Trois zones à distinguer.
Les règles régissant la distance des plantations par rapport aux limites de propriété figurent aux articles 671, 672 et 673 du Code civil.
L’article 671 interdit de planter des arbres, arbrisseaux et arbustes à moins de deux mètres de la limite de la propriété voisine s’ils dépassent deux mètres de haut, et à moins de cinquante centimètres pour les autres plantations, c’est-à-dire celles qui font moins de deux mètres de haut.
On peut donc distinguer trois zones :
- une première zone de la ligne séparative à 50 centimètres : les plantations y sont strictement interdites
- une deuxième zone des 50 centimètres à 2 mètres : les plantations doivent être inférieures à 2 mètres de hauteur
- une troisième zone au-delà des 2 mètres : les plantations peuvent pousser librement et dépasser 2 mètres, sous réserve de l’application des articles 1253 et 1240 du Code civil.
La distance se calcule depuis la ligne séparative des fonds jusqu’à l’axe médian du tronc, c’est-à-dire le centre de l’arbre et non son écorce extérieure [1]. Ainsi, la croissance du tronc, qui ne peut pas être déterminée lors de la plantation, n’affecte pas le calcul.
La hauteur imposée par l’article 671 doit être respectée en toute saison [2]. Les juges n’ont donc pas l’obligation de tenir compte de la période la plus propice à la taille lorsqu’ils rendent leur jugement.
Action en arrachage ou élagage.
Si les plantations ne respectent pas ces distances, l’article 672 permet au voisin de solliciter leur arrachage ou la réduction de leur hauteur pour qu’elle se conforme à l’article 671. Cela ne signifie pas que le demandeur à l’action dispose d’une option. En réalité, il ne peut pas demander l’arrachage en toutes hypothèses.
Si l’arbre est planté à moins de 50 centimètres de la ligne séparative, il peut en demander l’arrachage. Si l’arbre est planté à une distance comprise entre 50 centimètres et 2 mètres, il peut demander l’élagage pour qu’il soit maintenu à une hauteur ne dépassant pas 2 mètres, mais il ne peut pas exiger que l’arbre soit arraché.
Si l’arbre meurt ou vient à être coupé ou arraché, un nouvel arbre ne pourra être planté qu’en respectant la distance légale.
Quant à lui, l’article 673 du Code civil permet de contraindre le propriétaire des arbres à couper les branches qui dépassent chez son voisin, et ce quel que soit l’âge de l’arbre. Le voisin ne peut donc le faire lui-même. En revanche, il peut couper lui-même les racines, ronces ou brindilles qui avancent chez lui.
Selon ce même article, les fruits tombés naturellement de ces branches de son côté lui appartiennent. Aussi, si les branches du cerisier ou du figuier du voisin dépassent chez vous, réfléchissez-y à deux fois avant de lui demander de les couper, vous risqueriez d’être privé de dessert !
L’action en élagage est imprescriptible. Elle ne s’éteint pas par le non-usage, la jurisprudence considérant que le non-exercice de cette action constitue une simple tolérance. Autrement dit, l’empiètement végétal des branches d’un arbre n’est pas susceptible de dégénérer en servitude de surplomb par usucapion [3].
Le voisin peut exercer ces actions sans avoir à justifier d’un préjudice particulier [4]. Il lui suffit d’établir que les règles de distance et/ou de hauteur ne sont pas respectées. Cette preuve peut être rapportée par des photographies ou un constat d’huissier [5] voire par une expertise judiciaire [6]. En revanche, si la preuve que le tronc est planté à moins de deux mètres de la limite séparative n’est pas rapportée, la demande est vouée à l’échec [7].
Des dispositions supplétives.
Les règles posées aux articles 671, 672 et 673 du Code civil ne sont pas d’ordre public et l’article 671 réserve d’ailleurs l’existence de règlements particuliers ou d’usages constants et reconnus.
Par exemple, le cahier des charges d’un lotissement peut imposer le maintien et la protection des plantations quelle que soit leur distance par rapport à la limite séparative. C’est donc à bon droit qu’une demande d’élagage d’un pin parasol [8] ou d’enlèvement des haies de cyprès, mimosas et lauriers situées à moins de 0,50 mètre de la limite séparative [9] est rejetée.
Ces dispositions particulières peuvent également ressortir des documents d’urbanisme [10]. Ainsi le classement d’une parcelle en espace boisé classé est susceptible de faire obstacle à l’abattage, à la condition toutefois que les arbres visés se situent bien dans ladite zone. Il convient également de bien vérifier les dispositions du règlement du PLU : un PLU interdisant tout défrichement et soumettant les coupes et abattages d’arbres à déclaration préalable ne s’oppose pas nécessairement à l’abattage d’un seul arbre (CA Pau 1ère chambre 24.09.2024 n° 22/03483).
Moyens de défense du propriétaire des plantations.
Pour s’opposer à une demande fondée sur l’article 671 du Code civil, le propriétaire des plantations peut invoquer un titre, par exemple cahier des charges d’un lotissement ou convention, la destination du père de famille ou encore la prescription trentenaire.
La destination du père de famille concerne les situations où un fonds a été divisé sans égard aux distances de plantation des végétaux présents sur place.
La prescription trentenaire fait également obstacle à la demande d’arrachage ou de réduction de hauteur.
Pour définir le point de départ de la prescription il y a lieu de distinguer selon l’objet de la demande :
- si elle concerne la première zone, celle où toute plantation est illicite, la prescription de l’action commence à courir à compter de la plantation [11] en application de la règle classique en matière de prescription et rappelée à l’article 2227 du Code civil selon laquelle les actions se prescrivent à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
- si elle concerne la deuxième zone, ce délai ne court pas à compter de la plantation de l’arbre, mais à compter de la date à laquelle il a dépassé la hauteur maximum autorisée [12].
Le propriétaire des plantations ne dispose en revanche d’aucun moyen de défense face à une action en élagage.
Enfin, en tout état de cause, si les arbres sont devenus dangereux et causent un trouble anormal de voisinage, leur propriétaire ne pourra que difficilement opposer la prescription trentenaire ou tout autre moyen de défense et l’arrachage ou la réduction de hauteur pourront être ordonnés.
Quid des arbres plantés à plus de deux mètres de la limite séparative ?
Si la hauteur des végétaux situés à plus de deux mètres de la limite séparative n’est pas limitée, pour autant les inconvénients ou désordres qu’ils pourraient générer sont susceptibles de constituer des troubles anormaux de voisinage, notion aujourd’hui codifiée à l’article 1253 du Code civil, voire de justifier une application de la responsabilité délictuelle de l’article 1240 du Code civil en cas de faute (par exemple, en l’absence d’entretien des arbres de haute taille).
Gardons donc nos distances et prenons soin de nos arbres !
Discussion en cours :
Article présentant une synthèse claire et précise de la situation.
Cependant, il n’est pas envisagé l’application des obligations légales de débroussaillement, généralement prises par arrêté préfectoral. Ces arrêtés sont souvent intégrés au PLU. Il conviendrait également d’inclure dans l’exposé les incidences de la loi du 10 juillet 2023 n°2023-580 visant à renforcer a prévention et la lutte contre l’intensification et l’extension du risque incendie.
Ce préliminaire m’amène à rechercher la solution applicable en cas d’existence d’arbres ou de plantations (haies arbustives notamment) situés soit dans soit au-delà des limites séparatives, depuis au moins 30 ans et dépassant la hauteur de 2 m et qui, en application des dispositions relatives au débroussaillement, devraient être abattus, car se trouvant entre 3 et 50 m d’une construction implantée sur le terrain ou sur la parcelle voisine puisque généralement les arrêtés préfectoraux obligent à débroussailler sur la parcelle limitrophe afin de respecter les distance citées. En d’autres termes, la prescription trentenaire s’applique-t-elle toujours ou est-elle non applicable au regard du principe de prudence.