforce de créer un cadre juridique harmonisé pour les cryptomonnaies avec le Règlement européen MiCA entre totalement en vigueur le 31 décembre 2024.
MiCA vise à fournir une définition claire des cryptomonnaies et à établir des règles uniformes pour leur émission, leur négociation et leur gestion.
Le règlement aborde la question de la protection des investisseurs en imposant des obligations d’information aux émetteurs de crypto-monnaies notamment des exigences de transparence sur les risques et sur les caractéristiques des actifs proposés.
MiCA prévoit également un cadre pour les stablecoins, en les soumettant à des exigences spécifiques en matière de réserves et de régulation.
Par ailleurs, la régulation des actifs numériques (cryptomonnaies) au sein de l’UE repose aussi sur des normes strictes de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme (AML/CFT), en cohérence avec les directives européennes, telles que la Directive 2015/849/UE
En parallèle, les pays européens comme la France ont instauré des régulations locales spécifiques.
En 2019, la Loi Pacte (Plan d’Action pour la Croissance et la Transformation des Entreprises) a créé un cadre juridique pour les plateformes de cryptomonnaies, en introduisant le statut de prestataire de services sur actifs numériques (PSAN).
Les PSAN doivent être enregistrés auprès de l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) et se conformer à des obligations strictes en matière de KYC et d’AML.
1.3. La Suisse : un environnement crypto-clé sous la supervision de la FINMA.
La Suisse, bien que n’étant pas membre de l’Union européenne, a mis en place un cadre juridique favorable aux cryptomonnaies, soutenant son statut de paradis fiscal et technologique pour ce type d’actifs.
La Financial Market Supervisory Authority (FINMA) est l’autorité de régulation chargée des crypto-monnaies en Suisse.
La FINMA a défini plusieurs catégories d’actifs numériques, telles que les tokens de paiement, les tokens d’utilité et les tokens de valeur, afin d’appliquer des régulations appropriées à chaque type d’actif.
Les entreprises basées en Suisse peuvent opérer dans un environnement juridique relativement stable, mais elles sont tout de même soumises aux lois suisses sur la lutte contre le blanchiment d’argent (LBA) et doivent respecter les règles relatives à l’identification des clients (KYC).
De plus, la Suisse est un pays signataire de la Convention de Paris sur l’AML/CFT ce qui signifie qu’elle applique des standards internationaux pour la régulation des cryptomonnaies.
1.4. Singapour : une approche proactive avec la MAS.
Singapour, par l’intermédiaire de la Monetary Authority of Singapore (MAS), adopte une position proactive et progressive en matière de régulation des cryptomonnaies.
En 2020, le pays a mis en place la Payment Services Act (PSA), qui réglemente les activités liées aux paiements numériques, y compris les plateformes de trading de cryptomonnaies.
Selon la PSA, les entreprises de cryptomonnaies doivent être enregistrées et obtenir une licence en fonction des services qu’elles offrent, que ce soit pour le stockage, la gestion ou la conversion de crypto-monnaies.
La MAS impose également des obligations de KYC/AML strictes et fait la promotion de la fintech tout en garantissant un niveau élevé de sécurité pour les consommateurs et les investisseurs.
Singapour est reconnu pour son cadre juridique qui soutient l’innovation tout en veillant à la protection des parties prenantes.
2. Les enjeux juridiques liés aux cryptomonnaies.
2.1. L’incertaine classification des cryptomonnaies : titres ou commodités ?
La principale question juridique qui divise les régulateurs mondiaux est celle de la classification des cryptomonnaies.
Aux États-Unis, par exemple, la SEC considère certains tokens comme des titres financiers, tandis que la CFTC les traite parfois comme des commodités (commodities).
Ce manque de clarté juridique crée des incertitudes pour les acteurs du marché.
Le cas de Ripple (XRP) illustre bien cette question : la SEC a poursuivi Ripple, estimant que la vente de XRP constituait une offre non enregistrée de titres, ce qui soulève des questions sur la nature juridique exacte de ces actifs numériques.
2.2. La protection des investisseurs : un enjeu crucial.
Un autre défi majeur est la protection des investisseurs.
Les plateformes de trading sont tenues de respecter des normes de sécurité et de transparence afin d’éviter des pertes dues à des piratages, des fraudes ou des manipulations de marché.
La régulation impose souvent des obligations de révélation des risques ainsi que des audits réguliers pour garantir la solvabilité des plateformes.
2.3. Les défis fiscaux : l’imposition des cryptomonnaies.
Sur le plan fiscal, la classification des cryptomonnaies a également des implications majeures.
Dans la plupart des juridictions, les cryptomonnaies sont traitées comme des actifs (ou biens), et les gains en capital sur la vente de crypto-monnaies sont soumis à l’impôt.
Par exemple, en France, les plus-values sur les cryptomonnaies sont imposées comme des revenus mobiliers, tandis qu’en Allemagne, les cryptomonnaies sont exonérées d’impôts si elles sont détenues pendant plus d’un an.