Dans une affaire récemment jugée [1], un groupement agricole d’exploitation en commun avait souscrit un contrat d’assurance destiné à couvrir les risques liés aux intempéries près sa caisse d’assurance mutuelle habituelle.
Cette caisse ne disposant pas de l’agrément nécessaire pour proposer seule ce type de couverture, elle s’était réassurée auprès d’un organisme agréé.
Les contrats étaient donc conclus entre le groupement agricole d’exploitation en commun et la caisse d’assurance mutuelle mais étaient souscrits sur papier en tête de l’organisme agrée, qui gérait le recouvrement des cotisations et la prise en charge les sinistres.
Ces contrats contenaient une clause de reconduction tacite d’année en année, sauf résiliation de l’assuré par lettre recommandée avec accusé de réception deux mois avant la date d’échéance du contrat.
La particularité des contrats d’assurance couvrant les aléas climatiques réside dans le changement annuel de la surface cultivée pour chaque type de céréales et du rendement attendu.
En conséquence, en fin d’année n-1, les assurés doivent adresser un assolement provisoire à leur assurance afin de lui permettre de calculer la cotisation due pour l’année n.
Une fois les plantations effectivement réalisées, l’assuré transmet un assolement définitif à l’assureur qui matérialise le contrat définitif applicable pour l’année n, avec effet rétroactif au 1er janvier.
Dans l’éventualité où un sinistre interviendrait entre le 1er janvier et la matérialisation effective du contrat, il serait couvert puisque le contrat souscrit l’année précédente s’est tacitement reconduit.
En l’espèce, la caisse d’assurance mutuelle avait changé de réassureur en fin d’année 2014 et indiqué à ses assurés que les conditions d’assurance dont ils bénéficiaient jusqu’à présent seraient maintenues en 2015.
Dans ces conditions, le groupement agricole d’exploitation en commun n’avait pas dénoncé le contrat, qui s’était donc tacitement reconduit avec la caisse d’assurance mutuelle.
Cette dernière avait malheureusement rencontré des difficultés à trouver un réassureur proposant les mêmes conditions de tarifs et de couverture que le précédent…
Elle avait donc soumis les devis proposés par son nouveau réassureur à ses assurés en leur précisant que, s’ils ne l’acceptaient pas, ils ne seraient pas assurés au titre des aléas climatiques susceptibles d’intervenir en 2015.
Le groupement agricole d’exploitation en commun avait constaté que les nouvelles conditions proposées étaient clairement désavantageuses par rapport à la couverture souscrite auparavant et refusait de signer le nouveau contrat.
Il mettait sa caisse d’assurance mutuelle en demeure de régulariser avec lui un contrat reprenant les conditions applicables en 2014, qu’elle s’était engagée à maintenir.
Cette dernière lui indiquait qu’étant réassurée par un organisme agréé, elle ne pouvait lui proposer des conditions dérogatoires à ce qu’elle lui avait déjà soumis.
Quelques mois plus tard, le sinistre intervenait et le groupement accusait de sévères pertes au niveau de ses récoltes.
Il demandait en conséquence indemnisation à sa compagnie d’assurance qui lui répondait que, faute pour lui d’avoir régularisé le devis proposé via son nouveau réassureur, il n’était plus assuré.
Dans ce contexte, le groupement agricole d’exploitation en commun saisissait le Tribunal qui, après avoir étudié les arguments des parties, considérait que :
- faute pour les parties d’avoir résilié le contrat 2014 dans les formes et délais prévus, ce dernier s’était tacitement reconduit, de sorte qu’il convenait de considérer que le groupement était assuré en 2015 par la caisse d’assurance mutuelle dans les conditions applicables l’année précédente,
- en application des articles L.111-3 du Code des assurances et 1165 du Code civil, le contrat de réassurance régularisé entre la caisse d’assurance mutuelle et son réassureur n’était pas opposable à l’assuré en ce sens que la compagnie, signataire du contrat, garantissait les cultures.
Le tribunal condamnait donc la caisse d’assurance mutuelle à payer une indemnité calculée sur la base des sinistres constatés sur l’année n, aux conditions de garanties souscrites en n-1 qui s’étaient tacitement reconduites.
L’assureur était également condamné à verser des dommages et intérêts destinés à indemniser le groupement de sa perte de chance de percevoir une subvention européenne et de son préjudice moral.
Ce jugement consacre l’application du mécanisme de reconduction tacite, même lorsque sa mise en œuvre est complexe en pratique.
Il appartient en conséquence aux assureurs ayant recours à la réassurance de se montrer extrêmement prudents en cas de changement de réassureur dans la mesure où les contrats d’adhésion qu’ils ont souscrits avec leurs assurés comprennent très souvent une clause de reconduction tacite qui pourrait s’avérer ruineuse à assumer dans l’hypothèse où le nouveau partenaire ne proposerait pas des conditions de couverture et de tarif similaires au précédent.
A l’inverse, les assurés doivent veiller à ne pas se voir imposer des conditions de garantie désavantageuses au seul motif que leur assureur a changé de réassureur et que le nouveau partenaire ne propose pas de conditions équivalentes à celles précédemment consenties.