Surveillante tuée par un élève devant le collège : quelle responsabilité pour l’État ?

Par Pierrick Gardien, Avocat.

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Explorer : # responsabilité de l'État # obligation de sécurité # responsabilité sans faute # droit de retrait

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La responsabilité principale en cas de drame incombe à l'auteur des faits, mais l'État est aussi responsable. Il doit garantir la sécurité de ses agents, avec une indemnisation automatique en cas d'incident. Les enseignants en danger peuvent exercer leur droit de retrait si la situation présente un risque grave.
Description rédigée par l'IA du Village

Le mardi 10 juin 2025 peu avant 8h30, une surveillante du lycée Françoise Dolto de Nogent a été mortellement poignardée par un élève devant le collège lors d’une fouille des sacs.
Qui est responsable juridiquement ? La responsabilité de l’Etat peut-elle être engagée ?

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La première responsabilité est celle de l’auteur des faits, qui sera recherchée sur le plan pénal. Il est néanmoins intéressant de s’intéresser à la responsabilité de l’État, qui a placé son agent dans une situation dangereuse.

Une obligation de sécurité pèse sur l’employeur public vis-à-vis de tous ses agents (1). Dans l’hypothèse de la survenance d’un événement dramatique au cours du service, le régime de responsabilité applicable est celui de la responsabilité sans faute, facile à engager pour les ayants droit, qui seront indemnisés par l’État sans avoir à prouver le manquement à son obligation de sécurité (2). Si d’autres enseignants ou personnels d’éducation s’estiment en danger dans ce contexte, ils peuvent exercer leur droit de retrait (3).

1/ Une obligation de sécurité pèse sur l’employeur public vis-à-vis de tous ses agents.

Les surveillants des établissements scolaires sont des agents contractuels de droit public. Les droits et obligations des fonctionnaires leur sont toutefois applicables par extension.

Le Code général de la fonction publique consacre une obligation de sécurité de l’employeur public vis-à-vis de tous ses agents « Des conditions d’hygiène et de sécurité de nature à préserver leur santé et leur intégrité physique sont assurées aux agents publics durant leur travail » (Article L136-1 du Code général de la fonction publique). Pour l’application de ces dispositions, le Code général de la fonction publique renvoie très largement aux dispositions applicables dans le Code du travail.

En droit du travail, l’obligation de sécurité de l’employeur vis-à-vis de ses salariés a été assouplie par la jurisprudence, d’une stricte obligation de résultat à une obligation considérée par la doctrine comme "de moyens renforcés" [1].

Dans la sphère publique, c’est sur le chef de service (dans un collège, le directeur) que repose l’obligation de sécurité des agents (CE, sect., 7 février 1936, Jamart, req. n°43321). L’administration doit donc prendre toutes les mesures qui s’imposent pour ne pas placer ses agents dans une situation dangereuse, avec un risque de survenance d’un dommage. Il s’agit d’une stricte obligation de résultat.

2/ Le régime de responsabilité applicable est celui de la responsabilité sans faute, facile à engager.

Le manquement à l’obligation de sécurité qui incombe à l’État est aisé à établir pour le drame du 10 juin 2025, s’agissant d’un élève qui a poignardé une surveillante devant son collège lors de la fouille des sacs. Le débat sur l’installation de portiques de sécurité obligatoires à l’entrée des établissements et le principe même de la fouille aléatoire des sacs décidée paradoxalement pour plus de sécurité rebondira probablement médiatiquement.

Cependant, pour engager la responsabilité de l’État en la matière, il n’est même pas nécessaire juridiquement de prouver un dysfonctionnement de sa part.

En effet, dans l’hypothèse de la survenance d’un événement dramatique au cours du service, les agents de l’administration et leurs ayants droit bénéficient d’un régime de responsabilité sans faute de l’État, c’est-à-dire automatique (CE, 21 juin 1895, Cames, req. n° 82490).

La responsabilité sans faute est une responsabilité pouvant être engagée de plein droit, d’ordre public, même en l’absence de faute. Ceci signifie que les ayants droit de la surveillante tuée pendant le service n’auront même pas besoin de démontrer que l’État a manqué à son obligation de sécurité pour engager sa responsabilité : celle-ci sera, en quelque sorte automatique et découle de la simple survenance de l’événement dramatique qui sera reconnu comme un accident de service (agression sur le lieu et dans le temps de service de l’agent).

L’indemnisation des ayants droit de la victime sera donc de droit, à charge pour l’État de se retourner contre l’auteur des faits dans le cadre d’une action récursoire et nonobstant les poursuites pénales engagées contre l’auteur des faits.

Cette compensation financière n’est cependant rien face à l’immensité du drame survenu.

3/ Si d’autres enseignants ou personnels d’éducation s’estiment en danger dans ce contexte, ils peuvent exercer leur droit de retrait.

Dans ce contexte dramatique, si d’autres enseignants ou personnels d’éducation s’estiment en situation de danger, ils pourront exercer leur droit de retrait. Il faut toutefois des circonstances précises.

Le droit de retrait ne peut en effet être exercé qu’en cas de situation professionnelle présentant un danger grave et imminent pour la santé physique de l’agent.

Les textes prévoient ainsi que l’agent doit alerter immédiatement l’autorité administrative compétente de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu’il constate dans les systèmes de protection (Décret n°82-453 du 28 mai 1982).

Il peut se retirer d’une telle situation.

L’autorité administrative ne peut alors pas demander à l’agent qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans cette situation, ni appliquer aucune sanction disciplinaire ni aucune retenue de traitement.

On peut penser en l’espèce que les enseignants et personnels du collège Françoise Dolto de Nogent pourront exercer leur droit de retrait au regard du drame survenu, mais pas tous les agents de l’éducation nationale sur le plan national sans circonstances locales particulières.

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Notes de l'article:

[1Cass. Soc. 8 nov. 2017, n°16-18.008, NP.

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