La volonté du gouvernement d’accroître la protection des personnes âgées est actuellement connue du plus grand nombre.
La très contestée LOPPSI deuxième du nom constitue une bonne occasion de le montrer ; avec l’article 24 quater du projet de loi, il est envisagé d’aggraver la répression des vols commis à l’encontre de cette catégorie de personnes mais le texte ne s’arrête pas.
Le vol simple, soustraction frauduleuse de la chose d’autrui, est actuellement puni d’une peine de trois ans d’emprisonnement et de 45000 euros d’amende ; cette peine peut être aggravée en raison de certaines circonstances prévues par les articles 311-4 et suivants du code pénal ; si le Sénat valide ce qui lui est proposé, ce sont surtout ces derniers qui devraient subir d’importantes modifications.
L’individu qui commettra l’infraction lorsqu’elle sera facilitée par "l’état d’une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse est apparente ou connue de son auteur" n’encourra plus, comme c’est le cas actuellement, une peine de cinq ans et 75 000 euros d’amende puisque le projet de loi envisage de faire passer cette circonstance aggravante de l’article 311-4 au 311-5 ; ce qui ferait passer la peine à sept ans et 100000 euros d’amende.
Un petit jeu de chaises musicales qui aggrave donc la répression mais qui vise de manière beaucoup plus large la cible souhaitée sans pour autant être sûr de l’atteindre.
En effet, la particulière vulnérabilité ne se limite pas aux seules personnes âgées puisque la liste, qui pourra toujours être complétée par le législateur selon son bon-vouloir, renvoie à beaucoup d’autres hypothèses ; dans tous les cas, pour qu’elle puisse jouer, il faudra établir objectivement et avec certitude que l’individu avait connaissance de la particulière vulnérabilité de la personne et a commis en raison de celle-ci tout en notant qu’un être humain peut avoir un âge certain sans pour autant devoir être considéré comme particulièrement vulnérable et inversement.
Le projet de loi envisage également d’amputer l’article 311-4 d’une autre partie de ses membres et cela une fois encore pour enrichir l’article311-5 avec le même effet d’aggravation de la sanction.
Ainsi, la circonstance que le vol soit commis dans un local d’habitation ou dans un lieu utilisé ou destiné à l’entrepôt de fonds, valeurs, marchandises ou matériels, en pénétrant dans les lieux par ruse, effraction ou escalade passera dans le second des deux articles évoqués ; le premier d’entre eux ne devant conserver qu’une version raccourcie du texte.
Ce qui aurait pour effet de mettre en place une nouvelle circonstance pour vol : le seul fait que l’infraction soit commise dans un des lieux cités deviendrait une cause d’aggravation de la répression ; la ruse, l’effraction ou l’escalade en plus est la sanction encourue serait encore plus importante.
Les auteurs du texte soumis aux sénateurs en profitent également pour réécrire l’article 311-5 ; celui-ci prévoyant actuellement sept ans d’emprisonnement et 100000 euros d’amende lorsque le vol est précédé, accompagné ou suivi de violences sur autrui ayant entraîné une incapacité totale de travail pendant huit jours au plus.
La nouvelle version distinguerait clairement trois circonstances aggravantes susceptibles de faire encourir la peine fixée dans le texte en vigueur ; deux résulteraient des modifications évoquées précédemment évoquées, la troisième étant la reprise de celle figurant dans la disposition en vigueur aujourd’hui.
Le projet de loi précise également que, en cas d’adoption dans l’état présent, si le vol est commis dans au moins deux des circonstances prévues par l’article 311-5, l’individu risquera alors dix ans d’emprisonnement et 100000 euros d’amende en ajoutant que la même peine serait applicable "lorsque le vol prévu au présent article est également commis dans l’une des circonstances prévues par l’article 311-4" ; un passage qui pourrait donner lieu à quelques tentatives d’interprétation.
Il est d’ailleurs à noter que l’article 311-4 prévoit déjà que les peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et à 100 000 euros d’amende lorsque le vol est commis dans deux des circonstances prévues par le présent article. Elles sont portées à dix ans d’emprisonnement et à 150 000 euros d’amende lorsque le vol est commis dans trois de ces circonstances ; de jolies prises de tête sur la mise en oeuvre de ces textes sont à prévoir.
Cette analyse permet de se rendre compte que, suite à l’accumulation de textes, des lacunes apparaissent notamment au regard de l’échelle des peines. C’est déjà le cas actuellement ; ce le sera encore plus avec cette réécriture.
Prenons un exemple en considérant que le texte a été adopté :
Un vol commis par plusieurs personnes avec violences n’ayant pas entraîné d’ITT et accompagné de détérioration sera puni par la loi de dix ans d’emprisonnement et 150000 euros d’amende ; la même peine étant prévue en cas de violences ayant entraîné une ITT de plus de huit jours.
De plus, ce changement législatif conduit à hiérarchiser un peu plus la gravité de l’infraction en fonction de la victime.
Ainsi, le vol commis à l’encontre d’une personne ayant une particulière vulnérabilité est plus sévèrement sanctionné, donc considéré comme plus grave, que celui qui serait accompagné d’un mobile raciste ou réalisé par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargé d’une mission de service public dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ou de sa mission.
Notons pour conclure que sur les six amendements déposés au sujet de cet article du projet de loi, quatre envisagent tout simplement sa suppression en estimant que le droit en vigueur est suffisant pour permettre une juste répression en préférant développer les moyens d’élucidation ; un autre propose quant à lui, en plus de ce qui est déjà dans l’article 24 quater, de modifier les règles de la prescription de l’action publique pour un certain nombre d’infractions commises à l’encontre des personnes ayant une particulière vulnérabilité en retardant le point de départ du délai au jour où l’infraction apparaît à la victime dans des conditions permettant l’exercice de l’action publique.
Thomas CAUSSAINT
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