Juridiquement, ce type d’opération est couvert par deux contrats nommés dont le régime est défini au sein du Code civil français :
un contrat signé entre la société de financement et un fournisseur de bien ou l’entreprise, future locataire (lease back) relevant de la qualification juridique de « vente » au sens des articles 1582 et suivants du Code civil.
un contrat de location signé entre la société de financement et le locataire relevant de la qualification juridique de « louage de chose » au sens des articles 1708 et suivants du Code civil.
Ces contrats peuvent être conclus soit séparément, soit concomitamment :
Dans le 1er cas, le client est seul en relation avec le fournisseur puis s’adresse à la société de financement pour obtenir le financement de ce bien en lui cédant la propriété du bien concerné (opération de lease back) ;
Dans le 2ème cas, c’est le fournisseur (partenaire occasionnel ou régulier de la société de financement) qui assure les différentes opérations commerciales vis-à-vis du client en lui proposant soit directement la location du bien concerné pour ensuite céder le contrat à une société de financement, soit indirectement en assurant la relation commerciale entre le client et la société de financement (le contrat de location est signé dès son origine par la société de financement).
Si le 1er cas se rencontre encore pour des projets informatiques très complexes (ex : ERP ou CRM nécessitant d’importants paramétrages et développements), le 2ème cas est de loin le plus fréquent notamment dans le domaine de la bureautique et de l’informatique.
A ce montage relativement simple, viennent régulièrement s’ajouter une ou plusieurs prestations de services associées au bien financé, prestations assurées soit par le fournisseur d’origine, soit par un prestataire tiers. Ces prestations sont de nature très variée et si elles couvrent toujours la maintenance, l’entretien le support et l’assistance, on voit désormais apparaitre des prestations plus complexes de type GED, dématérialisation de documents sécurisés, reconnaissance de caractères, hébergement de données, service de type SaaS… plus stratégiques pour le client que le choix à proprement parler du matériel financé.
Ainsi, si dès l’origine de ces montages, un contentieux important s’est développé pour tenter de faire reconnaitre l’interdépendance de ces différents contrats afin d’obtenir que la caducité d’un des contrats entraine de facto la caducité des autres contrats et plus particulièrement que la caducité du contrat de prestation liée à l’absence ou à la mauvaise qualité du service assuré sur le matériel doit entrainer la caducité de la location, la complexification des prestations que le prestataire offre (et que le client attend quasiment en standard) génèrera, sans aucun doute, un contentieux encore plus fourni du fait des attentes des clients en terme de continuité et de qualité de service.
Si les années 80/90 ont vu se développer, avec plus ou moins de succès, des actions revendiquant la caducité des contrats de location de télécopieurs ou de photocopieurs du fait de l’insatisfaction des clients concernant l’entretien et/ou la maintenance, le développement du recours au financement des biens bureautiques ou informatiques associé à des prestations bien plus complexes et importantes aux yeux des clients pour le bon fonctionnement quotidien de leur activité, emportera sans conteste un développement exponentiel des actions en caducité des contrats de location de matériels bureautiques et informatiques.
Or, jusqu’à mai 2013, la Cour de cassation imposait aux juridictions du fond de rechercher si les contrats conclus (location/service) étaient ou non indépendants soit par la volonté exprès des Parties en présence soit en pratique sur la base de critères objectifs :
Date identique de conclusion des contrats
Ensemble contractuel unique
Présence commerciale physique de la société de financement auprès du locataire
Nature du bien loué et obligation pour le client que le service soit assuré par le prestataire initial
…
Lorsque le juge se prononçait en faveur de l’indivisibilité, s’ensuivait une résolution/résiliation en cascade des contrats :
Contrat de service
Contrat de location
Contrat de vente
A contrario, en présence de clause d’indépendance des contrats ou en l’absence de critères objectifs, le locataire se voyait généralement contraint d’assumer les loyers conformément aux stipulations contractuelles du contrat de location.
C’est d’ailleurs ce qui explique le développement dans les contrats de location d’un certain nombre de clauses dont l’objectif était de faire peser sur le locataire la responsabilité du choix du produit, du fournisseur, du prestataire et de fixer clairement la volonté explicite des parties au contrat de location en inscrivant expressément au contrat la reconnaissance de l’indépendance des contrats souscrits autour du bien. Cette technique contractuelle a d’ailleurs été suivie par les fournisseurs et prestataires, reprenant à leur tour les rédactions des conseils juridiques avisés des sociétés de financement
Néanmoins, la grande diversité des décisions de jurisprudence, associée au temps nécessaire pour obtenir des décisions passées en force de chose jugée généraient une insécurité juridique que la Cour de cassation a désormais levée.
Par deux arrêts du 17 mai 2013, la Chambre mixte de la Cour de cassation a fini par trancher en faveur d’une interdépendance de principe des contrats intervenant dans le cadre d’une location financière : « Les contrats concomitants ou successifs qui s’inscrivent dans une opération incluant une location financière, sont interdépendants ; sont réputées non écrites les clauses des contrats inconciliables avec cette interdépendance ».
La Cour de cassation a entendu donner à sa position la plus grande ampleur possible afin de fixer le principe désormais à appliquer par les juridictions du fond : Décision de la Chambre mixte (dans sa formation la plus solennelle), communiqué de presse accompagnant les deux décisions qu’elle a voulu identique.
Trois ans après, les décisions ultérieures continuent de se conformer à la lettre à cette position de principe posée par la Cour de cassation, quel que soit le bien concerné (matériels informatiques dont photocopieurs, téléphonie, fourniture de site internet…) et le type de location (location financière ou crédit-bail).
Dans les domaines de la bureautique et de l’informatique, on peut, à ce titre, s’appuyer notamment sur les décisions suivantes (sans que la liste soit exhaustive) :
Cour d’appel de Paris du 2 avril 2015 : Caducité des contrats d’abonnement et de location financière relatifs à un matériel de téléphonie. La Cour a considéré qu’il s’agissait « d’une seule opération économique avec trois contrats dont chacun se trouvait de fait lié aux deux autres » et que « l’équilibre et l’exécution des 3 contrats supposaient que les deux autres coexistent ». Elle a rejeté les clauses d’indépendance figurant aux trois contrats et a admis la résolution du contrat de maintenance pour non-exécution de ses obligations par le prestataire et en a déduit la caducité des contrats d’abonnement et de location financière.
Cour d’appel de Paris du 2 septembre 2015 : Résolution du contrat d’installation et de maintenance de matériels d’accès par identification du réseau veineux des doigts de la main et du contrat de location financière pour inexécution par le prestataire de son obligation de délivrance. La Cour a statué en considérant que « les parties avaient entendu faire une opération économique unique, que les divers contrats signés forment un tout indivisible, que la clause qui stipule que ces contrats sont indépendants est réputée non écrite ».
Cour d’appel de Paris 25 septembre 2015 : Annulation des contrats de location de deux photocopieurs du fait des manœuvres dolosives du fournisseur. La Cour a considéré que « le montage contractuel caractérise l’existence de manœuvres frauduleuses (du fournisseur) pour amener la (société locataire/cliente) à signer deux contrats et à ce qu’il soit opéré deux prélèvements pour le même photocopieur. Les deux contrats ne peuvent être examinés de manière indépendante car concernent le même photocopieur. (…). La nullité des deux contrats signés par la société (locataire/cliente) au profit la société (fournisseur) sera prononcée. Compte tenu de l’indivisibilité des contrats de location et de financement insérés dans les mêmes actes et tendant aux mêmes fins économiques, la nullité des contrats de location entraîne la nullité des contrats de financement entre la société (locataire) et la société (de financement et implique le remboursement par celle-ci au locataire des échéances réglées (…) »
Cour d’appel d’Amiens 22 mai 2014 : Résiliation du contrat de prestation de création, hébergement, administration maintenance d’un site internet ainsi que du contrat de location associé et rejet de la clause d’indépendance des contrats réputée non écrite.
Cour de cassation du 4 novembre 2014 : Rejet du pourvoi d’une société ayant souscrit un contrat d’animation publicitaire et un contrat de financement associé en rappelant que bien qu’il y ait interdépendance des contrats « lorsque des contrats incluant une location financière sont interdépendants, l’anéantissement du contrat principal est une préalable nécessaire à la caducité (…) du contrat de location », la simple ouverture d’une procédure collective à l’encontre du prestataire n’entrainait pas caducité des contrats en cours.
Cour de cassation Chambre commerciale Arrêt du 24 septembre 2013 : Confirme l’annulation d’un contrat de crédit-bail portant sur un système de géolocalisation, signé concomitamment à un service après-vente, avec une ligne dite « hotline », ainsi qu’une formation à l’utilisation des systèmes informatiques de géolocalisation et une maintenance de ceux-ci.
Il est à noter, au surplus, que depuis 2010, la Cour de cassation (Ch commerciale 30 novembre 2010) a décidé que l’indemnité de résiliation prévue dans les contrats de crédit-bail devait être révisée sur le fondement de l’article 1152 du Code civil. Cette jurisprudence a été de manière constante suivie par les cours d’Appel qui estiment que ce type d’indemnité est une clause pénale et qu’en conséquence peut être revue à la baisse lorsqu’il existe une disproportion entre le montant contractuellement fixé et le préjudice réellement subi (à noter l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 28/11/2011 transposant à la location financière : Location d’un appareil photo numérique pour 48 mois- reliquat de loyers à payer par le locataire égal à 10 mensualités qualifié de clause pénale et ramené à 20% des loyers restant à échoir).
Par ailleurs, loin de remettre en cause la jurisprudence antérieure, l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations qui a été publiée au Journal Officiel du 11 février 2016 et dont les dispositions sont entrées en vigueur le 1er octobre 2016 dernier, sans se pencher spécifiquement sur la location financière dispose clairement dans ses articles 1186 et 1187 :
Art 1186 : « Un contrat valablement formé devient caduc si l’un de ses éléments essentiels disparaît.
Lorsque l’exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d’une même opération et que l’un d’eux disparaît, sont caducs les contrats dont l’exécution est rendue impossible par cette disparition et ceux pour lesquels l’exécution du contrat disparu était une condition déterminante du consentement d’une partie.
La caducité n’intervient toutefois que si le contractant contre lequel elle est invoquée connaissait l’existence de l’opération d’ensemble lorsqu’il a donné son consentement. »
Art. 1187 : « La caducité met fin au contrat. Elle peut donner lieu à restitution dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9. »
On peut également noter que l’Ordonnance susvisée formalise également un certain nombre d’obligations notamment pré-contractuelles qui prennent un éclairage particulier, loin d’être sécurisant pour les loueurs de biens bureautiques ou informatiques, dans le domaine des obligations en matière d’informations pré-contractuelles à délivrer :
Art 1112-1 : « Celle des parties qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.
Néanmoins, ce devoir d’information ne porte pas sur l’estimation de la valeur de la prestation.
Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties.
Il incombe à celui qui prétend qu’une information lui était due de prouver que l’autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu’elle l’a fournie.
Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir.
Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d’information peut entraîner l’annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants. »
Là encore, sans que l’obligation d’information soit nouvelle, l’expression au sein d’un texte rédigé aussi largement permettra certainement à certains clients d’arguer du défaut d’information sur le périmètre et l’adéquation à leurs besoins de la prestation « associée » au matériel bureautique ou informatique pour tenter le vice du consentement et obtenir l’annulation de la chaine de contrats.
En conclusion, puisque la réponse juridique est désormais établie et stable, il appartient aux sociétés de financement intervenant notamment dans le domaine bureautique et/ou informatique, quel que soit le type de bien financé, a fortiori si les prestations qui y sont associées présente un minimum de complexité (pour le client !), de se doter des moyens internes ou externes de s’assurer non seulement de la qualité financière de leurs partenaires mais également de la capacité opérationnelle de ces derniers à assurer avant même le début de la location puis pendant toute la durée de la location (éventuellement prorogée) une information complète, sincère et formelle ainsi qu’une qualité de service a minima conforme aux règles de l’art (ou conforme aux engagements de service contractuellement souscrits). En effet, toute défaillance de leur partenaire vis-à-vis du locataire ouvrira droit pour ce dernier à réclamer en justice non seulement l’annulation des contrats de service et de financement mais également la revue à la baisse de l’indemnité de résiliation à titre de clause pénale.
« Cessante causa cessat effectus »
Discussions en cours :
Bonjour, j’ai actuellement un litige avec une société de financement.
En 2012 j’ai acheté en contrat location du matériel de protection pour mon commerce, j’ai vendu ce fonds en 2014 en cédant le contrat à mes repreneurs. Peu après la société de financement s’est opposé a ce transfert et aujourd’hui m’assigne au tribunal pour une injonction de payer. Par contre dans le contrat le libéré du matériel n’est pas bon, il est écrit "vidéosurveillance" alors qu’en réalité il s’agit d’un "générateur de fumigène anti-intrusion". Cela peux t’il entraîner la nullité du contrat ?
bien à vous.
Bonjour, je vous informe que la société de financement LOCAM (groupe Crédit Agricole) est assignée le 18 juin 2019 au tribunal correctionnel de Saint-Étienne pour pratiques commerciales trompeuses avec dol
Bonjour,
je possède une toute petite entreprise de tapissier, prestataire de sercice, je suis à l’invalidité car j’ai eu un cancer avec récidive, j’ai donc réussi à repasser un diplome et je vis chez ma mère.
Mon activité étant sérieusement en baisse j’ai décidé de recevoir la société Kréatic pour un partenariat soit disant qui devait me faire un site Web à 560 euros et au final je me retrouve avec 48 mensualités de 240 euros par la société Locam.
Jamais je ne pourrai payer cette somme ce n’est même pas mon chiffre d’affaires et je veux les attaquer en justice par tous les moyens que je pourrai trouver.
Merci pour votre article riche en jurisprudence.
Je souhaite attirer votre attention sur le le segment du « small ticket ».
Dans les contrats entre professionnels, le cœur de cible de ce modèle financier est celui des TPE/PME et des micro-entrepreneurs déjà complètement précarisés par la crise économique.
Comme vous l’écrivez, ce sont des contrats tripartites entre un client, un prestataire de services et une société de financement.
Ces contrats sont signés à l’issue d’un seul rendez vous, d’où le terme one-shot.
L’objectif de ce ménage à 3 est d’ obtenir à l’insu du client prospecté la signature d’un contrat de location financière qui est ensuite revendu une société de financement telle :
Locam, filiale à 100% du Crédit Agricole Loire-Haute Loire.
Parfip, filiale de la banque populaire Casden, groupe BPCE.
À l’oral le commercial vous présente un contrat de partenariat, et après signature du contrat vous vous retrouvez avec un contrat tripartite de location financière (dol, vice de consentement).
Le client devient, dès qu’il signe, un "locataire non averti" au sens de l’article 1690 du code civil.
Il n’est averti qu’à réception de l’échéancier de la société de financement.
« ... mais surtout il n’est pas démontré que l’information de la cession a été portée à la connaissance du débiteur cédé, en l’espèce Mme Christine X..., de façon certaine et non équivoque au sens de l’article 1690 du code civil... »
Source :
Cour d’appel de Poitiers - 2ème chambre civile - 9 septembre 2014 - N° de RG : 13/00693
Ce type de contrat relève juridiquement de la location simple selon les termes de l’article 1709 du code civil.
Il échappe donc aux obligations du Code Monétaire et Financier (livre III, titre IV).
La solvabilité du client n’est jamais vérifiée car non obligatoire pour la société de financement !
Bonjour
J’envisage de créer une entreprise de location de matériel médical afin de proposer aux hôpitaux un équipement et ses consommables sur une longue durée.
Si j’ai bien compris, la loi française ne permet pas aux sociétés commerciales de pratiquer le crédit-bail, ce qui veut dire que je devrai reprendre le matériel en fin de contrat ou bien proroger le contrat.
Ma question : est-il toutefois autorisé à une société commerciale de céder l’équipement au client en fin de contrat, à titre gratuit, si l’on estime que celui-ci n’a plus de valeur ? Plutôt que d’en priver le client ? Le but étant alors de vendre les consommables uniquement, l’équipement étant réputé amorti et ne pourrait être logiquement continuer à être loué.
Dans ce cas il faudrait acter le transfert de propriété. Et c’est sans doute cette option qui est interdit aux sociétés commerciales ?
Merci de votre éclairage !
Cordialement