Elections britanniques : l'introuvable programme fiscal, par Jérôme Levron, Avocat

Elections britanniques : l’introuvable programme fiscal, par Jérôme Levron, Avocat

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Explorer : # réforme fiscale # Élections britanniques # crise économique # politique budgétaire

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Les prochaines élections britanniques sont les premières élections nationales significatives en Europe sur fond de crise financière, économique et budgétaire.

Comme l’a indiqué le leader libéral-démocrate Nick Clegg lors du troisième débat entre les candidats : « lorsque pour quatre livres dépensées par le gouvernement, une est empruntée, il n’est pas possible de faire de grandes promesses de réductions d’impôts ».
Pourtant, force est de constater que le parti conservateur, qui a souhaité que le débat fiscal soit au cœur de la campagne, propose une audacieuse réforme fiscale.

Avant d’aborder les divers aspects de ce programme, il convient d’analyser les propositions des deux autres candidats.

Il apparaît assez évident de constater que le parti travailliste et son leader Gordon Brown apparaissent plutôt usés par le pouvoir et sur la défensive.

En réalité, le parti travailliste se contente essentiellement de justifier le maintien de la création d’une tranche d’impôt sur le revenu à 50 % applicable à compter d’avril 2010, augmentation sur laquelle ne veut pas revenir, pour l’instant, le parti conservateur, pour les revenus au-dessus de 150 000 livres (172 800 euros) et surtout de maintenir son projet d’augmentation pour avril 2011 de l’assurance maladie de un pour cent payable par les salariés et les employeurs.

Le très respecté et indépendant think tank The Institute For Fiscal Studies indique d’ailleurs dans son étude du 27 avril 2010 réalisée par James Brown et David Philips que le parti travailliste n’a pas de nouvelles idées fiscales dans son projet.

Comme nous le verrons, l’axe principal des travaillistes sur le thème fiscal est surtout la critique du programme conservateur.

Les libéraux-démocrates emmenés par Nick Clegg ont constitué la grosse surprise de la campagne. Pourtant, l’émergence de ce parti et de son leader, qui peut assez facilement se comparer à l’émergence de François Bayrou en 2007, tient probablement plus à la personnalité de son candidat et à l’attrait de la nouveauté qu’à un programme particulièrement ambitieux.

Assez étrangement, le programme fiscal de ce parti pourtant centriste est plus à gauche que le programme travailliste.

On peut ainsi noter la volonté de taxer les plus-values au même taux que les revenus, ce qui reviendrait à plus qu’un doublement du taux actuel et, de manière assez étonnante, la création d’une sorte d’impôt sur la fortune de un pour cent sur les maisons dont la valeur excède 2 millions de livres (2,3 millions d’euros).

Ce parti envisage également une franchise sur les premiers 10 000 livres (11 500 euros) de revenus et la suppression du statut avantageux de non-résident au bout de sept ans pour les impatriés.

Comme nous l’avons indiqué, ces programmes sont bien moins ambitieux que le projet du parti conservateur de David Cameron.

Il convient tout d’abord de remarquer une philosophie particulière liée au projet de ce parti.

La pensée dominante dans les pays développés, et en particulier en France, veut que la crise économique ait rétabli le rôle de l’Etat et la demande d’Etat de la part des citoyens.

De manière assez hardie il faut bien le reconnaître, David Cameron prend l’exact contrepied de cette tendance en faisant de l’axe central de son programme le remplacement du « big government » par la « big society ».

Dès les premières pages du programme officiel, on voit un dessin qui montre une flèche blanche avec le slogan « Il existe une chose comme la société » à côté d’une chaine noire qui contient la formule « Ce n’est juste pas la même chose que l’Etat ».

La philosophie générale du projet fiscal du parti conservateur peut se résumer en une relance économique par la baisse d’impôts.Les mesures fiscales proposées sont très nombreuses mais seules les trois principales ont suscité un important débat du début à la fin de la campagne.

Un premier débat assez classique a eu lieu sur l’élévation du seuil pour les droits de succession à un million de livres (1 150 000 euros).

Gordon Brown a accusé David Cameron de faire des cadeaux aux plus riches sur ce point car ceux-ci bénéficient également de ce nouveau seuil.

Le programme des conservateurs n’est pas démagogique car il propose de stopper les crédits d’impôts pour les ménages gagnant plus de 50 000 livres (57 600 euros), ces crédits étant essentiellement liés à l’éducation et à la garde des enfants.

Au cours du dernier débat, Gordon Brown critiquait vertement cette mesure « c’est le même vieux parti conservateur, cadeau fiscal pour le riche et couper les crédits d’impôts pour enfants pour le réellement pauvre ».

Le débat a cependant été le plus rude dans le pays et parmi les économistes sur l’augmentation prévue pour avril 2011 de un pour cent pour les salariés et les employeurs d’une taxe que l’on pourrait plus ou moins assimiler à la CSG en France.

En effet, le parti conservateur propose de revenir sur cette augmentation au moins pour ceux qui gagnent moins de 45 000 livres (46 000 euros) en la finançant par une réduction immédiate de 6 milliards de livres (6,9 milliards d’euros) du budget de l’Etat.

« Des coupes aussi drastiques dans le budget tueraient la reprise »

Le 15 avril 2010, 77 économistes du monde entier signaient une pétition critiquant cette partie du programme conservateur exposant que des coupes aussi drastiques dans le budget tueraient la reprise.

A l’inverse, les conservateurs répondent que cette « taxe sur l’emploi » ne peut qu’être défavorable à l’emploi en Grande-Bretagne.

Chacun peut être d’accord avec le Chancelier de l’Echiquier, Alistair Darling, quand il expose lors d’un débat télévisé le 29 mars 2010 que « quiconque gagnera le poste devra faire face à des décisions très très difficiles, peut-être les plus difficiles depuis vingt ans sur les dépenses publiques ».

Si se confirme la victoire de David Cameron, nul doute que la politique fiscale qui sera menée sera scrutée bien au-delà des îles britanniques par tous les partis européens qui pourront ainsi analyser les résultats de l’application d’une politique libérale en période de crise économique et budgétaire. L’introuvable programme fiscal deviendrait ainsi un nouveau modèle.

Jérôme Levron

Avocat

Docteur en droit

KGLS

jl chez kgls.fr

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