Application de la jurisprudence Danthony à une procédure de désaffectation et de cession d’un chemin rural.

Par Antoine Louche, Élève-Avocat.

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Explorer : # désaffectation et cession # chemin rural # jurisprudence danthony # propriétaire riverain

Le propriétaire riverain d’un chemin rural, au sens des dispositions de l’article L. 161-10 du Code rural, est celui qui au moins une parcelle contiguë au chemin rural, alors même que le chemin n’est pas une voie d’accès à sa propriété. La mise en demeure de tous les propriétaires riverains d’un chemin rural en cas de projet de cession de ce dernier constitue une garantie pour ces derniers dont la méconnaissance est de nature à entraîner l’annulation de la délibération prononçant la cession du chemin rural en cause.

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En l’espèce, le conseil municipal d’une Commune avait décidé d’engager une procédure de désaffectation et de cession d’un chemin rural. A l’issue de l’enquête publique, ledit conseil a décidé de céder le chemin rural à un particulier.

Un tiers intéressé a alors formé un recours en excès de pouvoir à l’encontre de ces deux délibérations.

Par jugement en date du 24 février 2011, le Tribunal administratif de Limoges a rejeté sa requête. Ce dernier interjeta appel de ce jugement et en a obtenu l’annulation par un arrêt de la Cour administrative d’appel de Bordeaux en date du 21 juin 2012.

La Commune a alors formé un pourvoi en cassation à l’encontre de cet arrêt.

Le Conseil d’Etat a tout d’abord rappelé le principe au titre duquel, en application des dispositions de l’article L. 161-10 du Code rural tous les propriétaires riverains d’un chemin rural doivent être mis en demeure d’acquérir les terrains attenants à leurs propriétés en cas d’aliénation dudit chemin.

Les Juges du Palais Royal ont également précisé et défini la notion de propriétaire riverain au sens de ses dispositions. Il s’agit de tout propriétaire qui possède au moins une parcelle contiguë au chemin rural, alors même que le chemin n’est pas une voie d’accès à sa propriété.

En application de cette définition, le Conseil a considéré que l’arrêt attaqué n’était pas entaché d’erreur de droit ou de dénaturation des faits en ce qu’il avait considéré que le tiers intéressé justifié bien d’un intérêt à agir à l’encontre des délibérations litigieuses en raison de sa qualité de propriétaire riverain du chemin rural.

En effet, l’absence de déserte de la propriété par le chemin rural ne constitue par un élément de nature à justifier que soit écartée la qualité de propriétaire riverain d’un chemin rural.

La Haute Assemblée a ensuite rappelé le considérant de principe qu’elle a dégagé dans sa décision d’assemblée Danthony au titre duquel «  (…) si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie (…) » (CE, 23 décembre 2011, Danthony, n°335033).

A l’aune de ce principe, le Conseil d’Etat a ainsi pu indiquer que l’obligation de mise en demeure qui pèse sur la Commune de mettre en demeure tous les propriétaires riverains d’un chemin rural en cas de projet de cession dudit chemin, constitue une garantie pour ces derniers et cela quelle que soit l’utilité pour eux du chemin rural en cause.

En effet, il convient de rappeler que la jurisprudence avait déjà pu indiquer que les dispositions du code rural instauraient un véritable droit de préemption urbain au profit des riverains d’un chemin rural dont la cession est envisagée (CE, 9 février 1994, Epoux Lecureur, n° 75295).

En l’espèce, les Juges du Palais Royal ont considéré que la lettre par laquelle le Maire de la Commune avait informé le tiers intéressé du souhait d’un de ces voisins d’acquérir le chemin rural en cause, et l’avis favorable de principe émis par le Conseil municipal à cette cession sous réserve de l’enquête publique, ne pouvait être considéré comme valant mise en demeure au sens des dispositions de l’article L. 161-10 du Code rural.

La circonstance que ce courrier aurait conduit le tiers intéressé à manifester son intérêt pour l’acquisition dudit chemin ne permet pas plus de considérer que l’obligation de mise en demeure pesant sur la collectivité a été respectée par cette dernière.

En outre, le Conseil a pu également relever que l’acquéreur désigné par la délibération litigieuse n’avait fourni aucune offre chiffre à l’issue de l’enquête publique. Ainsi, c’est à bon droit que la Cour administrative d’appel de Bordeaux a pu considérer que la délibération attaquée avait privé le tiers intéressé d’une garantie et par suite prononcé l’annulation du jugement du Tribunal administratif de Limoges et des délibérations litigieuses.

Cette décision constitue une nouvelle application et illustration du principe dégagé par le Conseil d’Etat dans sa décision Danthony, à côté du cas des procédures de révision de PLU (CE, 17 juillet 2013, SFR, n°350380) ou de fonction publique

Ce principe devrait trouver de nombreuses autres applications dans l’avenir au regard de son caractère général.

Références : CE, 20 novembre 2013, n°361986 ; CE, 23 décembre 2011, Danthony, n°335033 ; CE, 9 février 1994, Epoux Lecureur, n° 75295 ; CE, 17 juillet 2013, SFR, n°350380

Antoine Louche,
Avocat associé chez Altius Avocats
www.altiusavocats.fr

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