Le recours contre un permis de construire doit être adressé à l’établissement secondaire, seul titulaire de l’autorisation, et non à la maison-mère.

Par Cyrille Tchatat, Avocat.

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Explorer : # permis de construire # notification des recours # urbanisme

La notification du recours gracieux et du recours contentieux ne peut être regardée comme ayant été régulièrement accomplie dès lors qu’elle a été adressée au siège social de la société et non à l’établissement secondaire de cette société qui, seul, figurait dans la demande de permis de construire. (TA Châlons-en-Champagne 20 juin 2013 M. François Chaste et autres, req. n° 1200550).

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Ce jugement qui ne bouleverse pas l’ordonnancement juridique de l’article R 600-1 du Code de l’urbanisme, mérite cependant ce bref commentaire dès lors qu’à notre connaissance, il s’agit de la première décision rendue sur ce cas particulier.

La société Bouygues Immobilier région Est-Agence Lorraine Champagne s’est vue délivrer un permis de construire et de démolir.

Cette décision a fait l’objet d’un recours gracieux par un requérant qui a cependant cru devoir notifier celui-ci à la seule SA Bouygues immobilier sise au 3 boulevard Galliéni à Issy-les-Moulineaux.

Par conséquent, la société défenderesse a soutenu que le requérant n’avait pas respecté les dispositions de l’article R 600-1 du Code de l’urbanisme en notifiant son recours gracieux au siège social et non à l’établissement secondaire de la SA Bouygues immobilier qui, seul, était mentionné dans la demande de permis de construire et dans l’ensemble des documents joints à cette demande.

L’argumentation de la société défenderesse a été retenue par le Tribunal qui a jugé que :

«  Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que M. Chaste et autres ont adressé la notification de leurs recours gracieux, déposé auprès de la commune de Reims le 12 décembre 2011, à la SA Bouygues immobilier, au 3 boulevard Galliéni à Issy-les-Moulineaux ; qu’ils ont notifié de la même façon leur recours contentieux, enregistré le 26 mars 2012 ; que toutefois, le demandeur de l’autorisation contestée tel que figurant dans la demande de permis de construire et dans l’ensemble des documents joints à cette demande est la SA Bouygues immobilier région Est – Agence Lorraine Champagne, dont le siège est au 9 rue André Pingat à Reims ; que les requérants font valoir, en produisant notamment un extrait du Kbis de la société Bouygues immobilier, que la société domiciliée à Reims est un établissement secondaire du siège social de Issy-les-Moulineaux ; que, pour autant, conformément à l’objectif de sécurité juridique poursuivi par la loi, le bénéficiaire réel de l’autorisation doit être informé de l’existence d’un recours, notamment au regard du lien existant avec l’ouvrage autorisé ; qu’en l’espèce, compte tenu de l’autonomie juridique dont dispose l’agence Lorraine-Champagne, qui, comme il a été dit précédemment, a déposé en son nom la demande du permis de construire contesté, et de l’objet de l’autorisation délivrée, la notification prévue par l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme faite par les requérants au siège social de la SA Bouygues immobilier ne peut être regardée comme régulièrement réalisée, ni pour le recours gracieux, ni pour le recours contentieux ; que le recours gracieux formé le 12 décembre 2011 n’a pu conserver le délai de recours contentieux, et la requête déposée le 26 mars 2012 était ainsi tardive ; que par suite, la requête présentée par M. Chaste et autres est irrecevable » (TA Châlons-en-Champagne 20 juin 2013 M. François Chaste et autres, req. n° 1200550).

Cette solution ne souffre d’aucune critique.

En effet l’article R 600-1 du Code de l’urbanisme exige que l’auteur d’un recours contre une décision d’urbanisme notifie celui-ci au titulaire de l’autorisation, soit en principe celui qui s’apprête à faire les travaux et non pas le bénéficiaire final desdits travaux.

La jurisprudence sur la notification des recours est formaliste et même nominaliste, en jugeant notamment qu’elle est régulièrement accomplie lorsqu’elle est adressée au titulaire de l’autorisation tel qu’il est désigné par l’acte attaqué nonobstant la circonstance que l’autorisation a été transférée à un nouveau bénéficiaire antérieurement à cette notification (CE 23 avril 2003 Ass. Nos Villages, req. n° 251608 ; CE 2 octobre 2006 SA Marcellesi, req. n° 271327), alors même qu’en cas de transfert de permis, le nouveau bénéficiaire est le seul titulaire.

De même, la notification à un tiers, même lié au bénéficiaire du permis, ne suffit pas.

C’est notamment le cas de la notification :

-  à l’avocat du bénéficiaire (CAA Nantes 20 décembre 1995 Dame VERHES-DAVID, req. n° 95NT00288) ;

-  au préfet auteur du permis, qui ne dispense pas de la notification au bénéficiaire du permis, le ministre de la culture, alors même que ce dernier est le supérieur hiérarchique du préfet (CAA Paris 16 décembre 1997 Comité quartier Mouffetard, req. n° 97PA02791).

Certes, la Haute Juridiction a pu s’écarter de cette approche « nominaliste » et a opté pour une approche « réaliste » en recherchant si la personne désignée dans l’autorisation attaquée agissait uniquement pour son compte ou pour le compte d’autrui.

Elle a ainsi admis que la notification faite au maître d’ouvrage dont le nom ne figurait pas dans l’autorisation attaquée et encore moins dans le dossier de demande, et non pas au maître d’ouvrage délégué titulaire de ladite autorisation était régulière eu égard au lien mandant-mandataire imposé par la loi MOP du 12 juillet 1985 et existant entre ces deux personnes (CE 31 décembre 2008 Min. de l’écologie c/Synd. Des copropriétaires de l’immeuble « Les Jardins d’Arago », req. n° 305881).

C’est en faisant preuve de ce même pragmatisme qu’il a été considéré, qu’est régulière une notification faite au conjoint du titulaire de l’autorisation (qui n’en était pas bénéficiaire), lorsqu’elle a été adressée à leur domicile commun et que les deux époux ne sont pas séparés de corps (CE 7 août 2008 Commune de Libourne, req. n° 288966). En substance, le juge admet que l’objet de la notification qui est l’information du bénéficiaire de l’existence d’un recours est remplie dans cette circonstance particulière où celui-ci réside sous le même toit que la personne à qui a été adressée la notification.

Ainsi, la notification faite à un tiers et non au titulaire de l’autorisation tel qu’il est désigné par cette dernière ou mentionné dans le dossier de demande est régulière sous réserve de l’existence d’une unicité juridique ou géographique entre ces deux personnes.

Or, dans l’espèce commentée la maison-mère et son établissement secondaire constituait deux entités juridiquement autonomes et bénéficiaient de surcroît des adresses postales différentes.

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