Cette pratique est aussi connue sous l’anglicisme de « sharenting ». La CNIL a d’ailleurs déjà alerté [1] sur cette problématique et ses dangers.
Selon les parlementaires et l’exécutif [2], un enfant apparaît en moyenne « sur 1 300 photographies publiées en ligne avant l’âge de 13 ans » [3].
Au-delà des « contenus sexualisés », a aussi été évoqué le cas des images « susceptibles de porter préjudice à l’enfant à long terme », parfois à l’origine de cyberharcèlement.
Mais surtout, 50% des contenus pédopornographiques échangés en ligne proviennent de photographies publiées par les parents eux-mêmes sur les réseaux sociaux [4].
La responsabilité des parents dans le droit à l’image des enfants.
Face à ces constats alarmants pour la protection de l’enfance, il est apparu indispensable de responsabiliser les parents. En effet, force est de constater qu’il appartient d’abord aux parents de veiller au droit à la vie privée de leur enfant tel qu’énoncé par le Code civil. [5] Mais pour cela, encore faut-il que les parents ne soient pas à l’origine de cette atteinte.
Plus précisément :
- L’intégration du devoir de protection de la vie privée de l’enfant dans l’exercice de l’autorité parentale : désormais, dans l’exercice de l’autorité parentale, les parents auront expressément l’obligation de veiller au respect de la vie privée de leur enfant, et notamment à son droit à l’image
- L’interdiction de diffusion d’images sans consentement : le juge aux affaires familiales pourra interdire à un parent de publier ou diffuser toute image de son enfant sans l’accord de l’autre parent
- Protection collective du droit à l’image : les parents sont conjointement responsables de la protection du droit à l’image de leur enfant mineur. Ils pourront également associer l’enfant à l’exercice de ce droit, en tenant compte de son âge et de sa maturité [6]
- Délégation du droit à l’image par le juge : en cas de diffusion d’une image de l’enfant portant gravement atteinte à sa dignité ou son intégrité morale, le juge pourra être saisi par un membre de la famille ou par l’aide sociale à l’enfance pour se voir déléguer l’exercice du droit à l’image
- La responsabilité pénale des parents en cas d’atteinte à la vie privée de leurs enfants : si les parents manquent à leur devoir de protection de l’image de leurs enfants, ils pourraient voir leur responsabilité pénale engagée. En effet, la proposition de loi associe l’obligation de veiller au respect de la vie privée de l’enfant [7], au délit d’atteinte à la vie privée constitué par le fait de « fixer, enregistrer ou transmettre, sans le consentement de celle-ci, l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privée » [8]
- Mesures de sauvegarde des droits de l’enfant : la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) peut saisir le juge des référés pour demander des mesures de sauvegarde des droits de l’enfant en cas d’inexécution ou d’absence de réponse à une demande d’effacement de données personnelles [9].
Le droit à l’image des enfants au cœur des préoccupations de la CNIL.
L’image en tant que telle ne constitue pas une donnée sensible au sens des dispositions du RGPD [10].
Cependant, la CNIL, consciente que l’usage frauduleux et détourné d’images de jeunes enfants peut les exposer à des dangers importants, a publié des recommandations qui soulignent qu’une attention particulière doit être portée aux personnes vulnérables que sont les mineurs.
La CNIL a été régulièrement saisie de plaintes adressées par des enfants souhaitant être accompagnés pour supprimer des comptes des réseaux sociaux, des photographies, des vidéos ou encore des enregistrements vocaux diffusés par leurs parents.
En pratique, il est apparu presque impossible pour ces enfants d’exprimer leur consentement à la diffusion de leur image sur les réseaux sociaux, surtout lorsque cette diffusion provenait de leurs parents.
La CNIL recommande également aux parents de redoubler de vigilance quant à l’utilisation des réseaux sociaux par leurs enfants, en particulier lorsque ces derniers n’ont pas encore atteint la majorité numérique.
Dans cette perspective, le législateur, comme la CNIL, se sont appuyés sur l’article 9 du Code Civil, en estimant que cette disposition, qui assure le respect de la vie privée, doit impérativement s’étendre aux enfants mineurs.
Nous ne pouvons que nous réjouir que le sujet de la protection en ligne des enfants soit saisi par nos autorités. Les problématiques intrafamiliales sont toujours très complexes à régler. Espérons que ces outils permettront d’améliorer la situation actuelle et de prévenir d’éventuelles dérives en sensibilisant parents comme enfants.
Dans cette optique, la proposition de loi fait état de plusieurs aménagements qui apparaissent désormais nécessaires pour assurer la protection de la vie privée des enfants sur la toile.