Le Droit des transports de marchandises se définit comme l’ensemble des règles qui régissent le déplacement d’une marchandise d’un port à un autre port par la voie de la mer.
C’est une branche spéciale du Droit maritime, lequel est défini par le Doyen René RODIERE comme l’ensemble des règles juridiques relatives à la navigation qui se fait sur la mer.
Comme on peut l’imaginer, le Droit maritime est multisectoriel, et se veut comme le cadre général de diverses règles, tant publiques que privées applicables à l’usage de la voie maritime.
Par exemple, il est fait application des règles publiques au Droit de la mer tandis que les transports de marchandises sont assujettis aux règles privées et la navigation est soumise à la fois aux règles publiques et privées .
Le Droit maritime et particulièrement le Droit des transports de marchandises sont bâtis autour de la notion du risque de mer compte tenu des aléas atmosphériques naturels de la mer qui contrastent avec l’importance des enjeux financiers que recouvre une expédition de marchandises ou la cargaison d’un navire.
Ce risque, qui devrait normalement entraîner un élan de solidarité entre les différents acteurs du commerce maritime, en cas de dommages subis par la marchandise, est au contraire à l’origine de la pléthore du contentieux maritime.
Le destinataire est toujours emprunt à saisir les tribunaux pour obtenir réparation du préjudice qui résulte des dommages causés à sa marchandise, tandis que les intervenants au transport recherchent systématiquement à se prémunir contre la mise en œuvre de leur responsabilité et à rejeter la faute sur l’autre.
La surabondance du contentieux maritime est de nature à mettre à rude épreuve les Tribunaux, qui doivent apprécier la responsabilité des intervenants en s’efforçant de rechercher la faute par eux commise, la faute restant le fondement de la responsabilité .
Si en France, la période de balbutiement des tribunaux est aujourd’hui révolue grâce d’une part à la loi n°66-420 du 18 juin 1966 sur les contrats d’affrètement et de transports maritimes qui, s’est efforcée de définir les fautes susceptibles d’être commises par les principaux intervenants au transport maritime, et d’autre part à la Cour de cassation qui a dû user de son imperium pour imposer une position cohérente aux juridictions inférieures sur la question de la faute en Droit des transports maritimes, tel n’est pas le cas en Côte d’Ivoire.
Notre système juridique qui s’est voulu comme l’héritier du Droit français, dès le début de l’indépendance, n’est malheureusement pas allé au même rythme que le Droit français.
Le Droit ivoirien des transports maritimes reste régi par la convention de Bruxelles du 25 août 1924 relative à l’unification de certaines règles en matière de connaissement et par la loi coloniale du 02 avril 1936 relative au transport de marchandises par la mer.
Or c’est sous l’empire de ces lois que le Droit français a connu sa période d’errements.
Ces lois qui se limitent à régir les relations entre le chargeur, le transporteur maritime et à un moindre niveau le destinataire, sont aujourd’hui dépassées par l’évolution des techniques de transports maritimes.
De nouveaux acteurs interviennent aujourd’hui dans le circuit de l’expédition d’une marchandise par voie de mer, il s’agit notamment du commissionnaire de transport, du transitaire, du consignataire de navire, du consignataire de cargaison et de l’acconier manutentionnaire.
Devant la pauvreté des textes régissant le Droit ivoirien des transports maritimes, les Tribunaux ivoiriens, comme on ne peut s’en douter, ont depuis l’indépendance développé des positions très approximatives sur la question de la faute en Droit des Transports maritimes.
Ces positions constituent une véritable insécurité juridique pour les opérateurs économiques qui ont privilégié le commerce maritime depuis la libération du secteur maritime par décret n°96-212 du 09 mars 1996.
Il est donc impérieux, pour des raisons tant intellectuelles qu’économiques, d’essayer de corriger les incohérences de nos tribunaux en jetant un regard critique sur leur conception de la faute en Droit des transports maritimes.
Mais il convient au préalable d’appréhender la notion de la faute.
I/ NOTION DE LA FAUTE
La faute est en droit positif, la première condition de la responsabilité civile , elle est le fondement de toute réparation d’un dommage quelconque commis par l’auteur de cette faute.
La faute se définit donc comme un manquement à un ordre juridique établi , une violation d’une obligation préexistante.
La faute a deux sources principales, soit elle est définie par la loi, soit elle est prévue par un contrat.
Dans tous les cas, la faute peut être positive ou passive. Elle est positive lorsqu’elle consiste en une violation, tandis qu’elle est passive lorsqu’elle résulte d’une imprudence ou d’une négligence.
Cependant, la complexité de l’appréciation de la faute tire sa source même dans le fait que tant en droit commun qu’en droit maritime, la loi n’a pas donné de définition exacte de la faute.
En Droit commun, les articles 1382 et 1384 qui consacrent la responsabilité délictuelle, parlent de faits dommageables sans les définir, laissant ainsi le soin aux Juges du fond d’apprécier souverainement ces faits et d’en déduire la faute.
La faute contractuelle pose quant à elle moins de problème, celle-ci résultant de l’inexécution ou de l’exécution en retard de l’obligation préalablement définie par les parties dans leur accord de volonté.
En Droit des transports maritimes de marchandises, la convention de Bruxelles du 25 août 1924 qui est la loi spéciale en matière de transport de marchandises par mer, n’a non plus défini avec exactitude la faute susceptible d’être commise par les intervenants.
Par ailleurs, comme sus ci-dessus indiqué , la convention de Bruxelles n’a légiféré que sur les relations entre chargeur, transporteur et destinataire.
Par conséquent, cette convention ne permet pas de cerner l’ensemble des fautes susceptibles d’être commises dans le cadre d’un transport de marchandises par mer dans lequel interviennent d’autres acteurs . Cela est de nature à rendre plus complexe la tâche des Tribunaux ivoiriens quant à l’appréciation de la faute.
En ce qui concerne le transporteur maritime, la Convention de Bruxelles en son article 3 dispose que celui-ci sera tenu avant et au début du voyage d’exercer une diligence raisonnable pour mettre le navire en état de navigabilité, convenablement armer, équiper et approvisionner le navire. En outre, le transporteur procédera de façon appropriée et soigneuse au chargement, à la manutention, à l’arrimage, au transport, à la garde aux soins et au déchargement des marchandises transportées.
L’on serait tenté, au regard de ces dispositions d’affirmer que la faute du transporteur résultera du manquement aux obligations sus décrites, auquel cas, la responsabilité du transporteur maritime sera retenue à la condition de faire la preuve positive de sa faute.
Mais une telle appréciation serait une erreur puisque l’article 2 de ladite convention présume la responsabilité du transporteur qui ne peut s’exonérer qu’en établissant un cas d’exonération ou une présomption de livraison conforme .
Comme on le voit, la mise en œuvre de la responsabilité du transporteur maritime n’est assujettie ni à une faute ni même à une présomption de faute.
On comprend alors pourquoi très peu de doctrinaires en Droit maritime se soient consacrés à démontrer la faute du transporteur maritime, la Convention de Bruxelles ne leur offrant pas une telle opportunité.
La Convention de Bruxelles consacre en effet, plutôt une responsabilité découlant de la violation d’une obligation de prudence et de diligence .
En termes clairs, la responsabilité du transporteur maritime est engagée toutes les fois que la marchandise n’est pas livrée à destination dans l’état tel que décrit au connaissement à moins de démontrer le contraire ou de faire la preuve d’un cas excepté.
En effet, l’émission d’un tel connaissement valant, aux termes de l’article 3-4 de la Convention de Bruxelles présomption, sauf preuve contraire, de la réception par le transporteur des marchandises telles qu’elles y sont décrites.
En matière de transport maritime, l’émission d’un connaissement atteste de la prise en charge effective de la marchandise, notamment au travers des mentions telles que « on board » ou « board receipt » ou encore « carrier receipt », et déclenche le mécanisme de la présomption de responsabilité du transporteur maritime.
Si la marchandise transportée subit à destination, une perte totale ou partielle, la responsabilité du transporteur sera justifiée par une faute d’imprudence ou de négligence qu’il aurait commise.
II/ L’APPRECIATION PAR LES TRIBUNAUX IVOIRIENS DE LA FAUTE EN DROIT IVOIRIEN DES TRANSPORTS MARITIMES DE MARCHANDISES
L’appréciation diffère selon les intervenants.
Deux intervenants nous intéresseront dans la présente étude ; il s’agit du transporteur maritime et de l’acconier manutentionnaire qui sont quasiment les acteurs de tous les contentieux en droit ivoirien des transports maritimes de marchandises.
A/ L’APPRECIATION DE LA FAUTE COMMISE PAR LE TRANSPORTEUR MARITIME
Si les tribunaux ivoiriens, n’ont pas de difficultés particulières quant à l’appréciation de la faute du transporteur maritime en cas d’embarquement effectif de la marchandise, tel n’est pas le cas lorsque la marchandise est restée à quai sans être embarquée.
En effet, dans deux espèces similaires concernant le même navire, où les cargaisons étaient restées à quai, le Tribunal de Première Instance d’Abidjan Plateau, avait jugé que le transporteur maritime n’avait pas commis de faute.
Dans le premier cas, où il n’y n’avait pas eu d’émission de connaissement, le Tribunal a jugé que « … non seulement la marchandise litigieuse n’a jamais été embarquée sur le navire « Rose Mary » mais aucun connaissement n’a été émis de sorte qu’il n’y a jamais eu de contrat de transport »
Dans le second cas, le Tribunal a jugé que « … la Société DELMAS n’est jamais entrée matériellement en possession de la marchandise litigieuse ; elle n’a pu exécuter le contrat de transport qu’elle a conclu avec la Société SOFEL-CI à cause d’un facteur indépendant de sa volonté, que n’ayant pu commettre de faute, sa responsabilité ne peut être retenue pour une réparation »
Cette décision a été confirmée en toutes ses dispositions par un arrêt de la Cour d’Appel d’Abidjan en date du 27 avril 2007.
On constate que dans les deux cas, le Tribunal a jugé que le transporteur n’a pas commis de faute au motif que la marchandise n’a pas été embarquée.
Cette analyse du Tribunal se fonde certainement sur les dispositions de l’article 1er e) de la Convention de Bruxelles qui définit le transport de marchandises comme « …le temps écoulé depuis le chargement des marchandises à bord du navire jusqu’à leur déchargement du navire ». Cette disposition consacre d’ailleurs le sectionnement du transport maritime en trois périodes, ante palan-maritime-post palan.
Du coup, pour les tribunaux ivoiriens, le transporteur ne commet aucune faute toutes les fois que la marchandise reste à quai puisque le contrat de transport n’a pu s’exécuter.
Mais une telle interprétation est erronée ainsi qu’il sera démontré ci-après.
La première des questions que les juges doivent se poser est celle de savoir si un contrat de transport a pu se former entre le chargeur et le transporteur, auquel cas le transporteur engage sa responsabilité même si la marchandise n’a pas pu être embarquée puisqu’il se serait engagé à exécuter son obligation de transporter la marchandise au lieu de destination.
Or aux termes de l’article 1er b) de la Convention de Bruxelles, « le contrat de transport s’applique uniquement au contrat constaté par un connaissement ou par tout document similaire »
Le transporteur maritime engage de facto sa responsabilité toutes les fois qu’il émettra un connaissement constatant la conclusion d’un contrat de transport.
Dans le second cas d’espèce, le Juge aurait dû donc retenir la faute du transporteur qui a émis un connaissement formalisant tant la prise en charge de la marchandise que son obligation de transporter cette marchandise. Il s’agit là d’une simple application des règles de la responsabilité contractuelle, qui en ce qui concerne le transporteur maritime est présumée.
Sa responsabilité ne pouvait être exonérée que s’il parvenait à rapporter la preuve que l’inexécution de son obligation ne lui était pas imputable.
La seconde activité intellectuelle à laquelle devait se livrer le Juge ivoirien est celle d’analyser la situation matérielle des marchandises par rapport au schéma de transport maritime international.
En d’autres termes, le Tribunal en tant que Juge de fond, aurait dû vérifier si les marchandises avaient été mises à la disposition du transporteur aux fins de leur embarquement, c’est-à-dire si elles ont été mises le long du quai, au sous palan.
Dans une telle hypothèse, le transporteur engagerait sa responsabilité et ce, en application de l’article 3-2 de Convention de 1924 qui dispose que « le transporteur procédera de façon appropriée et soigneuse au chargement des marchandises »
Il s’infère de cette disposition qui complète en réalité l’article 1er de la même Convention sans lui être contraire, que la prise en charge de la marchandise commence depuis le sous palan et qu’il appartient alors au transporteur maritime de prendre les mesures nécessaires pour faire embarquer la marchandise, mise à sa disposition.
En dehors d’une telle analyse, on peut qu’aboutir à une véritable insécurité juridique aux conséquences économiques graves puisque le transporteur ne sentira plus obligé de faire embarquer les marchandises mises à sa disposition alors surtout que l’entreprise de manutention n’a aucun moyen de contraindre le bord à recevoir des marchandises qui ne sont pas prévues sur le planning d’embarquement.
Il existe par ailleurs en la matière des documents qui permettent d’attester de la prise en charge de la marchandise. Il s’agit du bulletin d’embarquement, de reçus d’embarquement tels que « carrier receipt » etc.
Or dans le second cas d’espèce, le transporteur maritime avait par l’intermédiaire de son agent consignataire, émis un bulletin d’embarquement.
Le Tribunal aurait donc dû, au regard de ce document attestant de la prise en charge de la marchandise, par sa remise au sous palan, retenir la faute du transporteur maritime qui a laissé la marchandise à quai.
Enfin, il est constant que les tribunaux ivoiriens font une confusion entre le contrat negotium et le contrat instrumentum.
Certes, la convention de Bruxelles de 1924 en son article 1-b) vise le contrat instrumentum en parlant de connaissement ou de tout document similaire, mais il ne demeure pas moins que le contrat de transport soit avant tout un contrat negotium, c’est-à-dire un accord partie de sorte qu’en l’absence d’émission de connaissement, les Juges de fond s’obligent à vérifier si des éléments de faits permettent de conclure à l’existence d’un contrat de transport.
Au nombre de ces éléments de faits, on peut citer la prise en charge de la marchandise par le transporteur qui marque son acceptation de transporter la marchandise au lieu souhaité par le chargeur.
Faute par les Tribunaux ivoiriens de se livrer aux analyses ci-dessus exposées, ils commettent irrémédiablement des erreurs dans l’appréciation de la faute du transporteur maritime.
B/ L’APPRECIATION DE LA FAUTE COMMISE PAR L’ACCONIER MANUTENTIONAIRE
L’acconier manutentionnaire est le second acteur important dans le contentieux maritime et même dans la chaine de transport maritime et pourtant aucun texte spécial n’existe dans l’ordonnancement juridique ivoirien pour lui assigner un statut juridique.
Le décret n°97-614 du 16 octobre 1997 relatif à l’exercice des professions de manutentionnaire portuaire et de consignataire maritime dans les Ports ivoiriens a eu seulement pour mérite de donner une définition à l’acconier manutentionnaire .
Le silence demeure donc en ce qui concerne sa responsabilité. Pour la déterminer l’on a recours aux règles de droit commun de la responsabilité.
La grande difficulté qui s’était toujours posée aux juges est celle de la qualification de la nature juridique de cette responsabilité, à savoir si elle est contractuelle ou délictuelle.
Cette difficulté trouve en réalité son origine dans le fait que cette responsabilité s’appréciait à l’égard du destinataire qui, dans la quasi-totalité des contentieux ivoiriens, est le seul à la mettre œuvre, soit en personne, soit par son ayant droit ou substitué que sont très souvent les assureurs facultés.
Jusqu’à l’intervention d’un arrêt de la Cour Suprême en date du 04 janvier 2001 , les Tribunaux ivoiriens qualifiait de contractuelle la responsabilité de l’acconier manutentionnaire en ce qui concerne les dommages résultant des opérations de déchargement et d’embarquement.
Les tribunaux ivoiriens avaient en fait, hérité cette position d’une vieille jurisprudence de la Cour de cassation française qui avait jugé que la livraison de la marchandise en lieu et place du transporteur maritime est une charge que l’acconier assume « comme cocontractant du destinataire par le truchement du capitaine auquel mandat avait été donné à cette fin par le chargeur »
Les tribunaux présumaient donc la responsabilité de l’acconier tant à l’égard des opérations matérielles de manutention que des opérations juridiques de reconnaissance et de garde de la marchandise débarquée.
Or cette position viole de manière flagrante les dispositions des articles 2 et 3.2ème de la convention de Bruxelles de 1924, les opérations d’embarquement et de débarquement des marchandises n’incombant pas à l’acconier manutentionnaire, celui-ci ne saurait commettre de faute contractuelle.
La Cour suprême a essayé de corriger cette position incohérente en jugeant, dans son arrêt en date du 04 janvier 2001, que la responsabilité de l’acconier manutentionnaire est délictuelle, ce qui suppose que la faute, le préjudice et le lien de causalité doivent être établis.
Mais au lieu de tirer cette conséquence logique, la Cour de Suprême a vite fait de tomber dans les habitudes des juridictions ivoiriennes en retenant certes la responsabilité délictuelle de l’acconier, mais sous le fondement que ce dernier ne fait pas la preuve de réserve émis au moment de la réception de la marchandise des mains du bord.
Que ce faisant la Cour Suprême a présumé la responsabilité de l’acconier manutentionnaire sans prendre au préalable le soin de définir l’étendue de son obligation, à savoir si c’est une obligation de moyens ou de résultat.
Or aujourd’hui, il est acquis et conforté en cela par la définition de l’acconier manutentionnaire donnée par le décret n°97-614 du 16 octobre 1997 que celui accomplit à la fois des opérations matérielles et des opérations juridiques.
Pour les opérations matérielles de pure manutention, à savoir les opérations d’embarquement, de débarquement et de mise et de reprise sous hangar ou terre-plein, l’acconier manutentionnaire est tenu à une obligation de moyens, son obligation consistant à faire le nécessaire pour exécuter sa mission en utilisant du matériel approprié.
Pour l’exécution de ces opérations matérielles, l’acconier manutentionnaire est tenu d’apporter aux marchandises les soins d’un bon père de famille.
Toutefois, pour la jurisprudence ivoirienne confirmée par l’arrêt de la Cour Suprême précité, l’acconier manutentionnaire serait tenu à une obligation de résultat.
« Cette analyse de l’obligation de l’entrepreneur en obligation de résultat semble trop générale pour s’appliquer à l’acconier, entrepreneur de manutention » déclarait à juste titre le Professeur Jérôme COULIBALY .
Par contre, pour les opérations juridiques de reconnaissance sur terre-plein, de garde et de conservation, l’acconier manutentionnaire accomplit une obligation de résultat, étant tenu de restituer la marchandise dans l’état qu’il a reçue. Dans ce cas, il lui appartient de rapporter la preuve contraire au travers d’un état de réserve ou de tout document ayant un caractère contradictoire.
Malheureusement, les tribunaux ivoiriens ne font pas ce distinguo, la faute de l’acconier est appréciée globalement nonobstant la tâche qu’il accomplit. Cette faute est tout simplement présumée et alignée sur le régime de la responsabilité du transporteur maritime.
Mais c’est une erreur que commettent les tribunaux ivoiriens et la rectification de cette erreur serait salutaire pour la sécurité juridique et même économique des affaires maritimes.
S’il est vrai qu’en droit, chaque ordre judiciaire est autonome voir souverain, il serait cependant intéressant que les tribunaux ivoiriens épousent la position plus juste de leurs collègues français dans la mesure où les activités de manutention en France sont les mêmes que celles exécutées dans les ports ivoiriens.
Il n’y a donc pas de raison que la responsabilité des acconiers ivoiriens soit plus lourde que celle des autres acconiers, en ce qui concerne bien entendu les opérations matérielles.
CONCLUSION
La faute en droit de transports de marchandises par voie de la mer constitue une problématique pour les tribunaux ivoiriens qui ont très souvent une appréciation erronée d’elle.
Les cas d’erreur rapportés dans la présente étude ne sont pas exhaustifs, nous n’avons relevé que ceux qui nous ont marqué et pour lesquels, nous pensons que des corrections sont urgentes pour la sécurité juridique des activités portuaires et maritimes.
Il convient cependant de noter à la décharge de nos magistrats, le fait que le droit des transports maritimes ne soit pas vulgarisé en Côte d’Ivoire. Ceux-ci ne bénéficient dans le cadre de leur formation tant universitaire que professionnelle, de quelques notions en cette matière qu’en année de maîtrise, s’ils optent pour la carrière d’entreprise, encore que cette matière soit également une option.
Dans ces conditions, on ne peut s’attendre qu’à des erreurs d’appréciation, alors surtout que le droit ivoirien des transports de marchandises par voie de la mer reste régi par la seule convention de Bruxelles du 25 Août 1924 sur l’unification de certaines règles en matière de connaissement qui, pour mémoire, ne règlemente que les relations entre le chargeur et le transporteur maritime occultant les autres intervenants.
Nous espérons pour notre, que notre regard critique sur l’appréciation par les tribunaux ivoiriens de la faute en droit des transports de marchandises par voie de la mer, contribuera à une amélioration de notre justice, en attendant que le projet du code maritime ivoirien, qui devrait mieux clarifier les statuts juridiques des différents intervenants au transport de marchandises par voie de la mer soit adopté et promulgué.
Monsieur BILE Abia Vincent
DEA en Droit Privé
Doctorant en Droit Maritime