Les relations de travail changent dans toute la société, et le moment très particulier du recrutement est sans doute la face émergée du changement... Nous vivons un moment de perte de repères, que ce soit pour les candidats ou les recruteurs.
Les anciennes pratiques échouent souvent, les nouvelles sont incertaines, les recruteurs sont encore dubitatifs et les candidats sceptiques.
Pour réfléchir à cela, nous avons rencontré un conseil en recrutement atypique, Eva Schick, qui se présente ainsi : "J’aide les avocats à trouver le cabinet idéal". Quel inversement de méthode... Eva ne fait pas de coaching de candidats, mais tente de rapprocher candidats et recruteurs, aider les uns et les autres pour favoriser la rencontre utile.
"Nous prenons le parti d’accompagner les avocats candidats à la façon d’un incubateur de talents. Cela permet par rebond de faire des remontées d’information aux recruteurs sur le marché, de faire un matching plus efficace. C’est dans l’intérêt de tous !" Une sorte de chasse de tête inversée, où le candidat missionne quasiment un consultant. Cela nous a semblé une idée originale en l’état du marché !
Mais comment définir les envies d’un candidat ? "Il y a des critères qui reviennent souvent (spécialité, séniorité, secteur géographique...) et des sujets plus personnels (type de cabinet recherché, façon de travailler, management attendu...), des sujets de trajectoire de carrière aussi (évolution souhaitée, perspectives personnelles...) et nous les conseillons sur la faisabilité de leurs aspirations."
Une fois cela fait, trouve-t-on en face des recruteurs ? "Les offres des cabinets sont trop alignées et identiques en ce moment, il manque des critères plus différenciants, plus précis ou sur de nouveaux terrains.
Mais on arrive aujourd’hui avec la pénurie de candidats à faire évoluer les recruteurs..."
Il est vrai que peu de recruteurs dévoilent vraiment l’intérieur du management de leur cabinet, on considère souvent que la période d’essai est là pour cela... Or les candidats n’ont plus envie "d’essayer pour voir", si l’on se réfère à la chute du nombre moyen de candidatures par annonce [1]... laquelle devient un filtre lorsque mal rédigée ou accompagnée, perdant son rôle d’appel à candidats.
"C’est aux recruteurs de changer ; les candidats sont prêts à travailler et à s’impliquer, mais veulent savoir pourquoi, le sens de ce qui leur est proposé. Ce n’est pas une question d’envie de travailler qui serait partie, comme on l’entend parfois."
Les avocats se rendent ils compte du changement ?
"De leur côté, les candidats ne sont pas préparés aux entretiens et discussions de carrière ou de recrutement, du fait de leur formation ou des habitudes de marché, ils ont donc besoin d’accompagnement pour structurer.
Les recruteurs eux ne se rendent pas tous compte d’un changement d’époque et de marché de l’emploi ; certains en sont conscients mais sont interrogatifs sur les conséquences pratiques." On ne change pas des décennies de pratique en deux ans...
"Ceux qui sont conscients d’une nécessaire évolution ne sont pas la majorité, ni nécessairement les plus gros cabinets, mais ils sont les plus attractifs de par leur démarche et ouverture. Ceux-là ont moins de mal à recruter."
Mais au fond, pourquoi les cabinets ne reçoivent-ils plus de CV ?
"Les constats :
une importante partie des jeunes et moins jeunes avocats quittent la profession ; c’est un problème d’attractivité déjà étudié et largement constaté.
Les hélas classiques problématiques de proposition d’association qui tardent font que de plus en plus de jeunes vont créer leur propre structure, pour décider de leur orientation professionnelle.
Les candidats cherchent plus de critères (sens, évolution et perspectives...) et se montrent très sélectifs.
Enfin pour être réaliste, il y a une part de candidats qui ont une méconnaissance des outils de mise en relation ou ne savent pas "se vendre".
D’une façon générale, les avocats se sentent souvent seuls face aux sujets Management et Recrutement, pas accompagnés, pas formés, du fait de leur formation peu "business"."
Est-ce que ce "désalignement" va durer ?
"Oui car c’est structurel dans notre société et dépasse le monde du Droit, mais ça peut changer si on met en place de nouveaux processus de recrutement, de management, de communication. Il s’agit "tout simplement" de mettre en place des processus d’entreprise dans les cabinets d’avocats, ce qui n’est pas du tout le cas encore".
Mais oui tenez, combien de cabinets d’avocats disposent de vraies compétences RH en interne en externe ? Dites un pourcentage, pour voir...
Parions qu’il sera à un seul chiffre.