Les fins de non-recevoir peuvent véritablement être invoquées en tout état de cause !

Par Julie Gourion-Richard, Avocat.

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Explorer : # fins de non-recevoir # code de procédure civile # irrecevabilité

Le Code de procédure civile prévoit, en son Livre I (Dispositions communes à toutes les juridictions), Titre V (Les moyens de défense), trois catégories de moyens mis à la disposition du défendeur (ou intimé en cause d’appel) :

-
  • Chapitre I : les défenses au fond (articles 71 et 72),
  • Chapitre II : les exceptions de procédure (articles 73 à 121),
  • Chapitre III : les fins de non-recevoir (articles 122 à 126).

En parcourant le dernier Bulletin d’information de la Cour de cassation (n°797 en date du 1er Mars 2014), j’ai relevé un arrêt me semblant intéressant, non par son côté novateur, mais par l’usage que nous pouvons en avoir, en pratique, dans nos dossiers.

Cette décision a été rendue par la 2ème Chambre civile de la Cour de cassation, le 14 Novembre 2013, en matière de fins de non-recevoir (12-25835, publié au bulletin de la Cour de cassation n°448).

Ainsi que vous le savez, il ressort des dispositions de l’article 122 du Code de procédure civile qu’une fin de non recevoir se définit comme « un moyen de défense tendant à faire déclarer son adversaire, irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ».

Selon l’article 123 du même Code :

« Les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt ».

En l’espèce, un Tribunal de grande instance a fixé le loyer annuel dû par une Société A à une Société F à raison de l’occupation de locaux dans un centre commercial.

La Société A a interjeté appel de cette décision en soulevant notamment l’irrecevabilité de la demande adverse en fixation de loyer de la Société F pour défaut de qualité de locataire.

Par un arrêt rendu le 10 Juillet 2012, la Cour d’appel de Poitiers estime que :

  • la Société A n’a pas contesté sa qualité à réception du congé,
  • dans le cadre de la saisine du Juge des loyers commerciaux, la Société A a adressé des dires à l’Expert et notifié un mémoire en réponse, avant de conclure à la nullité du rapport d’expertise,
  • ayant interjeté appel, elle a d’abord signifié des conclusions contestant le principe du déplafonnement du loyer admis par le premier Juge et enfin exercé son droit d’option, réservé au locataire, prévu par l’article L. 145-57 du Code de commerce.

Elle en déduit que la Société A, ne pouvait, sans se contredire au détriment d’autrui, se prévaloir, pour la première fois, de son défaut de qualité, ce qui n’était pas dénué de bon sens.

Elle déclare donc la Société A irrecevable en sa fin de non-recevoir tirée de son défaut de qualité et la condamne en conséquence au paiement d’une indemnité d’occupation au profit de la Société F.

La Société A forme un pourvoi en cassation.

La Haute juridiction casse cet arrêt en toutes ses dispositions, pour violation de l’article 123 du Code de procédure civile, rappelant un principe fondamental en matière de fins de non-recevoir, à savoir qu’elles « peuvent être opposées en tout état de cause, sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt », renvoyant la cause et les parties, dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt, devant la Cour d’appel d’Angers.

Il faut donc retenir une APPLICATION TRÈS STRICTE par la Cour de cassation du fait que les fins de non-recevoir puissent être VÉRITABLEMENT invoquées EN TOUT ÉTAT DE CAUSE (sauf bien sûr condamnation à d’éventuels dommages-intérêts en cas d’invocation tardive, mais ne bloquant pas pour autant le défendeur ou l’intimé dans sa démarche), malgré les éventuelles circonstances antérieures de l’affaire, ce qui me semble être positif pour la gestion de nos dossiers.

Cass. civ. 2ème, 14 Novembre 2013 (12-25835) publié au Bulletin d’information de la Cour de cassation n°797 en date du 1er Mars 2014.

Julie Gourion-Richard
Avocat au Barreau de Versailles
Spécialiste de la procédure d’appel
Email : cabinet chez jgl-avocat.fr
site internet : http://www.jgl-avocat.fr

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