De l’impossibilité de délivrer un permis de construire « modificatif » comportant la dérogation prévue par l’article R. 111-20 du Code de l’urbanisme postérieurement à l’annulation du permis initial.

Par Cyrille Tchatat, Avocat.

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Par une décision du 11 juillet 2013, la Cour administrative d’appel de Bordeaux retient que la dérogation prévue par l’article R. 111-20 du Code de l’urbanisme ne peut être accordée par un permis de construire "modificatif " afin de régulariser une situation de fait résultant de la construction d’un immeuble édifié en vertu d’un permis de construire illégal.

(CAA Bordeaux 11 juillet 2013 SCI Les chevêches, req. n° 11BX02706)

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Dans cette affaire, la Cour juge en effet que :

«  Considérant que la SCI Les Chevêches soutient qu’elle pouvait obtenir, et a d’ailleurs obtenu par arrêté du 10 septembre 2012, une dérogation à cette règle de prospect en vertu de l’article R.111-20 du code de l’urbanisme selon lequel : « Des dérogations aux règles édictées dans la présente section peuvent être accordées par décision motivée de l’autorité compétente, après avis dans chaque cas particulier du maire de la commune, lorsque celui-ci n’est pas l’autorité compétente (…) » ; que toutefois, la dérogation prévue par ces dispositions ne peut être accordée qu’au moment de la délivrance du permis de construire initial et ne saurait avoir pour objet de régulariser une situation de fait résultant de la construction d’un immeuble édifié en vertu d’un permis de construire illégal ; qu’au demeurant, la société pétitionnaire ne détaille pas les conséquences manifestement excessives résultant du caractère rétroactif de l’annulation contentieuse prononcée par le tribunal administratif, alors même que la construction est achevée ; que la gravité de ces conséquences sur les intérêts publics ou privés en présence n’étant pas suffisamment caractérisée, la modulation des effets de cette annulation emporterait des inconvénients excessifs au regard du principe de légalité et du droit de M. P à un recours effectif ; qu’il s’ensuit que la SCI Les Chevêches n’est en tout état de cause pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux s’est abstenu de faire droit à sa demande, présentée dans une note en délibéré, tendant à différer les effets de l’annulation de l’arrêté du 22 novembre 2005 en tant qu’il autorise la construction du bâtiment D ; qu’elle ne peut utilement se prévaloir du « permis modificatif » délivré par le maire de Caudrot le 10 septembre 2012, postérieurement à l’annulation du permis initial, lequel reste sans autre effet sur la présente instance que de rendre sans objet les conclusions tendant à ce que la cour prononce elle-même le différé dans le temps de l’annulation du permis de construire  » (CAA Bordeaux 11 juillet 2013 SCI Les Chevêches, req. n° 11BX02706).

Selon la Cour, lorsqu’un permis de construire initial a été annulé et que par suite la construction qu’il autorisait a été édifiée sans permis, le pétitionnaire ne peut obtenir de permis « modificatif », et il lui appartient d’obtenir un nouveau permis de construire portant sur l’ensemble de la construction.

En conséquence et dans ces conditions le pétitionnaire ne peut obtenir par un « modificatif » la dérogation prévue par l’article R. 111-20 du Code de l’urbanisme.

Dans cette affaire, le pétitionnaire s’était vu délivrer le 22 novembre 2005 un permis de construire de construire l’autorisant à réaliser deux bâtiments afin d’agrandir un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes.

Il a également obtenu, le 28 juin 2006, permis modificatif portant sur une extension d’un des bâtiments autorisés le 22 novembre 2005 et sur l’aménagement des combles de l’un des anciens bâtiments.

Ces autorisations ont fait l’objet d’un recours en annulation par un voisin.

Par un jugement du 28 juillet 2011 le Tribunal administratif de Bordeaux a partiellement fait droit à ses demandes en annulant le permis de construire du 22 novembre 2005 au motif que celui-ci ne respecte pas la règle de prospect minimal fixée par l’article R. 111-18 du Code de l’urbanisme (TA Bordeaux 28 juillet 2011 SCI Les Chevêches, req. n° 11BX02706).

Le pétitionnaire a interjeté appel de ce jugement et en cours d’instance a indiqué à la Cour, qu’il avait obtenu le 10 septembre 2012 un permis de construire « modificatif » lui accordant une dérogation aux règles de prospect posées par l’article R. 111-18 du Code de l’urbanisme.

Toutefois, la Cour a considéré que ce permis de construire « modificatif » du 10 septembre 2012 est dénué de toute portée et en conséquence refusé de lui reconnaître l’effet de régularisation escompté par le pétitionnaire.

Certes, dans son arrêt en date du 2 février 2004 « SCI la Fontaine de Villiers », le Conseil d’Etat a clairement affirmé la possibilité de purger, par la délivrance d’un permis de construire modificatif ou rectificatif (délivré en cours d’instance), tous les vices entachant le permis initial (CE 2 février 2004 SCI la fontaine de villiers, req. n° 238315).

Toutefois, cette solution ne semble devoir s’appliquer que dans la circonstance où le permis initial est en cours de validité et qu’en conséquence, ses dispositions demeurent encore dans l’ordonnancement juridique au moment où intervient le « modificatif ».

En conséquence, il a été jugé qu’un permis de construire périmé ne peut faire l’objet d’un « modificatif » (CE 20 mai 2005 SCI Bercy Village, req. n° 258061 ; CE 4 juin 1982 Sté Tradimo, req. n° 26684).
En revanche, le juge administratif admet qu’un permis de construire « modificatif » puisse être délivré, alors même que l’exécution du permis de construire initial a été suspendue (CE, 24 février 2003 Commune de Saint-Bon-Tarentaise Courchevel, n° 251928).

De même, il apparaît qu’un permis de construire modificatif peut être régulièrement délivré lorsque le permis initial a été annulé mais que la décision d’annulation a fait l’objet d’un sursis à exécution (solution implicite : CAA Paris 30 décembre 2011 SCI Bercy Village, req. n° 10PA06100, 11PA00622 ; confirmation implicite : CE 26 décembre 2012 Assoc. Bercybien, req. n° 357387).

Dans son arrêt du 30 décembre 2011, la Cour a en effet rappelé que la décision par laquelle le Tribunal administratif de Paris avait annulé le permis de construire initial avait fait l’objet d’un sursis à exécution.

Ainsi, dans cette circonstance particulière le permis de construire modificatif n’a pu être régulièrement délivré que pour le motif tiré de la suspension des effets du jugement d’annulation, qui a eu pour effet de ne pas soustraire le permis de construire initial de l’ordonnancement juridique.

Hors cette hypothèse, l’annulation d’un permis de construire initial a pour effet d’exclure toute possibilité de délivrer un modificatif et il ne peut plus être procédé à une quelconque régularisation des vices affectant cet initial qui est regardé comme n’étant jamais intervenu du fait de son annulation.

C’est dès lors à juste titre que la Cour administrative d’appel de Bordeaux a retenu que le pétitionnaire ne pouvait se prévaloir d’un permis de construire « modificatif » et encore moins se prévaloir de la dérogation prévue à l’article R. 111-20 du Code de l’urbanisme, dès lors que le permis initial avait été annulé.

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