Voici ci-dessous les différentes étapes :
1/ S’entretenir rapidement avec le salarié concerné.
Tout d’abord, il convient de s’enquérir de son état de santé.
Ensuite, la priorité est de recueillir sa position :
- Soit dans un bureau fermé au sein de l’entreprise,
- Soit lors d’un entretien téléphonique si le salarié n’est pas en état de se déplacer sur le lieu de travail ou si lors de ce déplacement il pourrait être amené à rencontrer le salarié présumé harceleur.
En tout état de cause, il convient bien entendu de préserver la confidentialité de cet échange.
2/ Prendre une ou des mesures immédiates.
Cet article se focalise sur l’enquête interne dans la mesure où il s’agit d’une mesure particulièrement efficace pour faire la lumière sur les faits dénoncés.
2.1 La réalisation de l’enquête interne.
Il ressort de l’étude des décisions récentes en la matière que :
L’enquête interne peut être l’une de ces mesures, mais elle n’est pas obligatoire.
Il a déjà été jugé que le seul fait que l’employeur ne déclenche pas une enquête interne ne caractérise pas un manquement à son obligation légale de sécurité dès lors qu’il prend les « mesures suffisantes » [1].
Néanmoins, l’employeur a tout intérêt à en diligenter une car :
- Non seulement elle peut être un élément de preuve en cas de litige [2] ;
- Mais surtout sur le plan pratique, son résultat lui permettra d’avoir une « connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits reprochés » [3].
Il n’est en principe pas nécessaire que les représentants du personnel conduisent cette enquête, ni même qu’ils soient consultés [4].
Il est cependant préférable de les y associer et a minima de leur transmettre le compte-rendu de l’enquête.
L’enquête peut se faire à l’insu du salarié mis en cause, c’est-à-dire sans l’en informer, ni entendre ses explications [5].
Il est toutefois préférable d’entendre ses explications afin d’avoir les deux versions des faits et de respecter pleinement le principe du contradictoire.
Il n’est en principe pas nécessaire d’auditionner l’ensemble des salariés témoins [6].
Si l’employeur n’a pas l’obligation de recueillir les témoignages de tous les témoins, il a intérêt à élargir au maximum les auditions et ne pas se contenter de la version du salarié ayant dénoncé les faits et celle du mis en cause.
2.2 Le résultat de cette enquête.
L’enquête interne permet dans la plupart des cas de déterminer si les faits dénoncés sont ou non avérés.
Hypothèse n°1 : l’enquête établit que le harcèlement n’est pas avéré.
S’agissant du salarié qui a dénoncé à tort les faits : en premier lieu, il est souhaitable de lui transmettre rapidement le compte-rendu de l’enquête ou a minima de lui indiquer par courrier les conclusions de celle-ci afin de lui faire comprendre que si le résultat n’est pas celui escompté, sa plainte a été prise en considération par la Direction.
Si l’employeur n’a pas l’obligation de communiquer le compte-rendu de l’enquête aux salariés [7], il est souhaitable d’en réaliser un, ce qui pourra être utile en cas de contentieux ultérieurs.
Dès lors, il conviendra de veiller d’une part, à ce que la copie des auditions de chaque salarié interrogé ne soit pas annexée à ce compte-rendu afin de respecter la confidentialité des échanges et d’éviter tout acte de représailles à leur égard et d’autre part, que les personnes ayant témoigné ne puissent être identifiées.
Ensuite, l’employeur pourra, dans la mesure du possible et par précaution, prendre des mesures (favoriser le télétravail, lui demander de solder ses congés et RTT) à son égard dans la mesure où il est possible que son état de santé se soit dégradé (même s’il n’a pas été victime d’actes constitutifs de harcèlement moral).
En revanche, l’employeur ne pourra pas licencier le salarié pour avoir dénoncé des faits non avérés [8], sauf s’il est en mesure de prouver sa mauvaise foi [9], laquelle ne peut résulter que de la démonstration qu’il avait connaissance de la fausseté des faits qu’il a dénoncé [10].
Dans la majorité des cas, les employeurs devront veiller à ne pas le sanctionner dans la mesure où il sera particulièrement difficile en cas de contentieux de démontrer sa mauvaise foi.
S’agissant du salarié injustement mis en cause, il est souhaitable de lui transmettre également le compte-rendu de l’enquête, de lui renouveler par écrit sa confiance et en aucun cas de le sanctionner.
Hypothèse n°2 : l’enquête établit que le harcèlement moral est avéré.
Voici quelques-unes des mesures pouvant être prises par l’employeur :
A l’égard du salarié victime :
- Proposer au salarié victime une modification temporaire de son contrat de travail (horaires différents, changement de son lieu de travail, etc.). Cette hypothèse nécessite bien entendu au préalable de recueillir l’accord du salarié et de le formaliser dans un avenant à son contrat de travail.
- Proposer au salarié victime d’augmenter son temps en télétravail.
- Organiser une visite avec le médecin du travail afin de valider l’aptitude du salarié victime à son poste et d’envisager, si besoin, un aménagement de celui-ci.
A l’égard du salarié harceleur :
Mettre fin à une situation n’est en soi pas suffisant.
Il convient en effet de faire en sorte qu’elle ne se reproduise pas.
Plusieurs mesures peuvent être prises par l’employeur à l’encontre du salarié harceleur, notamment :
- Une mutation
- Une sanction allant jusqu’à son licenciement pour faute grave.
Dans bon nombre de cas, une seule mesure se révèle insuffisante pour protéger à l’avenir la santé du salarié victime.
Ainsi, à titre d’exemple, il a déjà été jugé que ne satisfait pas à son obligation de sécurité, l’employeur qui se borne à sanctionner d’un avertissement l’auteur d’un harcèlement sexuel, sans éloigner celui-ci de sa victime [11].
L’employeur doit, a minima, rappeler à l’ordre le salarié dont le comportement nuit à la santé d’un de ses collègues et s’il souhaite le sanctionner disciplinairement, déterminer la sanction la plus appropriée parmi celles figurant sur le règlement intérieur.
Les juridictions n’hésitent pas à juger fondé le licenciement d’un salarié qui aurait commis des actes constitutifs de harcèlement moral [12] ou de harcèlement sexuel [13].