L'audace du juriste.

L’audace du juriste.

Gilles de Sorbay
Directeur juridique

2492 lectures 1re Parution: Modifié: 4.78  /5

Napoléon Bonaparte dit« Avec de l’audace, on peut tout entreprendre, on ne peut pas tout faire. » Il n’est évidemment pas le seul à s’être exprimé sur le sujet.

Elle me semble être une vertu, un « aliment » dont nous avons besoin pour avancer, quel que soit notre état, notre profession, notre statut, notre éducation. Naturellement, la lucidité et le sens des responsabilités vont de pair avec l’audace. Mais sans audace, notre vie ne risque-t-elle pas de manquer de ce je-ne-sais-quoi qui nous fait sortir de la conformité ? Et les juristes, ont-ils de l’audace ?

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Gustave Eiffel n’en a pas manqué lorsqu’il érigea ce qui fut si critiqué - cette « colonne de tôle boulonnée » - qui, disait-on, ferait fuir n’importe quel étranger.
47 artistes (Leconte de Lisle, Emile Zola, etc.), dans une lettre de février 1887 se firent les porte-paroles fougueux d’une plainte contre ce qui sera qualifié de « lampadaire véritablement tragique » : « [...]la Tour Eiffel, dont la commerciale Amérique elle-même ne voudrait pas, c’est, n’en doutez point, le déshonneur de Paris. Chacun le sent, chacun le dit, chacun s’en afflige profondément, et nous ne sommes qu’un faible écho de l’opinion universelle, si légitimement alarmée. [...] ».

Guy de Maupassant, l’un d’eux, écrira en 1890 : « J’ai quitté Paris et même la France, parce que la tour Eiffel finissait par m’ennuyer trop. [...] je me demande ce qu’on conclura de notre génération si quelque prochaine émeute ne déboulonne pas cette haute et maigre pyramide d’échelles de fer, squelette disgracieux et géant, dont la base semble faite pour porter un formidable monument de Cyclopes et qui avorte en un ridicule et mince profil de cheminée d’usine. »

Le chef d’entreprise doit nécessairement en être pourvu : "Audentes Fortuna Iuvat" [1] !
Mais puisqu’il ne peut pas tout faire, il lui faut s’entourer.

L’audace et le juriste.

Se pose alors la question de savoir si le juriste doit être audacieux dans sa façon d’exercer son métier.

Déjà on peut se demander pourquoi ne le serait-il pas ou ne le devrait-il pas ? D’autres le mériteraient, le devraient même, mais pas lui ?
Il est vrai que certains ne plaident pas toujours en faveur de leur métier et quelques managers se satisfont de ce qu’ils restent assis dans leur bureau. Bravo la productivité...
A l’inverse, il en est, nombreux, qui s’accommodent très bien de l’accompagnement et la valeur ajoutée du juriste dès lors que l’un et l’autre ont fait l’effort de se rencontrer en vue d’avancer dans la même direction et au même rythme.

Je crois sincèrement que, bien au contraire, l’audace est une qualité absolument nécessaire chez le juriste. Non pas qu’il lui faille devenir un professeur Tournesol, mais le dirigeant a besoin d’idées neuves tout autant que pragmatiques, de collaborateurs qui osent, qui aient envie, s’impliquent, s’intéressent aux enjeux, etc. Elle favorise, aspire et inspire la chance.

La matière juridique, extrêmement mouvante (et encore je n’insiste pas sur le caractère imprévisible des tribunaux) est un outil dont le juriste doit s’emparer intelligemment pour être pleinement acteur de son parcours comme de la performance recherchée par la gouvernance.
Aussi les idées et réflexions juridiques doivent-elles pouvoir être captées partout où elles se trouvent du moment qu’elles permettent d’assurer la sécurité dont l’entreprise a besoin pour avancer (et non stagner ou reculer), garder le cap et son « leadership », etc. Il m’est ainsi arrivé, dans la rédaction de contrats industriels complexes de m’inspirer de dispositions issues de conventions de délégations de service public sur lesquelles j’avais travaillé.

Dès lors, l’autre face de l’audace me paraît être la curiosité. Elle sert au juriste dans la mise en œuvre, sur le long terme, des décisions prises par la D.G par la recherche de solutions innovantes et réalistes, parfois astucieuses, clairement exprimées à la juste mesure de ce qui est nécessaire. A l’opposé du confortable et triste : « On a toujours fait comme çà. ».
L’audace questionne. Elle permet d’être une opportunité pour les autres et soi-même. Elle procure une ouverture à l’inattendu, qui interpelle et évite le caractère routinier, « pénard » dont personnellement je ne suis pas un fervent adepte.

Le juriste, quel qu’il soit, doit accepter de bifurquer, de se laisser bousculer comme ses collègues puisqu’il n’y a pas deux jours identiques dans une entreprise. L’audace et la curiosité dont je parlais (qui peuvent être déclinées en d’autres qualités) servent à alimenter un état d’esprit d’entrepreneur au service de la croissance.

Lorsque je rencontre de futurs actifs pour échanger sur l’entrepreneuriat, un verbe est en général noté pour le caractériser : Faire.
Lorsqu’il s’agit de l’audace, je citerais volontiers : Oser.

Gilles de Sorbay
Directeur juridique

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[1La fortune sourit aux audacieux.

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