Admis dans les pays anglo-saxons, les dommages-intérêts punitifs font l’objet d’une grande réticence de la part du législateur français. Par ailleurs, bien qu’ils soient le sujet de débats doctrinaux, ils sont rarement invoqués devant les juridictions françaises. La question de la reconnaissance, par le juge français, d’une décision étrangère allouant des dommages-intérêts punitifs est donc délicate. C’est pourtant celle qu’a dû résoudre la première chambre civile de la Cour de cassation, dans son arrêt rendu le 1er décembre 2010, dont la large diffusion (P+B+R+I) indique l’importante portée.
En l’espèce, les époux X, de nationalité américaine, ont acquis un bateau auprès de la société française Fountaine Pajot. Peu après la livraison, les acheteurs ont constaté un certain nombre de défauts imputables, selon eux, à la société Fountaine Pajot, constructeur et vendeur du bateau. Plus précisément, cette société aurait hâtivement réparé les dommages occasionnés par une tempête et dissimulé aux acheteurs l’existence de ces dommages.
La Superior Court of California a alors condamné la société française à payer aux propriétaires du bateau, non seulement les frais d’avocat et des dommages-intérêts compensatoires au titre des réparations du préjudice subi, mais aussi des dommages-intérêts punitifs afin de réprimer le comportement du vendeur. Les époux américains ont ensuite assigné la société Fountaine Pajot en exequatur de cette décision. Ils n’ont obtenu satisfaction ni en première instance ni en appel, la société Fountaine Pajot ayant invoqué avec succès l’article 15 du Code civil selon lequel « un Français (peut) être traduit devant un tribunal de France, pour des obligations par lui contractées en pays étranger, même avec un étranger ». La Cour de cassation, par un arrêt du 22 mai 2007, a néanmoins censuré cette décision, estimant que cette disposition ne consacre qu’une compétence facultative de la juridiction française, impropre à exclure la compétence indirecte de la juridiction étrangère.
Le contentieux de la compétence du juge étranger ayant été tranché, c’est ensuite sur le terrain de la compatibilité des dommages-intérêts punitifs avec l’ordre public que s’est placé le débat. La juridiction de renvoi a rejeté la demande d’exequatur au motif que la décision californienne contrevenait à l’ordre public international car, « en droit français, le propre de la responsabilité civile est de rétablir aussi exactement que possible l’équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l’acte dommageable ne s’était pas produit ». Selon la Cour d’appel, cette décision porterait donc directement atteinte au principe de réparation intégrale. C’est alors que les acheteurs se sont pourvus une seconde fois en cassation.
La question se posait de savoir si une condamnation à des dommages-intérêts punitifs porte atteinte à l’ordre public international français. A défaut, le droit français, bien que ne connaissant pas lui-même le principe des dommages-intérêts punitifs, pourrait ainsi admettre la transcription, dans son ordre juridique interne, d’une décision étrangère accordant cette forme particulière de peine privée.
La Cour de cassation apporta une réponse en demi-teinte, considérant, d’une part, que le principe des dommages-intérêts punitifs n’était pas, en lui-même, contraire à l’ordre public et, d’autre part, que l’incompatibilité à l’ordre public était en l’espèce avérée, dans la mesure où le montant alloué était disproportionné au regard du préjudice subi et du manquement aux obligations contractuelles. C’est ainsi que, par cet arrêt de rejet, la demande d’exequatur fut une fois de plus rejetée.
Si l’on peut se réjouir que la Cour de cassation juge enfin les dommages-intérêts punitifs non contraires à l’ordre public dans leur principe (I), cet enthousiasme doit cependant être tempéré puisqu’elle considère, en l’occurrence, que les dommages-intérêts punitifs sont contraires à l’ordre public dans leur montant (II).
I / Des dommages-intérêts punitifs non contraires à l’ordre public dans leur principe
Dans cette affaire, la plus haute juridiction rappelle implicitement que la reconnaissance, par le juge français, d’une décision judiciaire étrangère suppose de vérifier la conformité de cette décision à l’ordre public international (A). Cette condition est, en l’espèce, remplie puisque la Cour de cassation estime que « le principe d’une condamnation à des dommages-intérêts punitifs, n’est pas, en soi, contraire à l’ordre public ». On en déduit que le principe de réparation intégrale - lequel interdit toute forme d’indemnisation permettant une réparation d’un montant supérieur ou inférieur au préjudice subi - ne relève pas de l’ordre public international français (B).
A. Un exequatur conditionné par une compatibilité de la décision étrangère avec l’ordre public
Pour obtenir l’exequatur d’une décision étrangère, plusieurs conditions doivent être réunies. Ces conditions sont implicitement rappelées dans cette affaire, l’accent étant mis sur la nécessaire compatibilité de la décision étrangère avec l’ordre public. Avant d’étudier les conditions d’admission de la demande d’exequatur, il convient, au préalable, d’analyser les conditions d’examen de cette demande.
Pour pouvoir être examinée, la demande d’exequatur doit répondre à certains impératifs.
Tout d’abord, la décision doit émaner d’une autorité investie par une souveraineté étrangère. C’est en l’occurrence le cas de la Superior Court of California et cette première condition ne soulève donc pas de difficulté.
Ensuite, le litige doit concerner la matière civile ou commerciale et non la matière pénale et l’on comprend alors que le juge français admet ici que les dommages-intérêts punitifs relèvent du droit civil, et ce malgré leur finalité répressive.
Enfin, la personne qui reçoit les dommages-intérêts punitifs doit être la victime. Cette dernière condition est remplie.
S’il ne fait pas de doute que les conditions d’examen de la demande d’exequatur sont réunies, l’hésitation est davantage permise s’agissant des conditions d’admission de l’exequatur. La Cour d’appel de Poitiers et la première chambre civile de la Cour de cassation ont d’ailleurs rendu des arrêts divergents en la matière. Pour accorder l’exequatur, le juge français doit s’assurer que trois conditions sont présentes. Si les deux premières conditions ne posent aucune difficulté, la troisième s’avère plus délicate.
Tout d’abord, l’exequatur ne peut être admis qu’en présence d’une compétence indirecte du juge saisi. En l’espèce, les demandeurs étaient de nationalité américaine et domiciliés aux Etats-Unis. De plus, ils avaient choisi la loi californienne comme droit applicable au contrat et avaient ainsi attribué compétence aux tribunaux de l’Etat de Californie. La première condition était donc remplie.
Ensuite, le juge français doit constater l’absence de fraude à la loi, ce qui ne fait aucun doute en l’espèce.
Enfin, la conformité de la décision étrangère à l’ordre public international doit être vérifiée. L’ordre public international français désigne l’ensemble des principes de justice universelle considérés dans l’opinion française comme dotés de valeur internationale absolue. Il s’agit donc des règles dont l’ordre juridique français ne peut souffrir la méconnaissance. Le non-respect de l’ordre public peut donc être invoqué lorsque l’application de la loi étrangère est manifestement incompatible avec l’ordre public français, l’objectif étant d’assurer la défense des impératifs français. Il constitue un correctif visant à écarter la décision étrangère. La Cour d’appel avait estimé que les dommages-intérêts punitifs étaient contraires à l’ordre public de fond car, selon elle, la responsabilité civile a pour fonction de rétablir un équilibre rompu et non de punir une faute. La Cour de cassation a cependant objecté que les dommages-intérêts punitifs ne sont pas par nature contraires à l’ordre public. On peut se féliciter de cette décision qui constitue une preuve de l’assouplissement de la position française. Elle confirme notamment l’idée selon laquelle le principe de la réparation intégrale ne ressortit pas à l’ordre public international français.
B. Un principe de réparation intégrale ne ressortissant pas à l’ordre public
L’admission du principe d’une condamnation à des dommages-intérêts punitifs signifie que, selon la Cour de cassation, le montant des dommages-intérêts peut ne pas être en totale corrélation avec le préjudice subi. Cela revient à dire que, contrairement à ce que prétendait la juridiction de renvoi, le principe de réparation intégrale n’appartient pas à l’ordre public international français.
Cette solution n’est pas nouvelle et plusieurs indices permettaient d’ailleurs de la prévoir.
Tout d’abord, le droit international privé semble restreindre le principe de la réparation intégrale à certaines hypothèses. C’est ainsi que la Convention de Vienne du 11 avril 1980 sur la vente internationale de marchandise, qui consacre le caractère purement compensatoire des dommages-intérêts en son article 74, ne concerne que les marchandises achetées dans un but commercial. Or, en l’espèce, le bateau avait été acquis pour un usage personnel. C’est bien la preuve que le principe de réparation intégrale, non applicable dans cette affaire, ne s’impose pas à toutes les situations.
Ensuite, cette solution apparaît conforme aux règles communautaires. Le règlement « Rome II » ne prohibe les dommages-intérêts punitifs que lorsque leur montant s’avère excessif. Il faut donc en déduire qu’ils ne sont pas jugés incompatibles par nature avec l’ordre public. Le règlement « Bruxelles I » ne fait aucune allusion aux dommages-intérêts punitifs, ce dont il ressort implicitement qu’il ne les proscrit pas. Cette position est logique dans la mesure où certains Etats membres pratiquent ce type de condamnation.
S’agissant du droit français, on constate que la jurisprudence s’affranchit du principe de réparation intégrale depuis longtemps , lequel ne semble donc pas constituer une valeur fondamentale protégée par l’ordre public international français. L’arrêt rendu le 16 juin 1993 en est une illustration, la chambre criminelle de la Cour de cassation considérant, dans cette affaire, que « n’est pas contraire à l’ordre public au sens du droit international privé l’exclusion par la loi étrangère de la réparation intégrale (…) ».
L’arrêt commenté confirme donc implicitement cette décision de 1993. Il est d’ailleurs fréquent que les tribunaux s’émancipent des préceptes classiques et évaluent les dommages-intérêts compensatoires de façon à y incorporer une punition. On observe également que l’idée même de peine privée existe déjà dans notre droit positif, comme en atteste par exemple la création de l’amende civile en droit de la concurrence . Refuser la reconnaissance d’une décision étrangère sous prétexte qu’elle introduit l’idée de peine dans notre droit de la responsabilité civile reviendrait alors à faire preuve d’une certaine incohérence. Enfin, la doctrine se montre majoritairement favorable à l’introduction des dommages-intérêts punitifs dans notre droit positif.
C’est notamment ce qui ressort de la proposition de l’avant-projet dit Catala datant de 2005, son article 1371 disposant que « L’auteur d’une faute manifestement délibérée, et notamment d’une faute lucrative, peut être condamné, outre les dommages-intérêts compensatoires, à des dommages-intérêts punitifs (…) ». Cette idée a été plus récemment reprise dans les conclusions du rapport d’information rédigé par MM. Anziani et Béteille et enregistré à la présidence du Sénat en 2009. La doctrine envisage donc que les dommages-intérêts puissent ne pas avoir pour unique fonction de réparer tout le préjudice et rien que le préjudice, mais intègrent également l’idée de répression d’une faute.
Par conséquent, puisque le principe de réparation intégrale semble être un principe douteux en droit interne, il est logique que la Cour de cassation ne lui octroie pas une valeur essentielle de l’ordre public international.
Prévisible, cette solution, consistant à ne pas assimiler le principe de réparation intégrale à un principe d’ordre public, s’avère également opportune d’un point de vue pratique.
Appliquer strictement le principe de réparation intégrale reviendrait à entraîner une rupture d’égalité entre les différents créanciers d’un même marché. En effet, si les dommages-intérêts punitifs sont prévus par une loi nationale – ce qui est le cas en l’occurrence de la loi américaine -, il faudrait que tous les acteurs du marché américain ayant adoptés une attitude répréhensible subissent cette même sanction.
Le refus de prononcer la peine privée générerait en effet une distorsion sur ce marché au profit du responsable. Cela reviendrait en effet à favoriser le contractant fautif vis-à-vis des autres acteurs du marché. Partant, il semble difficile de mettre en cause l’ordre public international français car la conception française du bon fonctionnement économique n’est pas malmenée quand une sanction prévue par une loi étrangère vient s’appliquer à un contrat soumis à cette législation.
En définitive, reconnaître la compatibilité de la condamnation à des dommages-intérêts punitifs avec l’ordre public est une solution opportune. Il est regrettable que la Cour de cassation admette cette compatibilité dans son principe mais la rejette dans son montant. Après le principe de réparation intégrale, c’est désormais le principe de proportionnalité des délits et peines qui mérite l’analyse.
II / Des dommages-intérêts punitifs contraires à l’ordre public dans leur montant
La Cour de cassation justifie son refus de reconnaître la décision américaine par une disproportion entre, d’une part, les dommages-intérêts alloués et, d’autre part, le préjudice subi et les manquements aux obligations contractuelles. Selon elle, les dommages-intérêts punitifs sont, de par leur montant, contraires à l’ordre public. Cette décision est critiquable car la recherche de proportionnalité n’a pas été pertinemment organisée (A), ce qui a entraîné le prononcé d’une décision injuste notamment pour les victimes (B).
A. Une recherche de proportionnalité fondée sur des critères non pertinents
Dans cette affaire, les juridictions françaises n’ont pas procédé de manière judicieuse à la recherche de proportionnalité entre la condamnation aux dommages-intérêts punitifs et le comportement adopté par le cocontractant. Elles n’ont effectivement pas utilisé de critères pertinents.
Tout d’abord, la Cour de cassation affirme que la décision américaine ne tient pas suffisamment compte, pour évaluer le montant des dommages-intérêts punitifs, du préjudice subi et de la gravité des manquements constatés. Ce grief ne parait pas fondé. En réalité, les juridictions américaines ne prévoient de dommages-intérêts punitifs que dans des cas bien précis. Si ce type de condamnation, auparavant réservé à la matière délictuelle, s’est étendu à la matière contractuelle, il n’est néanmoins prononcé qu’en cas de conduite frauduleuse.
Dans l’affaire BMW v/ Gore, la Cour suprême des Etats-Unis a posé trois critères sans lesquels les punitive damages ne sont pas considérés comme raisonnables. Le premier requiert de considérer le degré de gravité de la conduite illicite ; le deuxième impose une proportion par rapport à l’ensemble des dommages-intérêts accordés ; le troisième demande à ce que les dommages-intérêts punitifs accordés soient comparés aux sanctions civiles ou pénales prononcées pour une conduite comparable. Par conséquent, il semble exagéré de craindre l’absence de rigueur des décisions rendues outre-Atlantique.
Ensuite, on peut noter que, en l’espèce, le comportement du vendeur ne relevait pas de la simple inexécution contractuelle mais constituait une véritable faute dolosive, laquelle supposait la violation délibérée du contrat et la conscience de causer un dommage. N’hésitant pas à mettre en jeu la vie des victimes, le contractant a adopté une attitude très grave. Ainsi, on ne voit pas bien en quoi les dommages-intérêts punitifs alloués par la Superior Court of California sont jugés excessifs par la Cour de cassation, laquelle se contente d’ailleurs de relever la disproportion sans motiver sa décision.
Une bonne manière de vérifier la proportionnalité du montant des dommages-intérêts punitifs est d’ailleurs de comparer le montant alloué avec celui d’une peine pénale. Etant donnée la déloyauté flagrante du vendeur, le délit d’escroquerie, qui est le fait de tromper autrui, semble constitué dans cette affaire. Selon l’article 313-1 du Code pénal, ce délit est puni au maximum de cinq ans d’emprisonnement et de 375 000 € d’amende. On constate alors que les punitive damages alloués ne sont pas disproportionnés au regard de cette condamnation pénale.
Il est également regrettable que la Cour de cassation, pour rechercher la proportionnalité de la peine infligée, fasse référence à la notion de préjudice. S’il est judicieux de prendre en considération le manquement aux obligations contractuelles du vendeur, il n’est pas pertinent de tenir compte du préjudice subi par l’acquéreur. Les dommages-intérêts punitifs, à la différence des dommages-intérêts compensatoires, n’ont aucune finalité réparatrice. Leur rôle est de réprimer un comportement répréhensible. Par conséquent, leur montant doit être fonction de la gravité de la faute commise et non de l’importance du préjudice subi. C’est pourquoi ce critère ne semble pas approprié.
La même conclusion ressort de la mise en balance mathématique entre les dommages-intérêts compensatoires et les dommages-intérêts punitifs. La Cour de cassation reproche à la décision américaine d’avoir « accordé à l’acquéreur, en plus du remboursement du bateau et du montant des réparations, une indemnité qui dépasse très largement cette somme ».
Cette critique n’est pas recevable. En effet, puisque les dommages-intérêts compensatoires et les dommages-intérêts punitifs n’ont pas les mêmes objectifs et ne se calculent pas à partir des mêmes critères, les montants accordés à titre de compensation ne doivent pas être comparés aux montants alloués à titre de punition. Un comportement très grave peut n’entraîner qu’un faible préjudice et, à l’inverse, un important préjudice peut n’avoir pour origine qu’une simple négligence.
Fondée sur des critères rigides, la recherche de proportionnalité n’a pas abouti en l’espèce. Il aurait sans doute été préférable d’employer une méthode de calcul plus souple. Le montant de la peine ne doit être fonction que de la gravité de la faute commise. Or, la faute de comportement est une notion subjective. Analyser la faute d’un contractant revient à examiner son comportement et non à procéder à une approche objective de la situation . En définitive, la recherche de la proportionnalité n’a pas été orchestrée de manière pertinente. Cela a eu pour conséquence d’empêcher la reconnaissance de la décision américaine, ce qui constitue un résultat injuste pour les contractants.
B. Une recherche de proportionnalité génératrice d’injustice
La recherche infructueuse d’une proportionnalité entre les manquements contractuels constatés et la sanction proposée a entraîné l’absence d’exequatur de la décision américaine. Cette solution est critiquable car elle entraîne, d’une part, l’absence de répression de la faute commise et, d’autre part, l’absence de réparation du préjudice subi.
Cette décision de la Cour de cassation est regrettable dans la mesure où les dommages-intérêts punitifs peuvent présenter une grande utilité. Dissuadant les contractants d’adopter une attitude déloyale, les dommages-intérêts punitifs ont une fonction préventive qui pourrait permettre, à terme, une certaine moralisation de la vie des affaires. Aussi, et surtout, de par leur finalité répressive, ils permettent de sanctionner des comportements déloyaux sans faire appel au droit pénal. Ils satisfont l’attente légitime d’une sanction de la partie à un contrat victime d’agissements dolosifs de son cocontractant. En l’espèce, il aurait été judicieux de punir l’auteur de la faute, étant donné son comportement manifestement répréhensible.
Néanmoins, le refus de la Cour de cassation d’accorder des dommages-intérêts punitifs à la victime n’est pas le plus choquant. Il aurait été préférable que ce type de condamnation soit approuvé, nous l’avons expliqué ; cependant, celui-ci n’existant pas dans notre droit positif, cette solution n’est pas très surprenante.
Notre principal regret réside plutôt dans le refus d’allouer des dommages-intérêts compensatoires aux victimes. En rejetant l’exequatur de la décision américaine, la Cour de cassation repousse en bloc l’ensemble des solutions proposées par la juridiction étrangère, parmi lesquelles la réparation du préjudice subi. Or, la légitimité de cette sanction ne pouvait pas être contestée. Les deux condamnations sont en effet indissociées.
Une solution intermédiaire, telle qu’un exequatur partiel par exemple, aurait été préférable. Prohibé lorsqu’il équivaut à une révision de la décision étrangère au fond, un tel exequatur partiel est autorisé lorsqu’il vise à ne reconnaître qu’une partie de la décision. Ce compromis aurait permis, sinon la prise en compte de la faute commise, au moins celle du préjudice subi. Les victimes auraient ainsi pu obtenir une indemnisation, indemnisation qui constitue la finalité première de notre droit de la responsabilité civile et que les juges ont pourtant préféré sacrifier afin d’éviter que l’idée de répression intègre notre droit civil.