Conditions Générales d’Utilisation des réseaux sociaux en France : point à date. Nathalie Dreyfus, CPI.

Nathalie Dreyfus
Conseil en Propriété Industrielle
_https://www.dreyfus.fr/

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Explorer : # conditions générales d'utilisation # clauses abusives # protection des données personnelles # contrats d'adhésion

En permettant l’accès au réseau social, l’utilisateur adhère sans vraiment pouvoir négocier, à toutes les dispositions contenues dans les conditions générales d’utilisation (CGU).
Au regard de ces constatations, il est légitime de s’interroger sur la force contraignante de ces règles. Quid de leur validité au regard du droit français ?

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Quelle est la nature juridique des CGU des réseaux sociaux ?

Les CGU sont avant tout un document contractuel fixant les règles du jeu du réseau social. Il s’agit de la loi des parties sur la plateforme et à ce titre l’article 1194 du Code Civil français dans sa version en vigueur au 1e octobre 2016 a lieu de s’appliquer : « les contrats obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que leur donnent l’équité, l’usage ou la loi. »

Mais les CGU sont plus particulièrement des contrats d’adhésion en ce sens qu’ils ne permettent pas en pratique à l’utilisateur de négocier les termes du contrat. Par conséquent, les CGU des réseaux sociaux sont des contrats ayant force contraignante. Néanmoins dans la pratique, l’accessibilité et la licéité discutables des clauses contenues dans les CGU des réseaux sociaux peuvent venir remettre en cause leur force contraignante.

Les CGU des réseaux sociaux sont-elles opposables ?

Il est souvent reproché aux CGU d’être peu accessibles. En effet, en pratique ces conditions sont souvent reproduites sur des documents extérieurs au contrat et il n’est pas toujours aisé de prouver leur connaissance et acceptation par le contractant.

Pour certaines conditions particulières relatives à la protection des données personnelles, l’accessibilité est encore plus ténue puisque l’ouverture des politiques ou des règles de confidentialité n’est rendue possible qu’en cliquant sur un lien figurant dans les CGU.

Par ailleurs, les CGU des réseaux sociaux sont régulièrement modifiées et les utilisateurs ne sont pas pour autant informés explicitement de ces modifications.

Les CGU des réseaux sociaux sont-elles licites ?

La question se pose aussi bien au niveau des licences d’utilisation des droits de propriété intellectuelle qu’au niveau des clauses relatives aux données personnelles.

Les réseaux sociaux ne restent pas étrangers au contenu posté par l’utilisateur et les CGU instaurent une licence d’utilisation sur ce contenu. Un jugement du TGI de Paris en date du 29 mai 2012 (TF1 c/ YouTube) a eu l’occasion d’indiquer que la licence d’utilisation contenue dans les CGU de Youtube était contestable au regard du droit d’auteur faute de préciser les limites temporelles et spatiales de la cession à titre gratuit.

Certaines clauses des CGU des réseaux sociaux peuvent-elles être considérées comme abusives selon le droit français ?

Les clauses ainsi présentées créent un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties. Ainsi, le public et les associations de consommateurs pointent du doigt régulièrement ces clauses qu’ils définissent comme abusives.

La majorité des clauses en question concerne la protection de la vie privée et des données personnelles. La commission des clauses abusives n°2014-02 en date du 7 novembre 2014 recommande que soient éliminées des contrats proposés par les fournisseurs de service de réseautage social les clauses ayant pour objet ou pour effet la lisibilité du contrat, la formation du contrat, les droits de propriété intellectuelle ou encore les modifications des CGU.

En pratique jusqu’à récemment, il n’était pas possible en France d’introduire une action de groupe. La Loi Hamon du 17 mars 2014 qui a introduit pour la première fois l’action de groupe dans le Code de la consommation a permis aux associations de consommateurs d’agir en justice afin d’obtenir la réparation des préjudices individuels subis par un réseau social ayant manqué à ses obligations légales ou contractuelles.

Quelle est la valeur des CGU des réseaux sociaux face aux règles de conflits de juridiction ?

Les règles de résolution de conflits de lois et de juridictions se heurtent aujourd’hui aux CGU des réseaux sociaux. En 2012, la Cour d’appel de Pau a précisé l’applicabilité des CGU à l’occasion d’une action engagée contre Facebook. Un utilisateur s’opposait à la clause attributive de compétence présente dans les CGU qui désigne les tribunaux de Californie. Les juges avaient écarté l’application des CGU de Facebook, considérant qu’elles étaient rédigées en anglais et dans une police trop petite. Cet arrêt confirme donc que les parties à un contrat peuvent désigner la juridiction qui sera compétente.

Plus récemment, une ordonnance du Tribunal de Grande Instance de Paris du 5 mars 2015 a jugé nulle et non écrite la clause attributive de compétence contenue dans les conditions générales de Facebook, après s’être déclaré compétent pour trancher cette exception de procédure, au motif du caractère abusif de la clause. La cour d’appel, dans son arrêt du 12 février 2016, a confirmé cette ordonnance. En conséquence, le TGI de Paris est compétent pour juger le litige qui opposait le réseau social à un internaute qui avait vu son compte désactivé (après la mise en ligne de la reproduction du tableau de Courbet « L’origine du monde ».)

Aussi, à la suite de l’Ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 réformant le Code Civil, vient se poser la question du champ d’application de la solution. L’article 1171 du Code Civil qui sera effectif au 1e octobre 2016 dispose que « dans un contrat d’adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite ». Les professionnels vont donc pouvoir se prévaloir de cet article, ce qui leur offre une possibilité plus large de défense, et qui les place au même niveau que les non-professionnels et les consommateurs qui bénéficient d’une protection contre les clauses abusives selon l’article L212-1 du Code de la consommation.

La DGCCRF s’est également penchée sur le cas Facebook et a déclaré, dans un communiqué publié le 9 février 2016, avoir examiné les GCU de ce réseau social et trouvé plusieurs clauses abusives. Notamment celles autorisant Facebook à retirer des contenus ou informations publiés par l’internaute sur le réseau de façon discrétionnaire, ainsi que celles qui réservent à Facebook le droit de modifier unilatéralement la politique de confidentialité sans en informer l’internaute. La DGCCRF a donc publiquement enjoint Facebook de supprimer ces clauses considérées comme abusives.

Facebook avait également été mis en demeure le 26 janvier 2016 par la CNIL de respecter la loi Informatique et Libertés du 6 janvier 1978 en matière de collecte et d’utilisation des données des internautes. Le réseau social avait été accusé de suivre la navigation des internautes sur des sites tiers à leur insu, même s’ils ne disposaient pas d’un compte Facebook. Depuis cette date, aucune information n’a été publiée ni par la CNIL ni par Facebook sur les suites de cette mise en demeure. C’est donc une affaire à suivre.

Il ne reste qu’à féliciter les juges français de tenir tête aux fournisseurs de réseaux sociaux et de faire ainsi respecter les valeurs fondamentales du droit français.

Nathalie Dreyfus
Conseil en Propriété Industrielle
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