« Cette journée a pour but de resserrer nos rangs, de rendre la société moins timorée, de repousser les frontières » a annoncé Dominique Attias. Un vaste programme, mais essentiel, dans une profession de plus en plus féminisée (54,4% de femmes en moyenne sur le plan national en 2016 [1]). Et cette évolution va croître, puisque les CRFPA [2] accueillent entre 65% et 70% de femmes chaque année [3].
Difficultés d’accès aux postes décisionnaires, inégalités salariales [4], sous-représentation, … Les mêmes problématiques perdurent toujours. Pour y remédier, la vice-bâtonnière invite les femmes à « se rebeller », à « partir à la conquête » de nouveaux postes et de nouvelles responsabilités, pour sortir de l’ombre. Elles doivent ainsi être les premières actrices de leur progression. « Il est essentiel d’aller au-delà de la revendication, et de faire évoluer les mentalités, y compris celles des femmes, insiste Dominique Attias. Il ne faut pas penser exclusion, mais intégration ».
« Le premier levier, c’est soi-même. »
- Discours de Dominique Attias avant le première table ronde "Elles s’engagent aujourd’hui".
Les femmes sont les premières à pouvoir agir. Et si elles ont à lutter contre les résistances externes, elles doivent d’abord combattre leurs propres réserves lorsqu’il s’agit de responsabilités professionnelles. « Nous sommes peut-être hésitantes, nous réfléchissons des millions de fois, alors que les hommes ne se posent pas toutes ces questions, avance Leila Aïchi, sénatrice et avocat au barreau de Paris. Il faut s’auto-convaincre qu’on peut y arriver ». Un constat confirmé par Suzanna Sava-Montanari, avocat chez Latham Watkins : « Les collaboratrices, quand elles arrivent, se concentrent sur la gestion de leurs dossiers, et se préoccupent moins de la gestion de leur carrière, de leur réseau, du marketing de soi, … Elles n’ont pas confiance en elles ».
C’est pour répondre à cette problématique qu’un programme « Women Enriching Business » a été mis en place au sein de la firme, qui compte 80% de collaboratrices mais seulement 19% d’associées. Travailler sa confiance, développer un réseau externe féminin, savoir réagir face à certains comportements masculins, … des séances de coaching sont ainsi organisées pour permettre aux femmes de défendre leur position. « Nous voulons donner aux femmes des outils qui leur permettent d’accéder à leur plein potentiel » explique Suzanna Sava-Montanari.
Autre moyen d’action : la solidarité féminine. « Une fois que vous percez, il faut aussi faire venir à vous les autres femmes et faire une action positive tous les jours pour les femmes » souligne l’avocate. Chaque femme doit donc veiller à participer à cette progression, en donnant non seulement l’exemple, mais en instaurant une entraide. « Nous seules pouvons aider les autres à y aller et leur donner la chance d’y arriver » confirme Maria Perras, Group Legal Department et Senior Vice président de la société Atos.
Les femmes, « un sujet business ».
La problématique de l’égalité homme/femme n’est plus seulement une question sociétale : elle devient également un argument business, qui participe à l’image et à la réputation des entreprises. Maria Perras affirme ainsi qu’il s’agit « d’un vecteur clé de performance et de croissance », qui influe sur l’attractivité d’une entreprise, notamment pour le recrutement. « Si nous voulons attirer les meilleurs éléments, il faut investir dans la diversité, souligne Maria Perras. Notre population change, la présence et le poids des femmes se développent, donc on investit dans le développement des femmes. Dans la génération des 20/30 ans, nous avons 37% de femmes, et il faut faire en sorte qu’elles restent ». Cette nouvelle obligation de diversité répond aussi aux attentes d’autres parties prenantes, qu’ils s’agissent des actionnaires, ou des clients. « Le cabinet s’est rendu compte que la présence des femmes dans nos équipes comptait pour nos clients, confirme Suzanna Sava-Montanari. Il fallait une adéquation entre nos initiatives et la représentation des femmes ».
Entreprises et cabinets doivent donc se mettre au diapason et prendre conscience qu’il faut modifier leurs techniques de management. « Si une femme doit quitter son entreprise pour obtenir progression et augmentation, c’est qu’il y a une faiblesse de l’organisation » affirme Maria Perras.
Avec ces nouvelles perspectives, les femmes devraient donc être armées pour grimper les échelons et prendre leur place dans les hautes sphères. Mais est-ce suffisant ? Les témoignages du public, très majoritairement féminin, ont été nombreux. Et ils ont surtout révélé une confrontation fréquente à un machisme persistant, plutôt qu’un manque de volonté ou de confiance en soi. Alors, comment résoudre la question de ces « résistances externes » ?
La profession a conscience que le chemin est encore long. Cette année encore, le Conseil national des barreaux a réaffirmé sa volonté, en 2016, « d’agir sur les freins qui persistent à l’évolution des carrières des avocates et les disparités salariales ».