Expertise médicale : la production de pièces en langue étrangère devant le juge est admise.

Par Charles Joseph-Oudin, Avocat et Thibault Hermesse, Juriste.

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Explorer : # liberté de la preuve # traduction # droit de la santé # expertise médicale

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L'ordonnance de Villers-Cotterêts impose l'utilisation du français pour les actes de justice. La Cour de cassation précise que seuls ces actes doivent être en français, permettant l'utilisation de documents étrangers comme preuves, ce qui favorise l'accès à la justice et réduit les frais de traduction pour les victimes.
Description rédigée par l'IA du Village

Les pièces médicales ou scientifiques, versées par la demanderesse, ne doivent pas être écartées des débats au seul motif qu’elles seraient rédigées en langue étrangère.
Réflexions sur un arrêt de la Cour de cassation du 27 novembre 2024 (pourvoi n°23-10.433).

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L’ordonnance de Villers-Cotterêts du 25 août 1539 éditée par François 1ᵉʳ, avait pour vocation de rendre l’administration accessible à tous notamment en imposant, en lieu et place du latin, la langue française pour « les actes et exploits de justice » (Article 111 de l’ordonnance du 25 août 1539 sur le fait de la justice dite ordonnance de Villers-Cotterêts).

Par un arrêt rendu le 27 novembre 2024 (n°23-10.433), la Cour de Cassation rappelle sa position en rappelant que « l’ordonnance de Villers-Cotterêts ne concerne que les actes de procédure et le juge, sans violer l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, est fondé, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation, à retenir comme élément de preuve un document écrit dans une langue étrangère lorsqu’il en comprend le sens ».

À travers ce pourvoi, relatif à une demande de nullité pour dol de la cession d’actions d’une société, les demandeurs soutenaient que « la seule langue de procédure admise devant les juridictions françaises étant la langue française, le juge ne peut fonder sa décision sur des actes rédigés en langue étrangère ; qu’en l’espèce, pour écarter le dol commis par M. et Mme [A] dans le cadre de la cession des parts de M. et Mme [N], la cour d’appel a notamment fondé sa décision sur un mail de M. [F] adressé à la société Pole position assurances du 6 juin 2017 et sur un mail de M. [F] à M. [A] du 27 avril 2014, rédigés en anglais, non accompagnés d’une traduction française, violant ainsi l’article 111 de l’ordonnance de Villers-Cotterêts du 25 août 1539 et l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ».

La Cour de cassation réitère sa position en confirmant que l’ordonnance de Villers-Cotterêts du 25 août 1539 doit être interprétée en ce que :

  • seuls les actes de procédure doivent être rédigés en français ;
  • tout document rédigé dans une langue étrangère peut être retenu comme élément de preuve lorsque le juge peut en comprendre le sens.

Déjà le 22 septembre 2016 (n°15-21176) la Cour de Cassation jugeait au sujet d’un certificat de marquage CE d’un dispositif médical rédigé en anglais, que « l’ordonnance de Villers-Cotterêts ne concerne que les actes de procédures et qu’il appartient au juge du fond, dans l’exercice de son pouvoir souverain, d’apprécier la force probante des éléments qui lui sont soumis ».

Les juridictions du fond n’hésitent pas à suivre cette position, voir par exemple une ordonnance du 5 mai 2017 (17/00144) dans laquelle le tribunal de grande instance de Bobigny jugeait que « l’ordonnance de Villers-Cotterêts du 25 aout 1539, qui prévoit le recours à la langue française, ne concerne que les actes de procédure (en ce sens, Civ. 1ére, 22 septembre 2016, n°15-21176) ». Ainsi, les pièces médicales ou scientifiques, versées par la demanderesse, ne doivent pas être écartées des débats au motif qu’elles seraient rédigées en langue étrangère (en l’espèce, documents rédigés en anglais et en portugais).

Ce rappel par la Cour de cassation est heureux et présente de nombreux avantages pour les particuliers, notamment dans le domaine du droit de la santé.

La possibilité pour les victimes de produire des pièces en langue étrangère présente plusieurs avantages puisqu’elle conforte la liberté de la preuve, mais exonère surtout ces dernières de subir des frais considérables en traduction officielle (en effet, les prix des traductions sont calculés en fonction du nombre de mots, mais prennent également en compte la langue à traduire ainsi que la technicité du document). Cette position prend donc tout son sens dans les contentieux relevant du droit de la santé.

La constance de cette décision permet ainsi de clore une question récurrente dans les dossiers de santé publique, notamment le contentieux du Médiator, de la Dépakine ou Androcur, pour lesquels les études médicales, mais encore la pharmacovigilance, sont rédigées principalement en anglais.

Cette décision permet aux victimes d’apporter, sans frais, des éléments complémentaires à leurs dossiers : en effet, il est usuel lors des expertises médicales de produire des documents rédigés en anglais, ou tout du moins en langue étrangère aisément compréhensible par les experts et les juridictions.

Ainsi, la production de pièces étrangères aux débats, telles qu’une notice, une publication scientifique médicale, un marquage CE de dispositif médical ou encore un mail est possible pour les parties.

Charles Joseph-Oudin (Avocat Associé, Barreau de Paris) et Thibault Hermesse, Juriste, Cabinet Dante
www.dante-avocats.fr
cjo chez dante-avocats.fr

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