Le premier contrat lie le prestataire et le financier : le prestataire lui vend la solution. Le deuxième contrat lie le financier et le client : le client loue la solution pendant un temps donné (souvent 36 ou 48 mois) contre un loyer mensuel ou trimestriel. A l’issue du contrat, le client doit rendre la solution au financier, sauf s’il dispose d’un droit à acheter (on parle d’une option d’achat) : la location financière s’appelle alors un crédit-bail.
Cette architecture contractuelle est intéressante pour le prestataire qui touche le prix tout de suite de la part de l’organisme financier, et qui peut « vendre » son système au client. Du côté du client, qui n’a pas à se soucier de demander un emprunt à sa banque.
Le triangle amoureux vire parfois vinaigre : notamment lorsque le système vendu (qui mélange souvent du matériel, du logiciel voire même un site internet) ne fonctionne pas ou fonctionne mal.
Autre problématique : celle de la restitution du matériel, mais cela fera l’objet d’un prochain article. C’est particulièrement piégeux dans les grandes sociétés qui se réorganisent sans cesse, de fusions en scissions, on perd la trace des PC, ou des téléphones (pour un call center) et encore plus des logiciels. Vous savez comment on restitue un logiciel ? on l’efface. Ce n’est pas une mauvaise blague…
Jusqu’à présent les contrats de location prévoient souvent que quand un problème se présente, le procès auprès du fournisseur n’a pas d’impact sur le contrat financier. En effet, ces contrats contiennent une clause d’interdépendance des deux contrats.
En d’autres termes, lorsque le système n’est pas bien livré ou connaît des dysfonctionnements, le client doit payer jusqu’au bout l’organisme financier. Son seul recours est de demander que le prestataire lui rembourse ses loyers.
Cette clause est la meilleure protection des organismes financiers, notamment pour les contrats portant sur des valeurs de quelques milliers d’euro. ATTENTION : il existe des contrats de location financière portant sur des millions d’euros, aussi.
Dans le cas des « petits » dossiers, le client est très sérieusement découragé de faire un procès puisque pendant tout le temps du procès, il serait obligé de continuer à payer ! Et ce n’est qu’à la fin que peut-être (si le prestataire n’a pas fait faillite, ce qui arrive) il pourra récupérer sa mise. D’ici l’arrêt devant la Cour d’appel, il a souvent fini de payer ses 36 mois…
Pourtant, ces clauses d’indépendance sont artificielles : les deux contrats sont signés le même jour, et jamais le client ne voit de représentant de l’organisme financier. Il ne voit que son vendeur (sauf qu’en fait, il y a vente mais entre son prestataire et l’organisme financier)…
Sur ce sujet des décisions contradictoires étaient rendues par les juridictions françaises. [1]
Deux arrêts de la cour de cassation viennent de trancher définitivement la question en indiquant que les contrats sont interdépendants et ne sont pas divisibles :
Ces arrêts sont très importants, et la Cour de cassation a voulu leur rendre un important retentissement : ils ont été rendus en chambre mixte (en formation très solennelle), et les deux solutions sont identiques. La Cour de cassation a même publié un communiqué de presse.
On trouve dans ce communiqué une information intéressante : habituellement, les arrêts de chambre mixte sont faits pour résoudre des différences d’interprétation entre deux chambres de la Cour de cassation (les civilistes ne sont pas d’accord avec les commercialistes par exemple). Ici, la Cour de cassation ajoute que ces arrêts de chambre mixte ont aussi pour effet d’assurer une interprétation cohérente sur tout le territoire français. Peut-être s’agit-il d’une pierre dans le jardin des magistrats lyonnais ? L’arrêt de Cour d’appel qui est cassé vient de Lyon.
En pratique : lisez de toute façon les contrats que vous signez si vous êtes client. Exigez que les contrats soient lisibles. Du côté des prestataires, vendez des contrats lisibles : vos clients vous aimeront mieux.
Discussions en cours :
Une question est posée dans un contexte dramatique : le décès du contractant. Dans ce cas, l’organisme financier décide de poursuivre le recouvrement des sommes dues. La question de savoir s’il est possible de s’opposer à ce recouvrement est assez délicate. Une première analyse : le contrat de location financière est lié au contrat de prestation ou de livraison de matériel. Le décès du preneur-emprunteur peut d’abord être envisagé dans les CGV. En l’absence de mentions particulières, il faudrait s’interroger sur la transmission de la dette de remboursement, alors que le contrat de prestation ou de location n’a plus d’intérêt économique en raison du décès du preneur. Une disparition de la cause ? L’examen détaillé des contrats pourrait aider à résoudre le sujet.
Bernard LAMON
Suite au décès de mon frère,architecte, les ayant droits, dont je fais partie, se retrouvent à assumer des contrats de location de matériels informatiques. N’étant pas professionnels, nous n’avons pas usage de ces machines et sommes obligés de mettre fin aux contrats. Les prestataires financiers nous réclament l’ensemble des loyers, alors les contrats venaient de démarrer, et le matériel en retour ! N’y a-’il aucune solution pour réduire l’impact de ces conditions draconiennes et quelque peu léonines.
D’avance merci pour votre réponse.
Maître,
Merci pour cet exposé très clair.
Question annexe au sujet des locations financières pures (sans OA) entre professionnels.
Existe-t-il, comme c’est le cas pour les crédits à la consommation des éléments à mentionner absolument dans le contrat (par exemple le TEG et le calcul du coût) sous peine de nullité ?
par avance, merci.
S.