Bail commercial : le contrat peut-il prévoir que l’indexation ne jouera qu’à la hausse ?

Par Benoît Favot, Avocat.

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Explorer : # clause d'indexation # bail commercial # révision de loyer # nullité de clause

La clause d’indexation, ou clause d’échelle mobile, est la clause figurant dans un contrat de bail commercial qui prévoit que le montant du loyer variera selon une périodicité et un indice qui sont prévus contractuellement. Les parties peuvent librement définir la périodicité de l’indexation du loyer.
Le plus souvent, elles stipulent une indexation annuelle, mais aucune disposition n’empêche de prévoir une périodicité plus courte ou plus longue. Depuis la loi PINEL du 18 juin 2014, la variation ne peut être calculée que sur l’indice des loyers commerciaux (ILC) ou sur l’indice des loyers des activités tertiaires (ILAT), lesquels sont fixés chaque année par l’INSEE. La question se pose de savoir si ce type de clause peut valablement prévoir que l’indexation ne pourra jouer qu’à la hausse, c’est-à-dire qu’en cas d’augmentation de loyer.

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Pour calculer le montant de la variation de loyer, à la hausse ou à la baisse, il convient d’effectuer le calcul suivant : par exemple, pour un bail signé le 1er août 2014, l’indice indiqué dans le bail est l’indice ILC du deuxième trimestre 2014 (disponible sur le site de l’INSEE) dont la valeur est : 108,50. Un an plus tard, le 1er août 2015, l’indice du deuxième trimestre 2015 étant publié et d’une valeur de 108,38, il convient donc de faire le calcul suivant pour obtenir le montant du nouveau loyer :

Loyer hors charges x 108,38 / 108,50 = nouveau loyer

À la différence de la révision légale du loyer en application de l’article L. 145-38 du Code de commerce, la clause d’indexation permet une variation automatique du montant du loyer aux échéances convenues par le bail et sans aucune autre formalité particulière que celle qui pourrait être stipulée au contrat. Ainsi, le nouveau loyer (à la hausse ou à la baisse en fonction de la variation de l’indice par l’INSEE) prend effet automatiquement, sans qu’aucune formalité ne soit nécessaire : pas de lettre recommandée avec accusé de réception prévenant de l’augmentation ou de la diminution de loyer, pas de délai de prévenance, pas d’autorisation à obtenir. De même, si le montant du dépôt de garantie correspond à un certain nombre de termes de loyers (trois mois de loyer par exemple), celui-ci pourra être ajusté automatiquement sans formalités particulières.

Pour être valable, cette clause doit cependant être rédigée avec précision. En effet, si cette clause est ambiguë, son mécanisme pourrait être confondu avec le mécanisme légal de la révision triennale et devra donc être annulée. Dans ce cas, la clause serait réputée n’avoir jamais été écrite dans le contrat de bail.

C’est le cas par exemple s’il est prévu que cette clause prendra effet à condition que l’une des parties en fasse la demande par lettre recommandée, ou si la clause est conjuguée au conditionnel (« le loyer pourrait être augmenté ou diminué » au lieu de « le loyer sera augmenté ou diminué »), ou encore s’il est prévu que les parties pourront discuter du montant de la variation du loyer avant son exécution, etc.

Dès lors que cette clause est automatique, le fait pour le bailleur d’avoir omis pendant plusieurs années de se prévaloir de l’indexation ne peut valoir renonciation au jeu de la clause d’indexation, qu’il soit de bonne ou mauvaise foi (cf. Cass. 3e civ., 26 janv. 1994, no 91-18.325).

En d’autres termes, le bailleur qui n’aurait pas augmenté le loyer, volontairement ou non, pendant plusieurs années alors qu’il aurait pu le faire compte tenu de l’augmentation prévu par l’indice, pourra le faire pendant cinq ans. Réciproquement, si l’évolution de l’indice est à la baisse, le locataire peut réclamer une restitution des loyers trop perçus pendant cinq ans.

Il est fortement conseillé pour éviter toute discussion et les aléas d’une interprétation de la clause par les juges d’utiliser le terme « automatique » et de stipuler que « le loyer sera automatiquement augmenté ou diminué... »
Quand bien même cette clause serait correctement rédigée, il apparaît que dans de nombreux baux commerciaux, il est stipulé que la clause d’indexation ne peut avoir d’effet qu’à la hausse, c’est-à-dire que l’indexation ne peut avoir pour conséquence qu’une augmentation de loyer.

Ce type de clause est-il valable ?

La Cour de cassation a rendu un arrêt en date du 14 janvier 2016 (Cass.civ. 14 janvier 2016 N° 14-24681), aux termes duquel cette question semble avoir été définitivement tranchée.

Dans cette affaire, la clause litigieuse était rédigée comme suit : « La présente clause d’échelle mobile ne saurait avoir pour effet de ramener le loyer révisé à un montant inférieur au loyer de base précédant la révision ».

Il s’agit là d’une rédaction assez classique, qui est rencontrée dans de nombreux baux.

La Cour de cassation juge de manière très explicite que « est nulle une clause d’indexation qui exclut la réciprocité de la variation et stipule que le loyer ne peut être révisé qu’à la hausse ».

Elle juge également que « la cour d’appel, qui a apprécié souverainement le caractère essentiel de l’exclusion d’un ajustement à la baisse du loyer à la soumission du loyer à l’indexation, a pu en déduire que la clause devait être, en son entier, réputée non écrite ».

Cela signifie que si la clause d’indexation prévoit que le loyer ne peut être révisé qu’à la hausse, alors cette clause est nulle et est réputée n’avoir jamais été écrite.

En d’autres termes, toute indexation fondée sur une telle clause est nulle.

Les augmentations pratiquées sur ce fondement devront être annulées et les sommes versées à ce titre remboursées par le bailleur.

Nous invitons donc les locataires d’un bail commercial à relire le paragraphe « Indexation » de leur bail commercial (s’il existe), afin de vérifier :
-  D’une part si la clause est correctement rédigée (pas d’emploi du conditionnel, pas de formalités nécessaires pour l’application de la variation, etc.) ;
-  D’autre part si la clause ne prévoit pas que l’indexation ne joue qu’à la hausse.

Dans ces deux cas, il sera possible de demander le remboursement des sommes versées en application de cette clause, depuis la dernière révision triennale légale, voire d’imputer ce montant sur les prochains loyers à venir.

Il est indifférent que l’indice ait effectivement joué à la hausse sur la période en question : la clause qui prévoit qu’elle ne peut jouer qu’à la hausse est nulle et doit être considérée comme n’avoir jamais été écrite.

Le locataire confronté à cette situation doit donc prévenir son bailleur de la nullité de la clause et l’informer d’une demande de remboursement ou d’imputation sur les prochains loyers.

En cas de refus de la part du bailleur, il sera possible de saisir le tribunal de grande instance, éventuellement en référé, afin d’obtenir le remboursement des sommes indues.

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