Sur l’irrecevabilité d’un enregistrement audio effectué à l’insu de l’employeur.

Par Thomas Cuq, Avocat.

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Explorer : # preuve illicite # enregistrement audio # droit du travail # harcèlement moral

Ce que vous allez lire ici :

Depuis 2020, la Cour de cassation admet que des preuves obtenues de manière déloyale peuvent être acceptées si elles sont cruciales pour prouver des faits. Toutefois, un enregistrement clandestin par un salarié est souvent jugé irrecevable, sauf si d'autres preuves ne sont pas disponibles. Les employeurs doivent donc rester prudents.
Description rédigée par l'IA du Village

L’enregistrement audio réalisé par un salarié à l’insu d’un employeur soulève des questions de légalité et d’éthique.
En matière civile, une preuve n’est pas recevable si elle a été obtenue de manière déloyale ou illicite car l’article 9 du Code de procédure civile impose à chacune partie de produire aux débats des preuves conformes à la loi.
En outre, l’article 8 de la CEDH et l’article 9 du Code civil disposent que « chacun a le droit au respect de sa vie privée ».
De surcroît, l’article 6-1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) qui protège le droit au procès équitable et le principe d’égalité des armes, implique que les preuves susceptibles d’être produites devant un juge, soient recueillies loyalement.
Il est donc acquis que l’enregistrement d’un entretien à l’insu des personnes constitue un procédé déloyal.
Néanmoins, se pose alors la question de la recevabilité de la production en justice d’un tel procédé.

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La Cour de cassation a longtemps considéré que l’enregistrement, d’une communication téléphonique ou d’un entretien, réalisé par le salarié à l’insu de son interlocuteur constituant un procédé déloyal rend irrecevable sa production à titre de preuve [1].

De même, s’agissant de la retranscription de l’enregistrement effectué à l’insu de l’employeur tant par le salarié que par un Commissaire de justice, les juridictions adoptaient la même position [2].

Ce principe connait désormais une inflexion.

En effet, depuis 2020 la Cour de cassation considère que des pièces obtenues déloyalement peuvent être jugées recevables, dès lors que le procédé utilisé constitue l’unique moyen pour prouver les faits reprochés et est strictement proportionnée au but poursuivi [3].

Ainsi, a été jugé recevable une photographie (de la future collection de prêt-à-porter de la société) extraite du compte privé Facebook du salarié pour établir un manquement de ce dernier à son obligation de confidentialité [4].

En l’espèce, cette production d’éléments certes portait atteinte à la vie privée de la salariée, mais était indispensable à l’exercice du droit à la preuve et proportionnée au but poursuivi, soit la défense de l’intérêt légitime de l’employeur à la confidentialité de ses affaires.

A contrario, n’a pas été jugé recevables, les enregistrements issus de la vidéosurveillance dans la mesure où ces derniers n’étaient pas indispensables à l’exercice du droit à la preuve de l’employeur puisqu’ils ne faisaient que confirmer les agissements frauduleux du salarié mis en lumière préalablement au travers d’un audit [5].

Dans cet arrêt, la Cour de cassation a précisé le rôle revenant au juge en présence d’une preuve illicite, à savoir :

  • Le juge doit d’abord s’interroger sur la légitimité du procédé utilisé et vérifier s’il existait des raisons concrètes qui justifiaient son utilisation.
  • Il doit ensuite rechercher si la partie produisant ladite pièce ne pouvait pas atteindre un résultat identique en utilisant d’autres moyens plus respectueux de la vie personnelle de l’autre partie.
  • Enfin, le juge doit apprécier le caractère proportionné de l’atteinte ainsi portée à la vie personnelle au regard du but poursuivi.

La Cour de cassation ne s’est toutefois pas encore positionnée sur le cas de l’enregistrement d’une conversation par le salarié réalisé à l’insu de son employeur à l’aune de son nouveau principe.

Néanmoins, les juges du fond se sont déjà prononcés en faveur de l’irrecevabilité de la production d’une transcription d’un enregistrement d’une conversation à l’insu de son auteur, en ce que le salarié qui se plaignait d’avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral ne justifiait pas de son impossibilité de rapporter la preuve de ce qu’il avançait par un autre moyen [6].

Les juges ont estimé que le salarié en versant aux débats des attestations de témoins disposait d’autres moyens que l’enregistrement audio pour assurer sa défense.

Dès lors on comprend au travers de cet arrêt qu’un enregistrement audio réalisé à l’insu de l’employeur sera dans bon nombre de cas considéré par les juges comme irrecevable.

En effet, un salarié, a généralement la possibilité de verser aux débats des témoignages, une attestation de son médecin traitant, un courriel d’alerte adressé au CSE, des courriers adressés à son employeur…

Néanmoins, les employeurs doivent être particulièrement vigilants quant aux termes oraux utilisés à l’égard de leurs salariés car la production d’un enregistrement audio n’est désormais plus écartée d’office par les juges du fond, la recevabilité d’un tel procédé étant de surcroît, laissée à leur appréciation souveraine.

Thomas Cuq
Avocat Associé au barreau de Paris
Ad Hoc avocats
tcuq chez adhoc-avocats.com
https://www.adhoc-avocats.com/
https://www.linkedin.com/in/thomascuq/

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Notes de l'article:

[1Cass. soc 23 mai 2007, n°06-43.209 ; plénière 7 janvier 2011, n°09-14.316 ; 6 février 2013, n°11-23.738.

[2CA Reims 04 mai 2011, n°10/02389 ; CA Amiens 16 septembre 2015, n°14/00097.

[3Cass soc 30 septembre 2020, n°19-12.058 ; 8 mars 2023, n°21-17.802.

[4Cass. soc. 30 septembre 2020, n°19-12.058.

[5Cass soc 8 mars 2023, n°21-17.802.

[6CA Amiens 04 mai 2023, n°21/03399.

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